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Les clés

Manager au féminin

Les clés | publié le : 15.12.2015 | Véronique Vigne-Lepage

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Manager au féminin

Crédit photo Véronique Vigne-Lepage

Gestion d’équipe. « Mon chef est une femme ! » Qui n’a jamais entendu une telle remarque évoquant non les compétences, l’expérience ou la personnalité d’un nouveau manager… mais son sexe ? Encadrer des équipes lorsqu’on est une femme n’est pas évident. Chacune doit louvoyer entre stéréotypes, conscience des atouts de cette différence et… une assurance à trouver.

« Le management féminin s’est banalisé… mais reste très minoritaire. » Tel est le constat dressé par le Baromètre des femmes managers réalisé par Les Essenti’Elles* : dans les entreprises de plus de 20 salariés, 32 % des femmes ont une responsabilité hiérarchique permanente sur au moins un salarié en CDI, contre 54 % des hommes. Qui plus est, une fois en poste, elles sont 43 % à révéler des difficultés à s’imposer, contre 12 % de leurs homologues masculins.

« J’ai été nommée responsable de l’atelier extrusion de Maine Plastiques après les départs successifs de deux hommes occupant ce poste, témoigne Anne-Laure Gabillard. Le recréer m’a aidé à asseoir ma légitimité auprès des 32 collaborateurs, masculins, de l’atelier. » Elle a pourtant dû batailler, au début, dans cette entreprise industrielle de culture « virile », selon ses propres termes, « y compris vis-à-vis du comité de direction, masculin lui aussi ». « Quand on prend un tel poste, en tant que femme, on doit toujours être au combat », assure-t-elle encore.

Elle aussi entourée uniquement d’hommes, Bernadette Raffaelli, dirigeante de la PME de transport et terrassement Grimand-Dufour (Ain), estime y parvenir en « jonglant » entre des qualités d’empathie et de persuasion, des explosions très physiques de colère… et ses qualités professionnelles. « Salariés, clients, fournisseurs hommes, ils pensent tous mieux connaître le travail que moi, lance-t-elle. Je dois sans cesse démontrer ma légitimité ! »

Les femmes managers sont-elles donc vouées à louvoyer entre leur nature et une masculinité à trouver ou à imiter ? « Il n’y a pas de management féminin ou masculin », martèle Catherine Sexton, codirigeante des cabinets-conseils Verteam et Pluriel Partners. Elle déconseille d’ailleurs de « jouer à l’homme », sous peine de faire peur ! D’autant qu’il existe malgré tout des différences de comportement entre hommes et femmes, « dues à notre constitution cérébrale et physique, mais aussi à notre histoire et à notre éducation ». Des différences qui induisent, ajoute-t-elle, que « les femmes se sentent plus à l’aise dans un management transversal que hiérarchique ».

Stéphanie Barré, directrice générale de Doctipharma, société d’e-commerce, confirme : « Il est certain qu’un côté maternant peut parfois ressortir. Cela signifie qu’on est moins dirigiste et plus dans l’accompagnement. On cherche à comprendre la manière d’agir des collaborateurs, afin de les aider à s’améliorer. » Pour Françoise Béziat, directrice générale de la Fondation Jacques Chirac, qui gère des établissements médico-sociaux, c’est peut-être ce qui « apporte une dimension médiatrice aux femmes managers ». Selon Catherine Sexton, sans infantiliser leurs collaborateurs, les encadrantes peuvent s’appuyer sur cette aptitude au « leadership » : « Les femmes portent volontiers les projets, lance-t-elle. Elles sont dans l’engagement, fédèrent autour d’elles, ne sont pas à cheval sur le titre mais sur la mission, et visent le bien-être et la performance plus que le pouvoir. »

Confiance en soi

Certaines femmes intègrent cependant trop les stéréotypes. « Il nous faut parfois sortir d’une certaine humilité pour prendre davantage d’assurance », analyse Françoise Béziat. « Dès l’école, il est mal vu que les petites filles s’expriment ouvertement, commente Catherine Rafinon, coach et formatrice indépendante. Elles sont souvent éduquées à rester en retrait et, adultes, ne savent pas développer leur visibilité. » Encore faudrait-il qu’elles aient confiance en elles : « Une amie nommée à un poste qui la faisait vraiment évoluer a eu peur de ne pas en être capable, raconte Stéphanie Barré. Elle a eu la chance que son n + 2 la pousse, sinon elle aurait renoncé. »

Selon Catherine Rafinon, les femmes « pensent souvent qu’elles doivent démontrer toutes leurs capacités à manager avant d’accéder à un tel poste ». Pour prendre confiance, elle leur conseille de s’appuyer à la fois sur les compétences qu’elles veulent mettre en œuvre et sur la culture de l’entreprise. Pour Catherine Sexton, une formation ou un coaching peut les aider : « Elles comprennent l’importance d’être stratège quand on leur démontre que, pour atteindre leurs objectifs de manager, il leur faut être puissantes, influentes. Ces notions leur parlent davantage que celle de pouvoir. » D’ailleurs, note Catherine Rafinon, elles savent déjà tisser des réseaux informels dans le monde associatif, à l’école… Il leur faut juste transférer cette aptitude à l’entreprise.

Les conseils du coach

Olivia Pierres

Consultante-formatrice à ISM(1)

1

Se centrer avant tout sur son travail, ses missions

Plus une femme manager va se centrer sur son rôle d’encadrante, et non sur sa particularité de genre, plus elle va s’affirmer en tant que professionnelle. Elle va ainsi éviter d’être dans une caricature, que ce soit celle qui « joue à l’homme » ou celle qui se comporte en « maman ». Elle sera plutôt dans des rapports d’adulte à adultes, qui concerneront son rôle et non sa personne. Développer son assertivité, c’est-à-dire être claire dans son positionnement et être dans des rapports gagnant-gagnant, lui permettra d’être crédible.

2

Se faire confiance

Il ne s’agit pas de s’autoglorifier, mais de croire en ses compétences à être manager, d’en finir avec la culpabilité et d’assumer ce rôle. Pour cela, il faut s’attacher principalement à ses tâches et à celles de son équipe. Cela évite d’aller vers des relations affectives ou encore, avec les collaboratrices, d’être dans le copinage ou, a contrario, dans la sur-exigence. Enfin, savoir ce qui est de sa responsabilité et ce qui ne l’est pas aide à prendre du recul par rapport à ses émotions.

3

Assumer ses différences

Même si l’on ne peut pas faire de généralités, une femme manager a tout intérêt à utiliser les qualités, souvent féminines, d’écoute, de pragmatisme, de polyvalence, d’organisation, d’esprit d’équipe, de capacité à se remettre en cause et à convaincre… Mais point trop n’en faut : trop d’empathie, par exemple, peut conduire à un management « maternel ». On perd alors l’objectif, qui est de faire travailler les collaborateurs.

* Réseau féminin du groupe BPCE. Enquête conduite avec BVA, 2013.

(1) Institut supérieur de marketing

Auteur

  • Véronique Vigne-Lepage