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L’enquête

La traque des risques psychosociaux

L’enquête | publié le : 08.12.2015 | Violette Queuniet

La gendarmerie nationale a lancé une démarche à grande échelle de prévention des risques psychosociaux. Des équipes formées par l’Anact-Aract vont lancer des plans d’action à partir de l’analyse des situations à risques.

Comment prévenir efficacement les risques psychosociaux de 100 000 personnes (dont 77 000 officiers et sous-officiers de gendarmerie) disséminées sur tout le territoire français, DOM compris ? En constituant localement des équipes capables d’analyser les situations à risque et de mener un plan de prévention. C’est cette démarche que la Gendarmerie nationale a lancée fin 2013.

Les équipes – des “comités de pilotage” (Copil) – ont été constituées au niveau de chaque groupement et établissement de gendarmerie, soit 52 au total. Leurs membres ? Des personnels de la gendarmerie, représentatifs de tous les statuts et métiers, soit près de 750 personnes.

Pour leur apporter une culture commune des RPS, la gendarmerie a fait appel à l’Anact (Agence nationale d’amélioration des conditions de travail). « Elle a l’avantage d’être présente sur tout le territoire avec son réseau d’Aract, et nous partageons son approche des RPS non pas centrée sur l’accompagnement individuel mais sur l’organisation », explique le capitaine Grégory Clinchamps, psychologue du travail, secrétaire général de la Commission nationale de prévention, qui coordonne la démarche de prévention des RPS.

Enquête de terrain

L’Anact propose aux Copil une formation-action basée sur une méthodologie éprouvée, le C2R (contraintes-ressources-régulation), déjà utilisée par des entreprises et dans la Fonction publique territoriale. Après deux jours de formation à la méthode, les membres de chaque Copil enquêtent en binôme sur le terrain pour faire remonter des situations de travail qui posent problème, à partir d’entretiens avec leurs collègues. Puis, au cours de quatre demi-journées étalées dans le temps, ils travaillent avec l’accompagnateur Aract pour établir un diagnostic et envisager des pistes d’action.

Le diagnostic effectué par les 350 membres du Copil formés confirme, en les affinant, les constats présentés dans la directive générale de 2013 qui lançait la démarche. Une surexposition à des situations où l’impact émotionnel peut être très fort (détresse humaine, misère, violence, mort) ; la diversification importante des corps et des statuts, un changement de tutelle (le ministère de l’Intérieur depuis 2009), qui génèrent des craintes d’atteinte à l’identité professionnelle, un sentiment d’inégalité de traitement ; les difficultés à concilier les fortes contraintes professionnelles et la vie personnelle. En face de ces contraintes, les Copil ont identifié des « facteurs régulateurs » importants, confirmés dans les retours à un questionnaire sur la qualité de vie au travail (25 000 personnels consultés, 70 % de retours) ; 95 % disent pouvoir compter sur le soutien de leurs pairs et collègues, 80 % sur le soutien de la hiérarchie. « Il y a un esprit de corps dans la gendarmerie, c’est une ressource importante qu’il faut préserver et développer », indique Grégory Clinchamps.

Les plans d’action qui vont démarrer en 2016 s’appuieront sur cette ressource. Parmi les travaux déjà engagés par plusieurs Copil : l’accueil et l’intégration des gendarmes adjoints auxiliaires dans leur unité ; l’adaptation des formations des écoles de gendarmerie ; l’aide au retour à l’emploi après une longue maladie ; l’accompagnement au changement, etc. Pour plus d’efficacité, chaque Copil se concentre sur trois thématiques prioritaires. Et pour favoriser un travail collectif et transversal, ces thématiques sont partagées par cinq ou six Copils.

Capacité d’analyse des situations

Un budget vient d’être dégagé pour renouveler l’accompagnement de l’Anact. Une centaine de préventeurs vont être formés à intégrer les RPS dans le document unique. Un signe d’engagement dans la prévention des RPS qui ne date pas d’hier : dès 1998, la gendarmerie avait mis en place des cellules de prévention du suicide. Chargée de mission au département outils et méthodes de l’Anact, Isabelle Burens avoue avoir été surprise par l’ouverture d’esprit de l’institution : « Nous avons découvert dans la gendarmerie une tradition de l’enquête sociologique et une capacité impressionnante d’analyse des situations de terrain. Cela leur confère une grande maturité dans l’approche des RPS. »

Auteur

  • Violette Queuniet