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L’enquête

Des efforts… à transformer

L’enquête | publié le : 08.12.2015 | V. L.

Sur le front de la prévention des RPS des enseignants et des personnels administratifs, le ministère devrait accélérer la cadence en 2016. Il en fait une de ses priorités, alors que les syndicats notent que les actions menées s’attachent davantage à la prévention tertiaire.

« Dans notre ministère*, ce sont les politiques menées ces dernières années qui sont génératrices de RPS et il y a un déni sur les faits générateurs du malaise, dénonce Guy Thonnat, représentant FO en CHSCT ministériel. Faire un cours avec 35 élèves par classe, ce n’est pas la même chose qu’avec 25. De plus, il nous semble qu’on ne peut pas se contenter de transférer les responsabilités du ministère aux échelons inférieurs, il faut traiter des causes. Malheureusement, on reste dans le curatif. »

Encore à l’étape des diagnostics et de la prévention tertiaire selon les syndicats, le ministère de l’Éducation nationale a fait du sujet des RPS une priorité lors d’une annonce en CHSCT le 23 novembre dernier. « Le ministère a lancé des groupes de travail avec huit académies afin qu’elles fassent des propositions d’actions dans les semaines qui viennent, et les organisations syndicales ont demandé à être associées localement à ces travaux », rapporte Joël Pehau, représentant du syndicat SE-Unsa et membre du CHSCT ministériel. Un vade-mecum des initiatives déjà prises dans les académies devait être examiné au cours de cette même réunion, mais sa finalisation est reportée à début janvier.

« Il y a un élan donné et une volonté affichée, mais on tâtonne encore », observe Hervé Moreau, représentant du syndicat Snes-FSU (premier syndicat) au CHSCT ministériel. Il mentionne certains points positifs : la transformation des CHS en CHSCT et les moyens accordés, même si la mise en œuvre a été très lente.

Autre avancée, la formation des acteurs de la prévention et des personnels, qui conduit de plus en plus de responsables « à avoir une meilleure compréhension du sujet des RPS », selon lui.

Trop peu de médecins

Demeurent quelques points noirs. L’Éducation nationale manque de médecins de prévention : « Nous disposons de 83 médecins – 65 ETP – pour plus d’un million d’agents, alors que, pour respecter le droit à la visite médicale, il en faudrait 400 ! », constate Hervé Moreau. Et six académies n’ont pas de médecin.

Un épisode douloureux reste aussi dans les mémoires des syndicalistes : le suicide de Pierre Jacque, enseignant d’électronique dans un lycée à Marseille, à la veille de la rentrée de 2013. Suicide finalement reconnu en 2014 comme « imputable au service ». Il avait décrit dans une lettre à sa famille et à ses collègues les raisons de son geste : les conditions d’exercice de son métier, les rapports hiérarchiques, la mise en œuvre des réformes, et notamment celle de la filière STI (Sciences et techniques de l’industrie). Il y a quatre ans, « cette réforme a conduit à un sentiment d’inutilité et de déqualification très fort chez les enseignants de STI, rappelle Joël Pehau. Des enseignants très spécialisés se sont vus affectés à un enseignement beaucoup plus large, pour lequel ils n’avaient pas forcément les compétences ».

Demandes d’accompagnement

De plus, pour Hervé Moreau, la réforme des collèges est également source de RPS : « Alors que nous travaillons déjà plus de 42 heures par semaine dans le second degré, on nous demande davantage de travail collectif. » Selon lui, la demande d’accompagnement est importante : « Lorsque nous organisons des stages et des journées d’information sur les conditions de travail des enseignants, nous faisons le plein. Nombre d’entre eux sont au contact de personnes en détresse et, parallèlement, ils expriment un manque de soutien de la part de leur hiérarchie dans ces situations. »

La mutuelle en soutien

Depuis douze ans, le ministère de l’Éducation nationale, de l’Enseignement supérieur et de la Recherche formalise des accords quinquennaux avec la MGEN (Mutuelle générale de l’Éducation nationale). La mutuelle propose ses services à tous les personnels, même non adhérents, qu’elle copilote et cofinance à 50 %.

Elle met à disposition aujourd’hui 111 espaces d’accueil et d’écoute sur toute la France, qui ne se substituent pas aux dispositifs d’urgence. « Des lieux neutres, précise Éric Chenut, vice-président du groupe MGEN, où l’écoute individuelle permet de diagnostiquer, de repérer les difficultés et d’orienter vers le bon interlocuteur. »

En 2015, des dispositifs d’écoute téléphonique ont également été ouverts. À cela s’ajoutent des possibilités d’écoute collective dans les espaces. Des groupes de parole spécifiques à l’initiative des chefs d’établissement ont aussi été institués. Une formation particulière autour de la voix connaît un vif succès, selon la MGEN : « La voix est un élément de fragilité important pour les enseignants, c’est une cause importante d’arrêt de travail et de fatigue. Nous organisons des modules d’e-formation et des journées dédiées, au cours desquelles les enseignants peuvent disposer d’informations et de conseils de prévention auprès de professionnels de santé, phoniatres, ORL, chanteurs lyriques, comédiens…

Par ailleurs, en cas d’arrêts longs souvent consécutifs à des dépressions ou des burn-out, un Centre national de réadaptation (présent dans trois régions) a vocation à s’adresser aux personnels afin d’éviter leur désinsertion professionnelle.

S’agissant des actions déployées dans les académies autour de formations ou de demandes spécifiques en matière de conditions de travail, la MGEN travaille de plus en plus avec le réseau Anact-Aract, avec qui la mutuelle a signé une convention nationale.

* Le ministère n’a pas donné suite à notre demande d’interview.

Auteur

  • V. L.