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Savoir fixer des objectifs

Les clés | publié le : 01.12.2015 | Éric Delon

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Savoir fixer des objectifs

Crédit photo Éric Delon

Gestion d’équipe. La fixation des objectifs, qu’ils soient collectifs ou individuels, constitue un axe majeur du management. Comment et avec qui les construire, comment les mesurer, quels sont les pièges à éviter ?

« Définir des priorités et des objectifs sont deux des prérogatives majeures d’un manager », assène Jérémy Lamri, associé de Monkey Tie, un site de recrutement “affinitaire” (16 collaborateurs) en pleine croissance, qui a soigneusement formalisé ses objectifs sous la forme d’un entonnoir : « Je distingue nos objectifs stratégiques relatifs à notre positionnement dans cinq ans, comme par exemple savoir dans combien de pays nous serons présents. Ensuite, nos objectifs annuels que nous déclinons dans chacun de nos métiers, notamment l’accroissement du nombre de visiteurs uniques sur notre site ou de parutions dans la presse. Enfin, les objectifs trimestriels qui sont individualisés même s’ils sont interdépendants. »

Selon les spécialistes des organisations, les objectifs collectifs ont pour mission de créer de la cohésion et de souder les équipes, tandis que les objectifs individuels sont destinés à impliquer les collaborateurs selon leurs capacités et selon les missions qui leur sont confiées. « Permettre au manager de mobiliser ses équipes en leur donnant la capacité de visualiser leurs futures réalisations, de prioriser leurs actions et de rendre concrètes et tangibles leurs activités, telle est la finalité des objectifs », résume Michel Barabel, consultant en management, coauteur (avec Olivier Meier) de Manageor, tout le management à l’ère digitale (Dunod, 2015).

« Lors de la fixation des objectifs, je demande à mes collaborateurs une analyse de leurs points forts et de leurs points faibles ainsi qu’une auto-évaluation de ce qu’ils ont réalisé les mois précédents, explique Gérard Dahan, directeur Europe-Moyen Orient-Afrique de la société Ivalua, un éditeur de logiciels de gestion des achats. Je les invite aussi à se montrer force de propositions. Il faut par ailleurs éviter de fixer des objectifs individuels sans tenir compte des objectifs collectifs, car sinon cela favorise l’égoïsme. »

Coconstruction

Par souci d’efficacité, estiment les experts, les objectifs doivent être conçus en collaboration avec les salariés : « Le dialogue permet de montrer aux collaborateurs que les objectifs sont bien liés à leur travail et qu’ils peuvent exercer une influence dessus », souligne Nicolas Sailly, directeur digital, marketing et communication du groupe Assu 2000, réseau de courtage en assurance. « La coconstruction permet de susciter l’adhésion des collaborateurs, de s’assurer leur coopération et leur bonne volonté à atteindre les objectifs et ainsi d’éviter les résistances, les conflits, les désengagements », souligne de son côté Michel Barabel. Il estime également nécessaire que ces objectifs répondent à une logique de développement du collaborateur.

Mais la coconstruction des objectifs ne doit pas dispenser le manager d’une certaine prudence vis-à-vis de risques avérés comme celui, par exemple, de confier trop d’objectifs à ses collaborateurs, sous peine d’entraîner de la dispersion et une difficulté à agir face à l’étendue des missions. Autre écueil classique : fixer des objectifs trop difficiles à atteindre, avec pour conséquence de stresser le collaborateur, qui se verra dans l’impossibilité de réussir et qui pourra être enclin à se décourager. « Les objectifs doivent être atteignables, réalistes, tout en étant ambitieux, ce qui n’est pas simple », souligne Claude Bodeau, associé RH auprès du cabinet Kurt Salmon.

À l’inverse, il peut être contre-productif de fixer des objectifs trop faciles. « Le risque dans ce cas est de détériorer la performance collective de l’équipe tout en démotivant le collaborateur, qui se retrouve sans challenges à accomplir », estime Michel Barabel. « Lorsque mes collaborateurs ont atteint trop facilement leurs objectifs, nous considérons que nous n’avons pas été assez exigeants. Donc nous reprenons notre copie », pointe Jérémy Lamri.

Reste à déterminer des objectifs observables et mesurables. Car l’impossibilité d’évaluer son salarié peut générer de la frustration de sa part. La difficulté consiste donc à fixer des objectifs qui constituent un challenge (enjeux, nécessité de se dépasser) réaliste pour le collaborateur et vérifiable par le manager. « Sur notre marché, qui consiste à conclure des contrats d’assurance en ligne, nous connaissons sa courbe de croissance. Il est donc assez facile de la comparer avec notre propre croissance et d’en rendre “responsable” notre chargé d’acquisition, qui a pour mission d’attirer de nouveaux internautes sur notre site et de nouveaux clients pour nos produits. En revanche, nous tenons compte des aléas qui peuvent expliquer une moindre croissance ou une baisse de notre chiffre d’affaires, comme l’arrivée d’un gros concurrent », explique Nicolas Sailly.

Mise en place d’épisodes de suivi

En cas de non-atteinte des objectifs, comment le manager doit-il gérer la relation avec son collaborateur ? Recadrer ? Sanctionner ? « Si mon collaborateur n’a atteint que 50 % des objectifs, nous ne l’accablons pas mais nous remettons en question notre management. Lui a-t-on donné les moyens adéquats ? Pourquoi le manager, lors des points d’étapes, n’a-t-il pas su le recadrer ? Pourquoi n’a-t-il pas détecté des signaux faibles comme des retards, des attitudes agressives ou, à l’inverse, de retrait, qui auraient pu alerter sur sa “défaillance” ? », pointe Jérémy Lamri.

D’où l’importance de mettre en place des épisodes (mensuels, trimestriels) de suivi des objectifs, afin de mettre en place des mesures correctives. « Il faut motiver, rassurer le collaborateur. Le droit à l’erreur existe », explique Xavier Bonduelle, président de l’Institut du management des ressources humaines (IMDRH), qui estime, par ailleurs, qu’il n’est pire cadeau empoisonné que de reconduire le même objectif d’une année sur l’autre : « Le message est dévastateur : tu ne peux plus progresser. »

Les conseils du coach

Xavier Bonduelle

Président de l’Institut du management des ressources humaines (IMDRH)

1

Responsabiliser collectivement et individuellement les collaborateurs

Sur un mode collaboratif et de dialogue, il faut aborder les enjeux auxquels l’entreprise est confrontée avant de fixer des objectifs. Le collaborateur doit formuler le type d’objectifs et d’efforts qu’il se sent capable de remplir et d’accomplir pour pouvoir s’épanouir professionnellement.

2

Calmer les ardeurs des “supermen”

Paradoxalement, en début d’année, il faut refréner les ardeurs des collaborateurs ultra-ambitieux en termes d’objectifs, car la déception sera d’autant plus grande si ces derniers ne sont pas atteints. Il faut marteler que le droit à l’erreur existe et que les aléas font partie de la vie économique. Un objectif n’est pas un pacte de sang.

3

Chaque objectif doit être vérifiable

Si un objectif n’est pas mesurable ou vérifiable, c’est qu’il est n’est pas pertinent. Par ailleurs, un objectif ne doit pas forcément être annuel. La tentation est grande de mener des actions artificielles et potentiellement dangereuses pour remplir ces objectifs. Pourquoi ne pas en fixer sur deux ans, voire trois ans ?

4

Définir des étapes intermédiaires

Une fois l’objectif fixé, il faut prévoir des étapes intermédiaires pour en vérifier l’avancée. Cela permet de montrer l’importance que l’on accorde à son collaborateur et à l’objectif qui a été fixé de concert. Un surcroît de contrôle est préférable à de l’indifférence.

Auteur

  • Éric Delon