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Chronique

Du côté de la recherche

Chronique | publié le : 01.12.2015 | Denis Monneuse

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Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

L’autoévaluation comme facteur de prévention

L’erreur est humaine. Exprimer cet adage d’origine latine permet de nous rassurer : nous ne sommes pas les seuls à ne pas atteindre la perfection. « L’erreur est humaine, sinon il n’y aurait pas de gomme au bout des crayons », ajoutait malicieusement Alphonse Allais. Malheureusement, toute erreur ne se biffe pas aussi simplement. Certaines sont irréversibles et ont de fâcheuses conséquences, en particulier dans les secteurs d’activité où la sécurité est primordiale : la médecine, le transport, l’industrie chimique, etc.

Dans ces métiers, le “facteur humain” est l’euphémisme couramment utilisé pour ne pas prononcer ce mot d’“erreur”, tant il fait peur. Cette expression indique que l’on regrette presque qu’il y ait encore des êtres humains derrière des machines, comme si celles-ci étaient 100 % fiables et non pas, elles-mêmes, l’objet de défaillances.

Le stress est l’un des principaux facteurs à l’origine des erreurs, surtout s’il perturbe suffisamment l’individu pour se transformer en une panique au cours de laquelle ce dernier perd tous ses moyens. Si l’on prend l’exemple des pilotes d’avion, leur âge et leur niveau d’expérience sont traditionnellement considérés comme des indicateurs de leur capacité à faire face avec succès à des aléas complexes à gérer.

Samuel Vine, chercheur à l’université Exeter au Royaume-Uni, vient toutefois de démontrer que l’autoévaluation des pilotes était un critère encore plus fiable pour jauger leur capacité à gérer un accident tel qu’une panne moteur intervenant peu après le décollage(1). Avant un tel exercice de simulation, il avait en effet demandé aux pilotes d’évaluer sur une échelle de 1 à 6 dans quelle mesure ce type de tâche était exigeant et dans quelle mesure ils s’estimaient capables de faire face à une telle situation.

La comparaison des deux notes attribuées par les participants permit de mesurer si l’exercice qui leur était demandé était perçu comme un défi (ils se sentent davantage capables de faire face qu’ils estiment l’exercice difficile) ou une menace (le degré de difficulté de l’exercice est jugé plus élevé que leur capacité à y faire face).

Ceux qui percevaient la simulation de la panne comme un défi parvinrent bien mieux à gérer cette situation stressante que ceux qui la percevaient comme une menace. Mieux, l’autoévaluation initiale se révéla un facteur prédictif de la réussite à l’exercice bien plus élevé que l’âge ou encore le niveau d’expérience des pilotes.

On peut tout d’abord en tirer une nouvelle rassurante pour les voyageurs : les pilotes d’avion semblent lucides sur leur degré de capacité à faire face (ou pas) aux aléas qui pourraient intervenir au cours d’un vol. Ensuite, cette étude devrait encourager les responsables RH à généraliser la pratique de l’autoévaluation auprès des salariés pour mesurer leurs compétences. Quand ils savent que leurs capacités peuvent être vérifiées ou que leur incompétence éventuelle les place eux-mêmes en situation de risque, les salariés semblent honnêtes. Voilà donc une bonne nouvelle !

1) S. Vine, L. Uiga, A. Lavric, L. Moore, K. Tsaneva-Atanasova, M. Wilson, « Individual reactions to stress predict performance during a critical aviation incident », Anxiety, Stress, & Coping, vol . 28, n° 4, 2015

Auteur

  • Denis Monneuse