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Les clés

Savoir déléguer efficacement

Les clés | publié le : 24.11.2015 | Nicolas Lagrange

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Savoir déléguer efficacement

Crédit photo Nicolas Lagrange

Développement professionnel. Acte managérial classique, la délégation de responsabilités n’a pourtant rien d’évident. Elle suppose du courage, de la confiance et de la bienveillance, ainsi qu’une formalisation particulière, pour que les résultats attendus soient au rendez-vous. Mais elle peut être un puissant levier de motivation des collaborateurs.

« Pour mieux impliquer les salariés, il est nécessaire de connaître et reconnaître leur travail et d’accroître leur champ de compétences et leur autonomie. » C’est à partir de ce postulat que Sébastien Bessin, directeur de l’hypermarché Cora de Saint-Malo (près de 200 salariés), s’est engagé début 2015 dans un chantier de recensement des missions dévolues à chaque poste.

« Avec des salariés représentatifs des différents services, nous avons listé les tâches accomplies par chacun, relate l’intéressé. Ce qui a permis de les formaliser plus précisément et d’envisager des délégations de responsabilités plus fréquentes. » Ainsi, le patron de l’hyper confie la mise en place d’opérations commerciales à des managers de département ou de rayon, telle que les foires aux vins (communication, organisation d’une soirée, dégustation, etc.). « Ce type de délégation ponctuelle, en mode projet, permet à la fois de motiver le collaborateur et d’identifier ses capacités d’évolution », estime Sébastien Bessin.

« La question de la confiance est primordiale, assure Bertrand Poulet, consultant en management d’équipe et formateur à Demos. Le manager doit expliquer à son collaborateur qu’une erreur est possible, qu’il peut venir le voir et qu’il n’est pas là pour le sanctionner. Il doit privilégier une posture de coach, sans avoir peur de lâcher son territoire d’expertise, une crainte souvent exprimée lors des formations managériales. » C’est le parti pris adopté par la Carsat Bretagne (Caisse d’assurance retraite et de la santé au travail). « Nous sommes passés d’un management stratégique et hiérarchique, avec des décisions descendantes parfois trop éloignées du terrain, à un système décisionnel qui implique les managers de proximité, permet une meilleure réactivité et surtout une meilleure adhésion de l’ensemble des collaborateurs, souligne Marie-France Richard, fondée de pouvoir à la direction financière. Afin de clarifier les rôles et les responsabilités de chacun, j’ai initié, sur les trois services de ma direction, la réalisation d’un “mapping de responsabilité” avec l’appui du service Cap RH de la Carsat(1), c’est-à-dire une cartographie des activités associées aux responsabilités de chaque acteur d’un service. » Un mapping réalisé par groupes de réflexion successifs, permettant d’aboutir à des fiches de missions détaillées et facilitant la définition, la formalisation et l’exercice des délégations. « Les managers qui délèguent des responsabilités peuvent se sentir démunis au départ, mais si la communication est bonne, ils restent bien informés et peuvent se recentrer sur des tâches plus stratégiques – veille, anticipation, organisation, aspects RH », témoigne Marie-France Richard.

Pour assurer la réussite d’une délégation, « le manager et le salarié ont tout intérêt à répondre à quelques questions simples, sans forcément y passer beaucoup de temps, conseille Bertrand Poulet. Quels sont les objectifs et les résultats concrets qui permettront d’attester de la réussite de la délégation ? Pourquoi ce salarié a-t-il été choisi ? Quelles sont les limites de la délégation, à partir de quel seuil consulter le manager ? Quels sont le calendrier et les grandes étapes ? Quelles sont les zones d’inconfort du salarié et de quel accompagnement peut-il avoir besoin, en temps, en formation, en moyens matériels ou financiers ? »

Programme d’action

« Déléguer efficacement suppose de bien connaître les membres de son équipe », complète Gilles(2), manager chez PSA. Cet encadrant confie à ses responsables d’équipe des missions permanentes, en plus de leurs attributions habituelles : décisions salariales, gestion des relations avec les parties prenantes, ou thématiques transversales comme le déploiement d’un plan de sécurité et de santé au travail. « Nous établissons un programme d’action ; je suis présent durant les premiers temps de la délégation, puis les responsables me tiennent au courant régulièrement, raconte le manager. En cas de problème, il faut en rechercher les causes : le collaborateur n’a peut-être pas fait correctement son travail ou je ne lui ai peut-être pas fourni suffisamment d’informations… »

Si une délégation réussie est souvent très valorisante, elle ne se traduit pas automatiquement par une reconnaissance financière. Mais elle doit être consignée et prise en compte dans le parcours du collaborateur et dans ses possibilités de progression de carrière.

Les conseils du coach

Jean-Ange Lallican

Maître de conférences associé en GRH et management à l’université Rennes 1*.

1

Être clair sur les missions de chacun

Bien déléguer, c’est avant tout bien connaître son organisation et mesurer la réelle valeur ajoutée de son rôle de manager. Cela implique de recenser la totalité des actions ou missions que chaque collaborateur accomplit habituellement, sans que ce dernier et son n + 1 en aient toujours pleinement conscience. Ensuite, on peut mieux envisager la délégation sous l’angle de la responsabilité confiée à chacun, en cohérence avec les délégations des autres salariés. Tout peut se déléguer à la condition expresse que la délégation soit dimensionnée aux capacités du délégataire et que le délégant assure un accompagnement proportionné.

2

Formaliser la délégation

La délégation requiert un écrit, car elle permet de poser la réflexion à trois niveaux : l’objectif, l’accompagnement (humain, matériel, financier) et enfin l’évaluation (ce qui fait ou fera dire que la délégation est réussie). Cette approche structurée engage tous les acteurs : le délégant et le délégataire. Une communication est nécessaire pour informer les autres membres de l’organisation, notamment sur les modifications portées par cette délégation et sur son caractère pérenne ou non. Un manque de formalisation peut générer une confusion des rôles, du stress, une sorte de perte d’identité, et conduire parfois à l’échec tant pour l’individu que pour le collectif.

3

Faire confiance et être bienveillant

Il est indispensable d’avoir une vraie volonté de déléguer et de ne pas faire de la rétention d’informations, par peur de perdre du pouvoir. Qui dit déléguer sous-entend aussi donner sans abandonner, sans chercher à se débarrasser d’une tâche pesante ou subalterne. C’est aussi faire confiance, accorder le droit à l’erreur par l’expérimentation, conforter l’apprentissage par un accompagnement au plus tôt et sur la longueur, sans pour autant être omniprésent.

(1) “Mapping de responsabilité” : concept développé par Jean-Ange Lallican.

(2) Le prénom a été modifié à la demande de l’intéressé.

* Auteur de L’Art de déléguer, Manager dans la confiance (éd. Dunod, mars 2015).

Auteur

  • Nicolas Lagrange