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L’enquête

Métallurgie : Le débat sur la place de la branche a déjà démarré

L’enquête | publié le : 24.11.2015 | E. F.

La métallurgie réfléchit depuis un an et demi à une nouvelle articulation entre la branche et les entreprises. La difficulté étant de combiner les attentes d’entreprises de tailles très différentes. Cette concertation pourrait inspirer celle qui démarre au niveau national.

Comme cela s’est déjà produit quelques fois, les agendas de la métallurgie et du gouvernement se rejoignent. Alors que l’actuelle majorité a lancé, à la suite du rapport Combrexelle, les premières pistes pour renforcer la négociation d’entreprise, la branche de la métallurgie, qui couvre 1,5 million de salariés, réfléchit depuis un an et demi déjà à « l’évolution de [son] dispositif conventionnel », selon l’expression de Jean-François Pilliard, délégué général de l’UIMM. Il s’agit de redéfinir les rapports entre la branche et les entreprises qui la composent.

Pour Jean-François Pilliard, l’enjeu de la « prénégociation » est de « créer, pour les entreprises de la branche, un environnement social qui leur permette de se développer et de créer de l’emploi ». « L’UIMM souhaite dénoncer les conventions collectives existantes pour aller vers un socle commun minimal de branche et laisser aux entreprises le soin de négocier les droits sociaux », résume, de son côté, Laurent Trombini, de la CGT métallurgie, premier syndicat de la branche (31 %).

A ce stade de la discussion – on saura le 8 décembre si une négociation s’ouvre effectivement – les partenaires sociaux en sont à poser les principes. Schématiquement, ils ont le choix entre trois options pour redéfinir l’articulation entre la branche et les entreprises : maintenir le principe de la hiérarchie des normes ; définir les conditions pour y déroger, appliquer le principe de supplétivité. Le choix même des termes fait débat (lire l’encadré p. 22). « Tout doit partir de l’entreprise : c’est l’entité économique de base ; la branche doit être là en support, déclare Jean-François Pilliard. Son rôle est d’apporter des réponses aux entreprises qui ne sont pas équipées pour négocier. » Il concède néanmoins que la branche « doit fournir un cadre, mais avec des espaces de négociation pour les entreprises ». S’il ne précise pas ce que pourrait contenir ce cadre, il estime qu’« il ne s’agit pas de transposer les contraintes de la loi dans les accords de branche ».

Laurent Trombini plaide au contraire pour que le socle commun de la branche s’impose sur le plus de sujets possibles : « 80 % des entreprises de la métallurgie n’ont pas de syndicat, c’est au niveau de la branche qu’il faut construire quelque chose de fort », explique-t-il. De fait, 91 % des 45 000 entreprises de la métallurgie emploient moins de 11 salariés. Elles n’ont ni DRH ni syndicat et ne peuvent donc négocier des accords.

Jean-François Foucard, de la CFE-CGC métallurgie (3e syndicat ; 17 %), décrit ainsi la situation : « Il y a les grands groupes, qui ont envie de traiter les questions sociales eux-mêmes : ils ont leur propre classification et se fichent de celles de branche, ce qui pose d’ailleurs des problèmes d’attractivité aux autres entreprises. Il y a ensuite les grandes entreprises, dont certaines disent elles-mêmes qu’elles ne sont pas équipées pour négocier. Et, enfin, les PME, qui représentent la majorité, et qui veulent une souplesse encadrée, des accords préformatés, du conseil. » Conséquence : entre les grands groupes et les autres entreprises, « ça tiraille », rapporte Jean-François Foucard. Qui l’emportera ? « Les positions de l’UIMM sont décidées avec des représentants des PME, des ETI et des grandes entreprises », répond Jean-François Pilliard.

Quand “déroger” devient un “gros mot”

À l’occasion des débats sur l’évolution de son dispositif conventionnel, la métallurgie est actuellement le théâtre d’une petite bataille terminologique. Pour l’UIMM, l’articulation entre la branche et l’entreprise doit obéir au principe de “supplétivité” : l’accord d’entreprise est la base des garanties sociales et les accords de branche suppléent l’absence d’accord d’entreprise. La CGT défend au contraire le principe, clair également, de la hiérarchie des normes, qui fonde l’organisation actuelle du droit du travail.

Il existe une troisième approche, la “dérogeabilité” : la branche fournit le socle social commun auquel les entreprises peuvent déroger sous certaines conditions. Mais aucun syndicat ne veut assumer la dérogeabilité, quand bien même il y serait favorable.

« Tout le monde bloque sur la “dérogeabilité” parce qu’elle est associée à du moins-disant, ce qui n’est pas forcément le cas d’ailleurs. Conséquence, on se rabat sur le terme de “supplétivité”, parce qu’il est moins connoté, mais en prenant le risque d’en appliquer le principe. On court alors le danger d’avoir un code du travail par entreprise », explique Jean-François Foucard, de la CFE-CGC métallurgie.

Auteur

  • E. F.