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François Desriaux Vice-président de l’Andeva (Association nationale de défense des victimes de l’amiante)

LA SEMAINE | L’interview | publié le : 17.11.2015 | Violette Queuniet

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François Desriaux Vice-président de l’Andeva (Association nationale de défense des victimes de l’amiante)

Crédit photo Violette Queuniet

« En santé, le principe pollueur-payeur va être amoindri »

Le Conseil d’État, dans une décision du 9 novembre, admet qu’un employeur condamné pour faute inexcusable peut se retourner contre l’État et se faire rembourser une partie de l’indemnisation des préjudices des victimes. Quelle est votre réaction ?

Sur ce cas des Constructions mécaniques de Normandie, le Conseil d’État distingue deux périodes : avant et après 1977. Après 1977, il estime que la réglementation de l’État était suffisante et que l’entreprise n’a pas suivi les règles de prévention concernant l’amiante.

Avant 1977, il admet la coresponsabilité de l’État, considérant que celui-ci n’avait pas édicté suffisamment de règles de prévention. Or cette affirmation est discutable. Il existe une loi qui date de 1893 et des textes réglementaires extrêmement stricts sur l’obligation des employeurs d’évacuer les poussières nocives, telles que l’amiante. Un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation du 24 juin 1994 considère d’ailleurs cette réglementation comme « une obligation particulière de sécurité ». On peut donc considérer que la responsabilité de celui qui viole ces règles-là est engagée. Or, là, le Conseil d’État vient de dire non. C’est une décision très surprenante et incompréhensible.

Quelle est la portée de cette décision ?

Cela va forcément amoindrir le principe « pollueur-payeur » en matière de santé et de sécurité au travail. Le Conseil d’État a ouvert une brèche dans laquelle le monde patronal va s’engouffrer. Il faut savoir qu’il y a toujours eu des stratégies patronales pour éviter de payer ou pour faire baisser la note.

Cette décision aura un impact négatif sur la prévention et, secondairement, sur la réparation. À partir du moment où l’État devra supporter une partie du coût des réparations, la pression à limiter le montant des indemnisations de la reconnaissance des maladies professionnelles ne va faire que s’accroître. On l’a vu déjà avec la révision du tableau n° 57 sur les TMS, qui a abouti à un tiers de reconnaissances en moins.

Cela pose la question de la place des entreprises dans les organismes de sécurité sanitaire. On l’a vu avec l’amiante : le monde industriel a fait du lobbying pour amoindrir la réglementation puis, quarante ans après, ne veut pas payer au motif que la réglementation était insuffisante ! Est-ce que c’est très différent aujourd’hui ? Je m’interroge. Il y a lieu d’être très inquiet.

Auteur

  • Violette Queuniet