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La SNCF garantit la progression de carrière des syndicalistes

ZOOM | publié le : 10.11.2015 | Nicolas Lagrange

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La SNCF garantit la progression de carrière des syndicalistes

Crédit photo Nicolas Lagrange

Dans un contexte d’élections professionnelles (le 19 novembre), les partenaires sociaux de la compagnie ferroviaire planchent depuis quelques semaines sur la modernisation du dialogue social. Devançant la loi Rebsamen, la SNCF offre déjà un haut niveau de protection à ses mandatés et permanents syndicaux.

Comment améliorer le fonctionnement du dialogue social à la SNCF ? Le sujet est sur la table depuis la rentrée entre la direction et les quatre syndicats représentatifs (CGT, Unsa, SUD-Rail, CFDT). Les négociations renforceront peut-être encore la prévention des discriminations à l’encontre des représentants du personnel ou syndicaux… qui disposent déjà de garanties très conséquentes, grâce à de nombreux accords d’entreprise.

« Globalement, les agents mandatés et les permanents syndicaux bénéficient d’un avancement de carrière normal, conforme à la moyenne de leur catégorie, c’est-à-dire ni moins bon ni meilleur, estime Roger Dillenseger, secrétaire général adjoint de l’Unsa Ferroviaire. Aussi bien pendant leur mandat qu’au terme de celui-ci. » Qu’ils soient détachés à temps partiel ou complet, tous bénéficient du maintien de leur traitement de base et de la moyenne des indemnités et gratifications diverses perçues par les agents exerçant le même métier et positionnés sur la même qualification. En outre, plusieurs accords successifs, à partir de 1981, ont institué des protections supplémentaires en matière de progression de carrière. Dans un premier temps, les permanents syndicaux (ASL : agents en service libre) et les mandatés à temps plein depuis au moins quatre ans ont un avancement garanti, en grade et en qualification. En 1996, les salariés dont le mandat couvre au moins 66 % du temps de travail voient leur avancement en grade et en qualification examiné chaque année par la commission de notation, dans laquelle siègent les organisations syndicales. Troisième évolution, en 2002 : avant cette date, dès lors qu’un conducteur représentant du personnel ou syndical à temps plein acceptait de reprendre du service en période estivale, il n’était plus détaché à 100 % et perdait le bénéfice de l’avancement systématique. « Nous avons donc accepté, en 2002, d’étendre cette garantie aux salariés dont le mandat occupe 80 % à 100 % du temps de travail, relate Jean-Robert Jaubert, de la direction des relations sociales. D’abord de manière expérimentale, puis pérenne. »

« En matière de rémunération, les accords sont protecteurs pour les permanents syndicaux, juge Hervé Pagès, secrétaire national de la CGT Cheminots. Concernant les promotions, il n’y a pas de problème pour les mandats entre 80 % et 100 %, mais il peut y avoir quelques difficultés entre 66 % et 80 %, sans forcément qu’il y ait une discrimination syndicale. C’est surtout en dessous de 66 %, et notamment pour les cadres, que le système pourrait être amélioré. » Explication : « Les managers qui ont un poste d’encadrement à pourvoir préfèrent recruter un salarié disponible à 100 % plutôt qu’un mandaté à temps partiel, affirme le syndicaliste. D’autant qu’un cadre en délégation est rarement remplacé. » Tandis que les agents de production bénéficient le plus souvent de promotions sans changer de métier. « Même si nous sensibilisons les managers à la lutte contre les discriminations, quelques cas litigieux peuvent survenir localement, répond Jean-Robert Jaubert. Mais ils se comptent sur les doigts de la main, ce qui est peu pour une entreprise de 150 000 agents. Ces cas sont alors traités par la direction centrale. »

Des agents attachés à leur métier

« En instaurant des garanties plus faibles pour les mandats en dessous de 80 % du temps de travail, ce système incite les organisations syndicales à avoir des représentants à temps plein », déplore Roger Dillenseger. Dès lors, quelles possibilités de reclassement à l’issue de leur mandat ? De même, quel avenir professionnel pour les permanents syndicaux ? La question s’est posée avec force en 2009, lorsque 4 syndicats sur 8 ont perdu leur représentativité aux élections professionnelles après la loi du 20 août 2008. Impactés, de très nombreux élus et une quinzaine d’ASL ont fait le choix… de retourner à leur métier d’origine. Pas de reconversion donc. « À la SNCF, les agents sont très attachés à leur métier et à leur filière, assure Hervé Pagès. Et puis, il est plus simple de reprendre une activité connue que d’essayer de mettre à profit les compétences acquises durant le mandat pour aller vers un autre métier. » Par ailleurs, nombre de mandatés à temps plein et de permanents syndicaux le deviennent en seconde partie de carrière, au fur et à mesure de leur ascension dans la hiérarchie de leur fédération, et le restent jusqu’à leur retraite.

Pourtant, direction et organisations syndicales signent un nouvel accord en 2010 pour tenter de valoriser les parcours syndicaux. Après cinq ans de mandat couvrant 80 % à 100 % du temps de travail, les représentants du personnel et syndicaux ainsi que les ASL peuvent bénéficier d’un entretien de carrière approfondi, d’un bilan de développement personnel, voire s’engager dans une démarche de VAE et réaliser un bilan de mobilité interne. « En dépit de nombreuses mesures, ceux qui souhaitent changer de métier en s’appuyant sur les nouvelles compétences acquises sont rares, constate Jean-Robert Jaubert. Depuis 2012, nous finançons également un master 2 négociations et relations sociales à Paris-Dauphine. Chaque année, chaque syndicat représentatif peut envoyer un mandaté ou un permanent suivre cette formation qualifiante. » Un dispositif haut de gamme très prenant pour les volontaires, mais encore peu utilisé, et qui ne suscite pas toujours de reconversion (lire l’encadré p. 7).

Valoriser les mandats

« Les outils de valorisation des parcours syndicaux pourraient être davantage utilisés à l’avenir, anticipe Hervé Pagès, parce qu’avec le recul de l’âge de la retraite, les agents d’exécution positionnés sur des métiers pénibles auront de plus en plus de mal à retourner à la production. Par ailleurs, nous avons davantage de représentants parmi les agents de maîtrise et les cadres – des catégories en forte croissance –, qui souhaiteront valoriser leur mandat. » Une évolution probablement renforcée par l’aspiration des jeunes générations à des mandats plus courts et plus ponctuels.

Retour au syndicalisme pour un diplômé de Paris-Dauphine

Depuis avril 2015, Christophe Carrère, secrétaire national de l’UFCM-CGT (agents de maîtrise et cadres), est titulaire du master 2 négociations et relations sociales de Paris-Dauphine. Entré comme étudiant à la SNCF au début des années 1990, après une licence de droit, il est recruté comme agent de maîtrise, puis devient cadre. « Début 2014, je n’avais pas de projet bien défini, mais plusieurs sollicitations extérieures dans le domaine du droit du travail, raconte l’intéressé. J’ai obtenu un CIF pour suivre la formation de Paris-Dauphine durant un an, à raison de cinq jours par mois. » Un cursus mêlant les profils RH et syndicaux, composé de cours théoriques, d’ateliers pratiques et de travaux réguliers, et clôturé par la présentation d’un mémoire collectif. « Cela a été très stimulant de plancher avec des RRH et d’autres syndicalistes issus de secteurs différents, assure Christophe Carrère. Mon diplôme en poche, j’ai déposé une demande de reconnaissance en interne, en vue d’une éventuelle promotion, tout en conservant mes fonctions syndicales. En vain. » Toujours détaché à 100 % sur ses mandats, il regrette néanmoins que l’entreprise se prive trop souvent des compétences développées par les collaborateurs durant leur mandat ou en dehors de leur travail.

Auteur

  • Nicolas Lagrange