Une mode chasse l’autre, y compris pour certains sujets sociaux. À l’occasion de la dixième édition des Trophées de la diversité, Anne Saüt, directrice générale de Diversity Conseil et présidente du jury (lire l’encadré) des trophées, fait le constat d’un certain essoufflement des entreprises sur le sujet, voire d’une régression.

Certes, les sept entreprises nommées au palmarès cette année ont présenté des pratiques variées et de qualité, essentiellement centrées sur le handicap et la mixité hommes-femmes. « Les entreprises qui continuent de s’intéresser au sujet font des choses de qualité », déclare Anne Saüt, dont l’adjointe, Sophie Boddèle, est l’inventeure des Trophées de la diversité.

Mais certains signes trahissent une baisse de l’intérêt pour la diversité. Ainsi, le nombre de dossiers de candidature a été moins important que les années précédentes. « Les questions de qualité de vie au travail et de santé seraient-elles devenues plus importantes que la diversité ? », s’interroge-t-elle.

Sur plus de dix ans, Anne Saüt dresse un bilan contrasté des progrès accomplis. « La diversité est ancrée ; la lutte contre les discriminations est inscrite dans les process ; beaucoup d’entreprises ont sensibilisé leurs managers, les plus grandes ont créé la fonction de responsable diversité », constate-t-elle d’un côté. Mais de l’autre, elle note une régression sur les thématiques des origines, des minorités sexuelles, de la religion et de la mixité hommes-femmes : « Quand je suis en formation, j’entends maintenant des phrases hors jeu. Certains hommes se plaignent qu’on en fait trop pour les femmes ; des salariés se demandent s’il revient aux managers de s’adapter aux différences religieuses. » Pour l’année prochaine, Anne Saüt réfléchit à faire évoluer la formule des trophées.

Accorhotels. Le groupe hôtelier a déployé une politique mondiale autour de sa charte de la diversité, lancée en 2011. Traduite en 13 langues, elle est appliquée dans les 92 pays où l’entreprise est présente. Elle affirme 7 principes, dont la non-discrimination et l’égalité des chances. Plusieurs actions ont été menées, dont l’intervention de la directrice diversité groupe auprès des comités de direction en Europe – par visioconférence pour les autres pays – afin de leur présenter la politique diversité ; la formation de 250 directeurs d’hôtels en 2010 ; le lancement du réseau Women at Accor Generation en 2012 ou encore la signature des Women’s empowerment principles en 2015.

ADSI Technowest. L’Association pour le développement des stratégies d’insertion (ADSI) Technowest a lancé en janvier 2013 une initiative intitulée “Les échos de la diversité”. La démarche consiste à organiser une réunion sur la diversité dans des entreprises autour de Bordeaux, en y invitant des entreprises ou des collectivités voisines ; celles-ci organisent à leur tour des réunions auxquelles elles invitent leurs voisines. Au total, 15 réunions ont été organisées ; 16 entreprises sont devenues ambassadrices et 172 représentants d’entreprises ont été mobilisés.

Auchan. Le groupe a mis en place en 2015 trois parcours de développement pour ses salariés, comprenant des journées de formation à la mixité et à la diversité. Le parcours Déclic, destiné aux membres de comités de direction de magasins, intégrait l’intervention d’une médaillée aux jeux paralympiques et le témoignage vidéo du fondateur des “restaurants dans le noir”. Les participants devaient ensuite mettre en œuvre, dans leur magasin, des projets liés à la diversité.

LVMH. Le dispositif EXCELLhanCE vise à proposer des contrats de qualification à des personnes en situation de handicap dans des filiales du groupe. Au terme de leur contrat de professionnalisation de 12 ou de 24 mois, les alternants obtiennent un BTS management des unités commerciales, un bac pro logistique ou une licence professionnelle en administration du personnel. En 2014, 25 alternants ont signé un contrat dans une filiale de LVMH (Veuve Clicquot, Berluti, Louis Vuitton…). Au 1^er septembre 2015, 159 candidatures ont été examinées ; 24 ont été validées. LVMH espère élargir le projet à l’ensemble de ses filiales et à tous les métiers où les personnes en situation de handicap sont sous-représentées.

Sanofi. En 2015, un nouveau volet de la politique de diversité a été ouvert, visant à déconstruire les stéréotypes sur les minorités LGBT. Un groupe de travail a été créé afin d’encomprendre les enjeux pour le groupe et ses salariés ; un intranet dédié a été ouvert ; une vidéo incluant le témoignage d’un salarié LGBT a été diffusée.

SNCF. La démarche “Manager la diversité et la mixité” a été engagée en 2015. L’objectif est de lutter contre les discriminations et de faire respecter le principe de laïcité et de neutralité dans cette entreprise publique. La SNCF met à la disposition de ses managers deux outils : un kit composé de guides pratiques, d’affiches et de modules d’e-learning, et l’accès à des offres de formation et à des prestataires externes pour répondre à des besoins spécifiques. Un dispositif sur le sexisme y sera associé.

TF1. Depuis 2008, TF1 intègre 12 jeunes issus de zones urbaines sensibles par an. Ils peuvent bénéficier d’une formation de deux ans au sein du groupe. Afin d’attirer des candidats, TF1 présente ses offres via des associations de quartier, organise une première sélection sur CV vidéo et coache tous les candidats pour les aider à prendre la parole, à s’habiller ou à se maquiller. Depuis 2008, 75 jeunes ont été recrutés ; dont 76 % sont en poste, 15 % poursuivent leurs études et 9 % se sont réorientés. TF1 envisage maintenant d’élargir le maillage territorial de son dispositif et de systématiser la présentation de candidats non retenus dans d’autres postes du groupe.

Anne Saüt, directrice générale de Diversity Conseil et présidente du jury.

Frédérique Poggi, déléguée générale d’IMS-Entreprendre pour la cité.

Sylvie Savignac, secrétaire générale de la Charte de la diversité.

Marie-Christine Gabillaud-Wolf, déléguée générale de l’AFMD.

Armelle Bernard, animatrice de la commission nationale égalité et diversité de l’ANDRH.

Michel Pimoulle, chargé de mission relations entreprises à la CGPME IDF.

Junko Takagi, responsable de la chaire leadership et diversité de l’Essec.

Catherine Tripon, directrice diversité-égalité professionnelle de la FACE.