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Sur le terrain

États-Unis : La déferlante des freelancers

Sur le terrain | International | publié le : 27.10.2015 | Caroline Talbot

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États-Unis : La déferlante des freelancers

Crédit photo Caroline Talbot

La vague de fond du travail freelance se développe à toute vitesse, concernant aussi bien programmeurs stars que modestes chauffeurs. Cette forme d’emploi se substitue souvent au salariat.

L’univers du travail indépendant ne cesse de gagner du terrain aux États-Unis. Le supermarché en ligne Amazon vient de démarrer un nouveau service de livraison rapide dans une douzaine de grandes villes américaines avec des conducteurs locaux utilisant leur propre véhicule et payés à la tâche. Avantage pour Amazon : le groupe n’acquitte pas les cotisations d’assurance santé, la retraite, les heures supplémentaires, le carburant, ni même l’entretien de la voiture.

Ce nouveau modèle s’inspire du mode de fonctionnement d’Uber Technologies, la plate-forme mettant en contact plus de 200 000 chauffeurs particuliers et leurs clients américains. L’économie du partage – dans laquelle de plus en plus de donneurs d’ordre passent commande pour une simple mission – a été favorisée par de nombreuses start-up, dont le modèle est de jouer les intermédiaires. Il en est ainsi d’Uber et de son concurrent Lyft, ou encore du site Taskrabbit. Cette plate-forme créée en 2008 met en relation 30 000 taskers (tâcherons) avec les habitants de 19 grandes villes américaines, dont New York et San Francisco… Objectif : louer les services d’un expert pour assembler un meuble en kit, faire le ménage, les courses, remplir des tâches administratives, déménager… De son côté, Upwork rassemble quelque 8 millions de freelancers qualifiés et plus de 500 000 donneurs d’ordre. Le site se finance en prélevant 10 % du montant des missions.

Le choix des formules

Ce type d’emploi peut être un petit boulot supplémentaire pour arrondir les fins de mois d’un salarié, ou constituer toute l’activité d’un indépendant multi-employeurs. Pamela Tolbert, professeure à laSchool of Industrial and Labor Relations de l’université Cornell, a vu le mouvement se développer : « Au début des années 2000, cela ne concernait que 0,5 % de la main-d’œuvre. En 2007, on était arrivé à 8 %. »

Selon les statistiques du syndicat des freelancers et d’Upwork pour 2015, on compte aujourd’hui 53 millions de travailleurs indépendants ou contractuels, aux employeurs multiples, soit environ 34 % de la main-d’œuvre.

Les profils d’indépendants sont très variés. Le dernier sondage réalisé par Upwork auprès de 7 000 personnes montre que 60 % des intéressés ont fait le choix de ce mode de travail, 23 % ont même quitté un emploi à temps plein pour devenir indépendants. Un argument mis en avant par la direction d’Uber, toujours prompte à souligner la souplesse et la liberté du travail proposé. Et, parmi ceux-là, 60 % affirment gagner davantage désormais. C’est le cas notamment des programmeurs de la Silicon Valley, détaillé dans le livre à succès de Stephen Barley et Gideon Kunda*. Ces hired guns, mercenaires aux talents recherchés, empilent les contrats juteux.

Mais les autres, beaucoup moins spécialisés, sont à la peine. Les missions proposées n’incluent généralement pas les congés payés, l’assurance maladie, la cotisation retraite ni les autres avantages propres au salariat. Longtemps, les intéressés se sont satisfaits de ce mieux que rien. Mais des actions judiciaires sont en cours pour revaloriser le statut. Après plusieurs années de poursuites, le transporteur de colis Fedex s’est entendu cet été avec 2 300 chauffeurs californiens classés sous-traitants indépendants. Fedex a créé un fonds de 228 millions de dollars pour payer les temps de repos, les heures supplémentaires, les repas… jusqu’ici réservés aux salariés. Une poursuite judiciaire en nom collectif est aussi engagée contre Uber.

Dépenses réglées par les travailleurs

L’avocate Shannon Liss-Riordan, représentant un millier de conducteurs californiens, réclame à Uber le paiement de l’essence, des péages et autres dépenses réglées par les seuls conducteurs. Dès à présent, ces affaires font réfléchir quelques patrons de start-up. L’entreprise Luxe Valet, qui gare les voitures de ses clients, préfère aujour-d’hui travailler avec ses propres employés… plutôt qu’avec des indépendants.

Dans les médias

Wall street journal. Les grandes entreprises imposent d’épargner pour la retraite

Certaines grandes entreprises américaines obligent leurs salariés à mettre plus d’argent de côté pour la retraite en augmentant le pourcentage du salaire placé chaque mois dans un fonds de pension. Le taux habituel est de 3 %, mais le groupe pétrolier Apache retire 8 % de la paie de ses salariés et abonde le versement au même taux. À Google, c’est 10 %. Objectif : ne pas avoir une main-d’œuvre vieillissante et incapable de quitter l’entreprise faute d’épargne suffisante, et permettre ainsi le renouvellement des effectifs.

15 octobre 2015, Wall Street Journal, le quotidien économique

* Gurus, Hired Guns, and Warm Bodies : Itinerant Experts in a Knowledge Economy, Paperback, 2006.

Auteur

  • Caroline Talbot