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L’art de remotiver un collaborateur

Les clés | publié le : 27.10.2015 | Sabine Germain

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L’art de remotiver un collaborateur

Crédit photo Sabine Germain

Gestion d’équipe. La motivation est un ressort éminemment personnel. Mieux vaut donc aider un collaborateur à analyser les raisons de son passage à vide que lui proposer des solutions toutes faites.

Directeur régional d’une enseigne de prêt-à-porter, Vincent commence à s’épuiser à force de « tenir ses collaborateurs à bout de bras : sur la vingtaine de responsables de magasins dont je m’occupe, il y en a toujours au moins deux ou trois au creux de la vague », explique ce quadragénaire empathique, qui vit d’autant plus douloureusement ces baisses de motivation qu’il les perçoit comme un échec personnel : « N’est-ce pas mon rôle de manager de savoir motiver mes collaborateurs dans la durée ? »

Ces coups de mou coïncident souvent avec une chute de chiffre d’affaires. En sont-ils la cause ou la conséquence ? Vincent ne se pose pas la question : pour ce commercial dans l’âme, dont le baromètre des humeurs est calé sur la météo des affaires, la démotivation ne peut venir que d’un infléchissement de la courbe des ventes. Sa solution est donc toute trouvée : « Je propose au responsable de magasin de discuter de ses objectifs afin de comprendre pourquoi il a du mal à les atteindre et d’identifier les moyens d’y parvenir. »

« Tout cela part d’un bon sentiment », commente Antonin Gaunand, consultant et formateur. Mais Vincent commet une erreur classique : « Les managers ont trop souvent tendance à projeter leurs propres envies sur les autres. » Ils feraient mieux d’interroger directement les personnes concernées. Mais de façon positive : « Inutile de revenir sur les causes de leur démotivation, explique Philippe de Lapoyade, fondateur d’Interactifs, cabinet de conseil et formation en compétence relationnelle. Mieux vaut considérer que c’est le passé et inviter les salariés à se projeter dans l’avenir en leur demandant : Que puis-je faire pour vous redonner l’envie et le plaisir de travailler ? »

Aspirations personnelles

Laisser chacun s’exprimer évite bien des malentendus. Antonin Gaunand prend l’exemple d’un manager dont la carrière a progressé au même rythme que les projets qui lui étaient confiés : « Du coup, il est convaincu qu’il n’y a rien de tel, pour motiver un collaborateur, que de lui confier un gros projet. Il n’imagine pas un seul instant que certains puissent, au contraire, avoir envie de souffler un peu pour voir grandir leurs enfants, de toucher une prime ou de changer de métier. » Non seulement ces aspirations sont éminemment personnelles, mais elles varient aussi au fil du temps : un collaborateur peut chiffrer sa motivation en argent sonnant et trébuchant à certains moments de sa vie, aspirer à davantage de responsabilités ou d’autonomie à d’autres moments. « Laissez-le exprimer librement ce à quoi il aspire, commente Philippe de Lapoyade. Car ce qui fatigue le plus les salariés aujourd’hui n’est pas tant leur travail en lui-même que l’impression de ne jamais pouvoir exprimer ce qu’ils ressentent. »

Il est fort possible que ces aspirations échappent aux prérogatives du manager, qui n’a pas vraiment prise sur l’organisation de l’entreprise. « Les réorganisations ou les projets de transformation sont pourtant un grand facteur de démotivation, observe Philippe de Lapoyade. Sur fond de nostalgie du passé et de peur de l’inconnu, les salariés sont généralement stressés à l’idée de ne pas comprendre leurs nouvelles missions. » Pour couper court à ces phases très démobilisatrices, « il est important de lancer rapidement des projets concrets, même très modestes. Cela permet de se projeter dans la nouvelle organisation avant même d’avoir eu le temps de baisser les bras ».

En d’autres occasions, le manager doit accepter d’être impuissant : si la démotivation d’un collaborateur est liée à ses problèmes personnels, par exemple. Ou si elle est exclusivement liée à la politique salariale : « Plus on descend dans la hiérarchie, moins le manager peut agir sur la rémunération », estime Philippe de Lapoyade. À défaut de pouvoir agir, le manager peut toutefois se montrer concerné et à l’écoute.

Absence d’insatisfaction

Il peut aussi méditer la théorie de Frederick Herzberg(1) sur la motivation de l’homme au travail : « La satisfaction au travail n’est pas le contraire de l’insatisfaction, mais l’absence d’insatisfaction », résume Antonin Gaunand. Les facteurs d’insatisfaction sont généralement liés aux conditions de travail : organisation, politique salariale, statut, santé et sécurité… Les facteurs de satisfaction relèvent plutôt de l’épanouissement individuel : réalisation de soi, autonomie, responsabilité, reconnaissance, intérêt du travail, etc.

Moralité : « En investissant massivement dans l’amélioration des conditions de travail, une entreprise se contente de minimiser les sujets d’insatisfaction », poursuit Antonin Gaunand. Mais elle n’agit pas réellement sur la satisfaction personnelle, donc sur la motivation.

Les conseils du coach

Yves Duron

Psychologue du travail et cofondateur de Motiva.*

1

Rendre chacun acteur de sa propre motivation

Au manager d’aider son collaborateur à identifier son propre moteur, ce qui lui donne envie de venir travailler. Ce peut être le plaisir d’apprendre et de progresser, le sentiment que son travail a du sens, l’argent ou toute autre forme de reconnaissance, le goût du travail bien fait, la satisfaction de faire partie d’un projet collectif… Ce ressort est très personnel : au manager d’accepter l’idée que ses collaborateurs n’ont pas les mêmes ressorts motivationnels que lui. Son rôle est plutôt de leur apprendre à devenir acteurs de leur propre motivation en leur montrant que c’est une compétence qui se travaille.

2

Ne pas confondre la motivation et l’engagement

La motivation est un ressort individuel finalement assez simple à actionner lorsqu’on en a compris le principe. En revanche, l’engagement est plus profond : le sentiment d’appartenance, la fierté de faire partie d’un projet collectif met beaucoup plus de temps à bouger, dans un sens ou dans l’autre. Quand on commence à s’interroger sur l’engagement d’un collaborateur, il est souvent trop tard pour réagir.

3

Gare à l’effet tâche d’huile

Une personne démotivée au sein d’une équipe, c’est comme une démission ou l’annonce d’une grossesse. Cela donne très vite des idées aux collègues ! Mieux vaut donc identifier et traiter les premiers signes de démotivation avant qu’ils ne se répandent.

* Auteur, avec Zwi Segal, de La motivation au travail, une compétence qui se développe, Pearson Éducation, décembre 2015.

1) Frederick Herzberg (1923-2000), psychologue et professeur de management à l’université de l’Utah, aux États-Unis.

Auteur

  • Sabine Germain