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L’enquête

Une démarche intéressante mais pas suffisante

L’enquête | publié le : 27.10.2015 | L. G.

La réforme pousse les prestataires à faire labelliser leurs processus de production ou leur professionnalisme. Mais certains estiment que cela ne suffit pas, ou que le débat est ailleurs.

Les organismes prestataires de formation doivent faire labelliser et certifier leur processus qualité pour survivre dans la tourmente de la réforme : une multitude d’avis et de commentaires l’affirme. Trois labels nationaux existent à ce jour : ISO, NF service formation Afnor et ISQ-OPQF. Existent aussi des labels locaux, comme Certif’LR, piloté par la région Languedoc-Roussillon.

« Que ce soit par la certification de systèmes de management ou la certification de services, les organismes de formation ont intérêt à s’y intéresser, affirme Thomas Cornu, ingénieur Afnor. Afin de respecter les mesures du décret qualité, les organismes financeurs, Pôle emploi, les collectivités, les Opca et Opacif vont désormais pouvoir référencer les organismes de formation ayant choisi la voie de la qualité par l’obtention d’une certification. Ils disposeront automatiquement d’un pouvoir de recommandation plus fort en favorisant les établissements certifiés qualité. C’est un enjeu d’envergure nationale, car plus de 50 000 organismes sont concernés et seuls 1 200 ont engagé une démarche volontaire de certification. » Pour précision, le total du chiffre d’affaires 2013 des certifiés NF 214 était d’à peine 120 millions d’euros. Mais, à l’inverse, 3 % des prestataires représentent 58 % du marché et sont labellisés qualité sous une forme ou une autre.

Une liste des labels en 2017

La liste des labels retenus sera bientôt déterminée par le Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelle (Cnefop). Au 1er janvier 2017, les financeurs pourront soit l’utiliser, soit choisir de développer leur propre label.

Agefos et Opcalia, conscients de la nécessité d’aider les prestataires, ont lancé des campagnes d’information : 90 % des financements de ces campagnes concernent plutôt les certifications OPQF-ISQ et NF service. Mais ils ont quand même du mal à amener les organismes de formation dans cette logique.

Autre illustration du manque d’entrain : les ateliers menés par Afnor sur le premier semestre 2015 ont été visités par 1 organisme à Dijon, 3 à Toulouse, 7 à Strasbourg, mais 15 à Bordeaux et autant à Lyon. Afnor a relancé une campagne par e-mailing à 5 316 contacts en août et septembre derniers.

Les organismes de formation qui se sont lancés dans le processus reconnaissent pourtant de nombreux avantages : la réduction des coûts en améliorant la satisfaction des clients, une meilleure définition des rôles respectifs de chacun, l’assurance d’instaurer la continuité de la qualité de la prestation, un avantage concurrentiel incontestable et une longueur d’avance dans le cadre d’appels d’offres.

« La certification est d’abord un processus de gestion de l’innovation interne », encourage Thomas Cornu. D’ailleurs, un cheminement logique existe entre les trois grandes certifications : l’OPQF-ISQ pour les “petits” organismes relativement débutants mais réalisant déjà un certain chiffre d’affaires ; puis les certifications sur la base des normes Afnor après un temps de développement afin de structurer la croissance ; et, enfin, la norme ISO 9001 après plusieurs années de croissance et d’existence pour renforcer la confiance avec des donneurs d’ordre de plus en plus importants (grands comptes, multinationales…) et souvent eux-mêmes certifiés ISO pour agir sur leurs propres marchés.

Attention, la labellisation-certification qualité des prestataires ne réglera pas tous les problèmes. « La certification ne garantit pas le zéro défaut, et elle n’évite pas les erreurs de stratégie de l’organisme de formation », prévient Thomas Cornu. Elle n’est pas une certitude de succès.

Les responsables de formation n’ont jamais été très sensibles à ces certifications. Ils y accordent peu d’importance et disent faire confiance à leurs appels d’offres sur cahier des charges, avec suivi et panélisation internes.

Les qualités des formations financées sur les fonds professionnalisation, CIF, CPF… et gérés par les Opca seront regardées sous cet angle, mais pas les fonds plan de formation (hors ceux, rares, qui sont encore définis légalement).

« Les entreprises ne sont pas contraintes par ce décret ; elles peuvent s’y référer », précise Stéphane Rémy, chef de la mission de contrôle au sein de la DGEFP. Mais un responsable de formation d’un très grand compte nous affirmait récemment qu’il était hors de question qu’il se fasse dicter des principes qualité, donc un potentiel refus de financement sur le plan par son Opca, alors que sa propre analyse qualité reposait sur des années d’expérience et de suivi des prestataires du marché.

Un débat de fond

Les logiques de labellisation et de certification n’évitent pas le débat de fond : « Le décret rassemble une somme d’évidences incluses dans le métier de la formation ; tout ça pour ça, ai-je envie de dire, déclare Jonathan Pottiez, directeur produit et innovation du cabinet Formaeva, spécialisé dans l’évaluation. Les plus gros prestataires sont certifiés ISO ou labellisés. Il ne faut pas mettre les maux sur le dos des organismes de formation si l’analyse du besoin n’a pas été correctement réalisée au départ, s’il n’y a pas de suivi post-formation, etc. Il n’y aura pas de miracle. La responsabilité de l’entreprise reste importante. »

D’ailleurs, les organismes de formation doutent eux aussi de la causalité directe entre certification et qualité pédagogique. Selon une étude du cabinet Linguaid à paraître sur les formations linguistiques, 70 % pensent que ces certifications auront un impact important lors de la sélection des prestataires par les financeurs, mais seuls 30 % d’entre eux estiment qu’elles amélioreront l’adéquation avec les besoins et la qualité des formations.

Auteur

  • L. G.