Un pays où on ne veut pas voir les pauvres
Selon le Crédoc, 37 % des Français sont persuadés que les pauvres (personnes qui touchent moins que 60 % du revenu médian, selon la définition de l’Insee) sont responsables de leur infortune, car ils ne cherchent pas vraiment à s’en sortir. En outre, 44 % de nos concitoyens estiment déresponsabilisantes les aides aux familles ayant des difficultés financières. Pourtant, nombre de pauvres travaillent et font même souvent partie de la France qui se lève très tôt. Mais des emplois à temps partiel ou irréguliers plongent vite ces salariés dans les abysses de l’assistance et de la misère. Bien que près du tiers du PIB soit consacré aux dépenses sociales, la pauvreté ne cesse de croître dans l’Hexagone.
À mesure que la pauvreté augmente, l’État providence semble donc incapable de la juguler et, paradoxe, celui-ci est de plus en plus contesté. La fameuse « fraternité » de la devise républicaine, même rebaptisée du terme plus moderne de « solidarité », est mise à mal par une logique méritocratique sans merci. Peut-être parce que les classes moyennes ont cessé de s’enrichir comme elles le faisaient pendant les Trente Glorieuses ? Fonder demain, association inspirée par la doctrine sociale de l’Église, alerte sur les dangers de la dérive du chacun pour soi, qui conduit à se détourner de la réalité sociale. Si les 8 500 000 pauvres que compte notre pays ne se voient (presque) pas, c’est surtout parce que personne ne veut les voir. La France reste cependant un pays riche, où les citoyens qui prétendent ignorer la misère devraient s’interroger sur la dissolution du lien social que leur aveuglement suppose.