À profil comparable, les musulmans pratiquants sont discriminés à l’embauche par rapport aux juifs pratiquants, qui sont eux-mêmes discriminés par rapport aux catholiques pratiquants. C’est ce que démontre un testing réalisé par l’économiste Marie-Anne Valfort et publié début octobre par l’Institut Montaigne. En réponse à des offres d’emploi en comptabilité, l’auteure a envoyé 6 231 CV de candidats fictifs, différant seulement par la religion supposée du candidat, et a comparé les réponses des recruteurs.
Il ressort que les candidats catholiques ont obtenu un taux de réponses de 20,8 %, les candidats juifs de 15,8 % et les candidats musulmans de 10,4 %. Autrement dit, un catholique a une probabilité supérieure de 30 % à celle d’un juif et deux fois plus de chances qu’un musulman d’être convoqué à un entretien d’embauche. Mais la discrimination à l’égard des candidats musulmans varie fortement selon leur sexe. Une femme catholique obtient au taux de réponse de 23,5 %, contre 18,2 % pour une candidate juive et 16,4 % pour une musulmane. Les hommes sont globalement moins bien lotis : un candidat catholique obtient un taux de réponses de 17,9 %, un juif de 13,3 % et un musulman de 4,7 %. Les chances d’un candidat catholique sont quatre fois supérieures à celle d’un candidat musulman. Marie-Anne Valfort explique ces écarts de traitement par les stéréotypes négatifs dont sont victimes les hommes musulmans (difficiles à gérer, rapport compliqué à l’autorité), alors que les femmes musulmanes sont perçues comme travailleuses et courageuses.
L’auteure a également testé l’impact de l’attachement à la laïcité sur les réponses des recruteurs ; pour cela, elle a remplacé les associations de scouts confessionnelles par l’association laïque des Éclaireurs. Le taux de réponse pour les hommes musulmans laïques passe alors à 7,4 % ; il se rapproche ainsi de celui des hommes catholiques laïques (10,8 %).
Le testing a été réalisé entre septembre 2013 et septembre 2014. Les CV des candidats(e)s étaient similaires, à l’exception de leur religion supposée, signalée par leur prénom (Dov et Esther pour les juifs, Michel et Nathalie pour les catholiques, Mohammed et Samira pour les musulmans), leur langue maternelle ou le collège dans lequel ils ont obtenu leur brevet des collèges, et l’association de scoutisme où ils encadrent des jeunes. Afin de neutraliser une possible discrimination en raison du lieu de naissance ou du patronyme, tous les candidats étaient nés au Liban mais de nationalité française et ont fait leurs études supérieures en France. Ils portaient le patronyme Haddad, indifférent à la religion, et postulaient tous à des postes de comptable, d’assistant comptable et de secrétaire comptable, en réponse à des offres parues sur le site de Pôle emploi.
