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Du côté de la recherche

Chronique | publié le : 20.10.2015 | Denis Monneuse

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Du côté de la recherche

Crédit photo Denis Monneuse

Vive les faux jeunes !

Le seuil des 45 ans sonne comme le début de la séniorité dans l’entreprise, alors que de nombreuses personnes de cet âge n’ont pas encore besoin de carburer à la DHEA pour se sentir jeunes dans leur corps et dans leur tête. « On ne sait pas à quel âge commence la vieillesse comme on ne sait pas où commence la richesse », disait fort justement l’économiste Vilfredo Pareto.

Du fait des stéréotypes négatifs à l’égard des seniors, accusés de mettre le pied sur le frein et de s’opposer à tout changement en attendant leur départ à la retraite, le jeunisme règne bien souvent dans les entreprises. À partir de 40 ans, mieux vaut faire moins que son âge plutôt que le contraire. Car les jeunes sont réputés plus dynamiques et innovants. Mais l’âge des salariés a-t-il un réel effet sur la performance globale des entreprises ? La question mérite d’être posée, car, s’il était prouvé par a + b que les jeunes étaient plus performants que leurs aînés, il faudrait alors commencer dans bien des univers professionnels par… virer les dirigeants !

En réalité, c’est moins la jeunesse qui est un facteur de performance que le fait de se sentir jeune, affirme Florian Kunze, chercheur à l’université suisse de Saint-Gallen(1), à partir de l’analyse de données de plus de 15 000 personnes travaillant dans 107 entreprises différentes.

À titre individuel, les salariés qui se sentent bien plus jeunes que leur âge sont plus nombreux à déclarer réussir à atteindre les objectifs qu’ils se fixent. À titre collectif, les entreprises qui emploient de nombreux salariés dans ce cas obtiennent de meilleures performances que les autres, du point de vue financier et de la stabilité de leur personnel.

Si les salariés qui se sentent jeunes dans leur tête jouent positivement sur la performance de l’entreprise, comment les attirer ? Florian Kunze note qu’ils sont surreprésentés dans les entreprises qui mettent en place des politiques diversité pour réduire les préjugés sur les âges, ainsi que dans celles où les salariés se sentent plus reconnus au travail que la moyenne.

Faut-il y voir une simple coïncidence ou une relation de causalité ? Et dans quel sens fonctionnerait cette dernière ? On peut faire l’hypothèse que c’est le fait de travailler dans un univers professionnel où l’on se sent reconnu, quel que soit son âge, qui donne l’impression de rester jeune. De même, on peut imaginer que les entreprises qui luttent contre les stéréotypes permettent d’éviter la stigmatisation, donc de prendre un coup de vieux en raison d’une mise au placard ou du regard négatif porté sur soi par ses collègues.

L’étude ne permet malheureusement ni d’infirmer ni de confirmer ces hypothèses. Toutefois, en s’inspirant du pari pascalien, un DRH a tout intérêt à développer une culture de la diversité et de la reconnaissance au travail dans son entreprise. Si le lien de causalité est avéré, il réussira à attirer ou à conserver de “faux jeunes”, donc des salariés plus performants que la moyenne. Si le lien de causalité n’est pas avéré, notre DRH n’aura pas perdu grand-chose : à défaut d’attirer des salariés jeunes dans leur tête, il attirera des salariés qui n’ont pas envie d’être discriminés et qui seront ravis de se sentir reconnus au travail !

1) Florian Kunze et al., « It Matters How Old You Feel : Antecedents and Performance Consequences of Average Relative Subjective Age in Organizations », Journal of Applied Psychology, 2015.

Auteur

  • Denis Monneuse