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L’art de manager en présence des clients

Les clés | publié le : 13.10.2015 | Florence Roux

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L’art de manager en présence des clients

Crédit photo Florence Roux

Gestion d’équipe. Briefs express, suivi sur le terrain, exemplarité : le management de personnes en contact avec le public requiert un grand sens du direct, beaucoup d’anticipation et également du travail a posteriori.

Un plat trop salé ? Un remboursement interrompu ? La pluie sur un manège ? « L’inattendu est le lot quotidien des personnels en contact avec le public, observe Fabienne Autier, professeure en GRH à l’EM Lyon et spécialisée dans les services. Il y a souvent un décalage entre ce que l’on prévoit et ce que l’on obtient. Le manager s’adapte en permanence. »

Première règle pour mieux « prévoir l’imprévu » : poser un cadre en amont. Sur la plate-forme de relation clients d’Apicil, celui-ci passe par une organisation tirée au cordeau. L’encadrement de proximité compte six managers, dont deux superviseurs en soutien de leurs pairs et des équipes. Par ailleurs, huit personnes gèrent les réclamations – et les anticipent même par une veille sur les réseaux sociaux : « C’est très apprécié des clients et cela limite la gestion d’appels compliqués pour les autres conseillers », analyse Anne-Christelle Vogler, directrice de relation clients chez Apicil.

Dans la restauration, la hiérarchie stricte, avec ses postes très définis, du chef de rang maître d’hôtel aux commis, « donne des repères solides aux équipes », apprécie Sandrine Chourrout, la DRH du marché ville-musées du secteur concession du groupe Elior –1 000 personnes en France dans des points de vente à emporter ou restaurants de prestige. « Avant la prise de service, ajoute-t-elle, le manager de proximité fait souvent un brief express où il reprend des événements de la veille, répartit les rôles du jour et, surtout, rappelle les objectifs de service et de qualité. C’est un moment essentiel de mobilisation, où le manager donne le goût de servir le client. L’envie de sourire. » Sur la plate-forme d’Apicil, « où le sourire doit s’entendre », souligne Anne-Christelle Vogler, les managers font aussi des briefs, mais plutôt à la mi-journée, « à chaud, précise la directrice. Les managers y répondent aux questions de l’équipe et les redynamisent ».

Au parc de loisirs de Walibi, en Isère, chaque prise de service est l’occasion d’un protocole strict – et même ritualisé – pour les managers et les agents d’accueil : affectations sur les attractions, remise de clés, remplissage d’une check-list. « Cela aide au bon déroulement du service », explique Grégory Cany, directeur des opérations à Walibi Rhône-Alpes.

Deuxième principe, une forte présence managériale pendant le service. « Durant l’ouverture du parc, les managers de proximité vérifient les documents et passent très régulièrement sur les attractions », confirme le directeur des opérations. Dans le groupe Elior, ils sont « à 70 % en contact avec le public », estime Sandrine Chourrout. « La règle, rappelle Fabienne Autier, étant de ne surtout pas faire de remontrances à l’employé devant le client. C’est contraire à l’accueil. » Toute difficulté est traitée après le service ou en back-office.

Ou gérée en direct, par l’exemple. Quand un service est imparfait, le manager d’Elior reprend le service un moment ; pour sa part, celui d’Apicil se met en prise d’appels, aux côtés de l’agent. Le temps de réajuster ses gestes ou ses paroles. Tous les directeurs et managers sont d’accord : on montre au lieu de faire la leçon. « Il faut s’efforcer d’être exemplaire, pédagogue, confirme Robert Laurain, directeur d’un Carrefour Market en Haute-Savoie. Ainsi, dans notre supermarché, la manager des hôtesses d’accueil éloigne un client en conflit avec une employée ou prend un poste en cas d’afflux. »

À Walibi, les deux managers vérifient l’affluence toutes les heures, se déplacent en cas de conflit, quand le rythme fléchit ou, au contraire, bondit. « On met la main à la pâte, résume Grégory Cany. Les agents comprennent ainsi qu’on est ensemble au service du public. Tous les managers, comme moi, ont d’abord été à l’accueil : on adore ce contact avec le public ! »

Enregistrée, mesurée, analysée

Souvent issus de la promotion interne, les managers appuient leur travail sur l’expérience. Mais la circulation entre le terrain et l’encadrement se structure mieux encore là où l’activité est enregistrée, mesurée, analysée. À Walibi, par exemple, les enquêtes de satisfaction du public et les débriefings d’après service nourrissent des points hebdomadaires entre le manager et ses équipes. Au centre d’appels d’Apicil, le manager organise des quiz et des challenges, des réunions mensuelles thématiques, et débriefe en permanence les appels enregistrés. Si nécessaire, il propose des formations ou des prises ? d’appels en binôme. Mais il peut aussi, quand la formulation d’un conseiller fait mouche, l’intégrer dans une bibliothèque de réponses. Afin que l’expérience renforce encore le cadre.

Les conseils du coach

Brigitte Auriacombe

Professeure de marketing, responsable d’unité pédagogique et de recherche marchés et innovation à l’EM Lyon*

1

Partager les objectifs avant le service

En back-office, en amont du service, le manager rappelle à son équipe les objectifs et l’organisation du jour. Il pose un cadre solide, mais pas rigide, sur lequel les salariés s’appuieront une fois le public arrivé, dans le feu de l’action. Ainsi, le petit brief d’avant le service est une bonne manière de faire passer l’information, juste au moment où les gens sont disponibles et attentifs.

2

Laisser de la marge pendant le service

En anglais, on appelle cela l’empowerment, c’est-à-dire l’autono-misation. Ainsi, dans la mesure où la finalité du service est bien partagée et le cadre posé, le manager donne aux salariés l’autonomie en cohérence avec leurs compétences et leur connaissance. Ils doivent pouvoir réagir en direct, ce qui n’est pas possible si l’on rigidifie trop les hiérarchies. Pendant le service, le manager peut être en soutien, mais pas dans la consigne ou la critique devant le client.

3

Capitaliser ensemble

Pour capitaliser ensemble sur les expériences, bonnes ou mauvaises, il est essentiel que l’équipe se réunisse à des moments dédiés – une fois par semaine par exemple – dans des “espaces de délibérations” où les salariés peuvent apprendre à dépersonnaliser les situations entre pairs et avec le manager. On développe ainsi une compétence collective pour lutter contre l’isolement face aux clients pendant le service. Il faut savoir construire sur les savoirs issus de l’expérience et que cette expertise serve à améliorer le service.

* Brigitte Auriacombe a participé à l’ouvrage Ce que manager dans les services veut dire, dirigé par François Mayaux et Éric Vogler, éd. d’Organisation, 2005.

Auteur

  • Florence Roux