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L’enquête

Des budgets préservés… pour les grandes entreprises

L’enquête | publié le : 22.09.2015 | L. G.

Avis d’experts. Stéphane Pineau, DG de Training Orchestra, Jonathan Pottiez, directeur produit et innovation à Formaeva, et Laurent Balagué, DG de ForMetris, s’expriment sur l’évaluation des budgets de formation, le développement de l’évaluation et l’impact du décret sur la qualité.

E & C : Comment évoluent actuellement les budgets de formation ?

Stéphane Pineau, DG de Training Orchestra : Si on considère le réalisé de notre clientèle française, soit 60 % de notre chiffre d’affaires, le plan de formation 2015 est resté stable par rapport à celui de 2014. La dépense est à la baisse de 3 %, mais le réalisé en termes d’heures a augmenté de 2 %. La dépense moyenne est de 3,6 % de la masse salariale. Nos 250 clients gèrent entre 500 et 300 000 salariés, ce qui fait un consolidé annuel de 1,5 million de formés. Pour elles, nous gérons plus de 1,5 milliard d’euros d’investissement en formation. La fin du 0,9 % est compensée par une contrainte sociale forte, qui variera selon les situations en TPE et en grandes entreprises.

Jonathan Pottiez, directeur produit et innovation à Formaeva : En ce mois de septembre 2015, je ne note pas de réduction des budgets dans les grandes entreprises, mais une inquiétude dans les PME et TPE, et une tendance à la réinternalisation de la formation. Celle-ci passe par une pratique de l’évaluation en augmentation, du fait du contexte économique.

Laurent Balagué, DG de ForMetris : Le niveau de dépenses des entreprises clientes reste très au-dessus de l’équivalent de l’obligation légale. On ne note donc pas de changement radical.

E & C : L’évaluation se développe-t-elle ?

Laurent Balagué : L’évaluation est devenue une pratique plus importante depuis plusieurs années, mais c’est autant dû à la crise qu’aux réformes. La formation s’aligne sur les autres fonctions de l’entreprise. Mais, à ce jour, la réforme n’a encore qu’un effet mineur sur cette question. Les entreprises qui ne s’intéressaient pas au sujet hier ne s’y intéressent pas forcément aujourd’hui. À l’inverse, les pratiques de certaines sont bien plus abouties que ce qu’envisage la loi. Elles ne sont pas dans le fantasme du retour sur investissement [ROI] avec calcul d’impact sur la croissance du chiffre d’affaires et de la marge ! Ce type de retour sur investissement est quasiment toujours incalculable. Ces entreprises sont plutôt dans des logiques d’industrialisation de l’évaluation, avec recherche de l’impact sur l’individu et du transfert en situation de travail : ceci concerne principalement le collaborateur et le n + 1.

Jonathan Pottiez : C’est un des chantiers prioritaires des responsables de formation, auxquels sont demandés des comptes. Cependant, tenter un calcul de ROI en termes financiers est risqué. L’approximation n’est pas crédible, et les financiers en rient. L’impact de la formation n’est pas isolable, et mieux vaut chercher un retour sur les attentes des commanditaires, poser la question du “pourquoi” – à plusieurs reprises –, en déduire les effets et résultats escomptés pour enfin prévoir les moyens en conséquence. Travailler sur l’évaluation doit être intégré dès le début du processus de formation ; cela permettra aussi de changer l’image et le positionnement de la fonction formation vis-à-vis des opérationnels.

Stéphane Pineau : La technique du ROI exprimé monétairement est inapplicable, sauf parfois pour quelques formations commerciales et techniques, et encore. L’enjeu est d’optimiser sans sacrifier l’essentiel : faire plus et mieux en dépensant moins. La formation sort quand même d’une période faste dans les entreprises. L’avantage des Français, comparativement aux autres grands pays, est leur très grande maturité en matière de gestion de la formation : budget prévisionnel, analyse en coût complet, tracking des oubliés de la formation… Les Anglais, les Américains et les Allemands établissent rarement un plan prévisionnel et réalisent souvent leurs planifications et achats au dernier moment. Aux États-Unis, des injonctions financières demandent -30 % de dépenses en formation, mais ce n’est aucunement une recherche de ROI. À la différence de la France, il n’y a quasiment aucune analyse en coût complet. Notre technicité provient des années de pratiques imposées par l’obligation légale fiscale : il a fallu repérer et compter.

E & C : Comment jugez-vous le décret sur la qualité ?

Jonathan Pottiez : C’est une somme d’évidences incluses dans le métier de la formation : tout ça pour ça, ai-je envie de dire ? Les plus gros prestataires sont certifiés ISO ou labellisés. Il ne faut pas mettre les maux sur le dos des organismes de formation, si l’analyse du besoin n’a pas été correctement réalisée au départ, s’il n’y a pas de suivi post-formation, etc. Il n’y aura pas de miracle. La responsabilité de l’entreprise est importante.

Laurent Balagué : L’impact du décret qualité sera positif ou désastreux selon son application par les Opca. Les labels qualité sont utiles pour accompagner et structurer la croissance des organismes de formation, mais les acheteurs des grandes entreprises les considèrent peu. Un passage généralisé et rapide à l’ISO coûterait cher et réduirait drastiquement le nombre d’organismes de formation, alors même que certains petits sont parfois très bons, mais difficilement normalisables. Il serait dramatique d’en arriver à une situation où appliquer les critères de Kirkpatrick sur les résultats d’une prestation d’un organisme de formation sans label serait considéré comme ne rien faire en termes de gestion de la qualité !

Auteur

  • L. G.