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LA SEMAINE

Le droit du travail assis sur les branches

LA SEMAINE | publié le : 15.09.2015 | Emmanuel Franck

Le rapport Combrexelle propose de faire de l’accord de branche la source d’un « ordre public conventionnel ». Avec le risque que les négociateurs de branches continuent de bloquer toute possibilité de signer des accords d’entreprise dérogatoires.

À court terme (2016), il s’agirait de distinguer ce qui relève de l’ordre public et de la négociation dans quatre domaines, que sont les conditions de travail, le temps de travail, les salaires et l’emploi. Parce qu’elle concerne la santé des salariés, la durée maximale du travail serait par exemple impérative, mais le contingent d’heures supplémentaires dépendrait de la négociation d’entreprise (comme c’est déjà le cas actuellement). Le seuil de déclenchement des heures supplémentaires serait également soumis à la négociation, propose Jean-Denis Combrexelle. Cela reviendrait à casser la durée légale du travail. Le gouvernement a d’ores et déjà fait savoir qu’il y était opposé.

L’objectif à moyen terme (quatre ans) esquissé par le rapport est de redessiner l’architecture du Code du travail sur trois niveaux :

1. les principes fondamentaux impératifs (article 34 de la Constitution et droit communautaire) ;

2. les champs ouverts à la négociation ;

3. les dispositions supplétives applicables en l’absence d’accord.

Dans cette nouvelle architecture, la branche joue un rôle central puisqu’elle définirait l’« ordre public conventionnel », que les accords d’entreprise seraient tenus de respecter, mais aussi les stipulations supplétives qui s’appliqueraient en l’absence d’accord.

Pour Stéphane Béal, qui dirige le département droit social du cabinet d’avocats Fidal et qui préside la commission juridique de l’ANDRH, la branche est le point faible de cette architecture : « Quelles règles conventionnelles sortiront des branches, sachant que les syndicats y adoptent parfois des positions dogmatiques ; les branches pourraient alors bloquer toute possibilité de signer des accords d’entreprise dérogatoires. C’est déjà ce qu’elles ont fait avec les accords seniors. »

Peu d’accords dérogatoires

Les accords dérogatoires sont possibles depuis la loi de 2004 sur le dialogue social, sauf dans certains domaines (salaire, classification, fonds de la formation). Mais leur nombre est insignifiant, parce que les négociateurs des conventions de branches ont pris soin de les interdire. Cette disposition de la loi est donc aujourd’hui complètement vidée de sa substance. Pourquoi les négociateurs de branche agiraient-ils autrement demain ?

En réaction à la publication du rapport, la CGT et FO ont immédiatement insisté sur leur attachement à la hiérarchie des normes. « On aurait certes réduit la place de la loi, mais avec des accords de branche bloquants, ce qui ne fait que déporter le problème », analyse Stéphane Béal. En dehors des champs de l’ordre public législatif et de l’ordre public conventionnel, l’accord d’entreprise, désormais majoritaire, s’appliquerait en priorité.

L’accord d’entreprise s’imposerait également au contrat de travail, mais uniquement s’il permet de préserver l’emploi ; cela concerne les accords de mobilité, de GPEC et de maintien dans l’emploi. Le salarié qui refuse une modification de son contrat de travail par accord collectif serait licencié pour motif économique, la cause réelle et sérieuse étant présumée. L’indemnité serait moins attractive que celle d’un licenciement pour motif économique classique. Pour Stéphane Béal, cette proposition ne va pas assez loin, et les accords d’aménagement du temps de travail devraient aussi s’imposer aux contrats de travail.

Quelques mesures techniques

Le rapport Combrexelle contient plusieurs propositions techniques intéressant les praticiens du dialogue social. Ainsi, le recours judiciaire contre les accords collectifs serait réduit dans le temps, « ce qui évitera qu’on remette en cause des accords sur le forfait-jours datant de 1999 », souligne Stéphane Béal. Ainsi, l’accord de groupe serait assimilé à un accord d’entreprise, avec, donc, la possibilité de déroger. Il est également proposé que les Direccte puissent contester un accord d’entreprise devant le TGI, alors qu’actuellement, elles sont obligées de délivrer un récépissé sans avoir contrôlé l’accord, quand bien même celui-ci serait contraire au Code du travail.

Auteur

  • Emmanuel Franck