logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Les clés

FAIRE ACCEPTER UNE DÉCISION IMPOPULAIRE

Les clés | publié le : 01.09.2015 | MARIE-MADELEINE SÈVE

Image

FAIRE ACCEPTER UNE DÉCISION IMPOPULAIRE

Crédit photo MARIE-MADELEINE SÈVE

GESTION D’ÉQUIPE. Abandon d’un projet, gel des salaires, déménagement, restructuration… D’accord ou pas, le manager doit suivre la voie choisie en haut lieu et l’assumer avant de l’annoncer à l’équipe. Inutile de tergiverser, les salariés sont intelligents. Mais la bienveillance et le dialogue sont de bon aloi dès l’annonce et tout au long de la mise en œuvre.

« C’est impossible ! ». Ces directeurs régionaux d’une société de contrôle technique à Limoges étaient braqués contre l’annonce faite par le jeune directeur marketing : gagner 10 % de productivité dans les agences. « Cet épisode, déjà ancien, fut très dur, se souvient cet ex-manager, j’avais affaire à des hommes de l’art chevronnés, qui m’ont bousculé. Mais je n’ai pas lâché, expliquant que l’objectif fixé par la direction technique tenait la route, que moi, j’y croyais. Illico, j’ai repris les chiffres et refait une démonstration avec ce qu’on m’avait expliqué. Ils ont reconnu la justesse du raisonnement. » Apporteur de mauvaises nouvelles est un rôle ingrat que le manager se doit d’assumer sans se défausser sur ses supérieurs, ni se poser en victime d’un diktat. Il perdrait alors l’estime de ses troupes.

Il faut donc bien se préparer en amont avec un double objectif : aider ses collaborateurs à vivre le moins mal possible la situation et leur fixer un cap. Donc s’efforcer d’être un chef bienveillant et clairvoyant plutôt que directif ou défaitiste. « Pour y parvenir, le manager doit d’abord encaisser l’information, car elle l’affectera lui aussi, observe Ricardo Croati, coach de dirigeants à France Training. Prendre du recul sur une nouvelle et considérer qu’elle n’est pas si grave lui permettra de se l’approprier sereinement avant de la relayer à l’équipe. » Dès lors, il réfléchira aux conséquences sur le fonctionnement de son service, sur le quotidien des personnes et envisagera les phases de la réorganisation à opérer.

« Lorsqu’il a été décidé de fermer l’agence de Rouen en 1996, pour ne garder que celle de Lille, j’ai beaucoup discuté des répercussions de ce choix avec mon DAF, raconte Charles Dauman, alors directeur régional “Hauts de France” chez Xerox et actuel DG de Shiva (services à domicile). Techniciens et commerciaux restés sur place travailleraient en direct avec la métropole du Nord – ce qui modifiait les processus et leurs habitudes – et les administratifs seraient licenciés. En se mettant à la place de ceux-ci, on a décidé de les garder dans les effectifs tant qu’ils n’auraient pas, avec notre appui, retrouvé un poste ailleurs. Du coup, on avait une idée de ce que nous allions leur dire et quoi leur proposer. »

DES CLÉS DE COMPRÉHENSION

Le Jour J, inutile de tourner autour du pot. « Pour faire passer une mesure radicale, il faut que ça frappe, les gens l’assimileront plus vite et cela décongestionnera les esprits : ils seront créatifs », observe Christophe Faurie, consultant-expert en conduite du changement*. Sans être brutal, il s’agit d’affronter l’équipe avec un style direct en n’éludant pas les écueils : « J’ai une annonce qui ne réjouira personne. Cette année, les partants ne seront pas remplacés… Cela ne sera pas facile ! ». L’argumentaire, vient dans un second temps, avec des éléments factuels autour du “pourquoi” (et non du “comment”), qui seront des clés de compréhension pour l’auditoire.

Ainsi, en janvier dernier, Daniel Brunet, Pdg de l’entreprise de BTP Genere (rénovation de l’habitat social, 75 salariés), est allé droit au but quand il a annoncé à son staff que la hausse de salaires diminuerait de moitié en 2015 (2 % au lieu de 4 %). « J’ai affiché la couleur. Puis j’ai rappelé que nous avions loupé trois appels d’offres, et que, pour remporter des marchés, il nous fallait réduire nos prix. Les sous-traitants acceptaient d’abaisser leurs tarifs de 5 %, nous devions nous aussi faire des efforts. » Il a juste accordé de petites concessions pour amadouer ses directeurs de travaux, très réticents : des augmentations améliorées pour les salariés les plus méritants, de prochaines missions plus valorisantes pour d’autres.

Car il s’agit de prévoir un espace de libre parole pour laisser s’exprimer les interrogations, les inquiétudes, voire les colères. Quitte à poser la première question : « Vous allez vous demander si… ». Il est bon de rappeler que l’équipe en a déjà vu d’autres, à telles occasions, puis de se déclarer disponible à toute réexplication. Le mieux est de circuler dans les bureaux ou de laisser sa porte ouverte. « Devant la perspective d’un déménagement qui leur complique la vie ou face à d’une fusion qui menace leur poste, certains préfèrent parler de leur situation personnelle seul à seul », constate Ricardo Croati.

REMETTRE L’ÉQUIPE EN MOUVEMENT

Une posture empathique du n + 1 devrait calmer leurs angoisses à 80 %. Toutefois, tranquilliser les âmes ne suffit pas, encore faut-il avoir abordé l’avenir en deux phrases dans son discours initial, afin de remettre l’équipe en mouvement. Jouer le pragmatisme est une bonne option : tracer des pistes d’actions et des étapes, sans imposer un plan trop rigide, et solliciter l’avis des collaborateurs sur les points que le n + 1 a la latitude d’arbitrer. Ils émettront des suggestions, débattront et se sentiront partie prenante de la suite. Le meilleur moyen d’obtenir l’adhésion !

* Auteur du Changement, ça s’apprend, Studyrama, juin 2013 et J’ai pensé à tout… et pourtant ça ne marche pas !, Kawa, août 2015.

LES CONSEILS DU COACH

GILLES DUFOUR

Coach et fondateur de Be & Lead

– 1 –

S’autoconvaincre et positiver

Le manager a intérêt à faire sur lui-même un travail de conviction, afin de se forger une opinion “globalement positive”, ce qui est fondamental pour convaincre les autres. Si vous n’y croyez pas un minimum, l’équipe décryptera les dissonances entre votre discours et votre gestuelle. Écrivez les avantages que peut retirer l’entité du nouveau contexte : l’exigence d’ingéniosité, l’abandon des routines etc.

– 2 –

Choisir le bon timing et le respecter

Pour une information sensible, du type plan social ou rachat, attendez l’autorisation de la DRH. Dans les autres cas, n’intervenez pas trop tard (ni trop tôt) pour éviter les rumeurs. Sauf si vous optez pour une tactique efficace : lancer des informations en “off”, avant d’officialiser un changement qui perturbera l’organisation. Questionnez, au self, à la machine à café : « J’ai entendu que… tu es au courant ». Les gens gambergeront, puis seront soulagés en réalisant que la nouvelle est moins pire que celle qu’ils avaient imaginée. Toutefois, ce passage par “radio-moquette” sera court, sinon, vous sèmerez la panique dans les rangs.

– 3 –

Scinder les nouvelles difficiles et assurer le SAV

La formule est adaptée si le coup est vraiment rude, une fusion par exemple. Car en annoncer tous les aspects d’un bloc assommerait les salariés. Dès lors, diffusez les informations par tranche, sur huit ou quinze jours, le temps pour vous de récolter des précisions sur le “comment”, le temps pour eux de se parler et de digérer. Évoquez l’incertitude de la date, du lieu, des retombées, puis fixez les choses peu à peu, jusqu’à la réduction d’effectifs qui se confirme dans le service. Communiquez sur ce qui avance au fur et à mesure et, surtout, rassurez : « Moi, je suis là ! ».

Auteur

  • MARIE-MADELEINE SÈVE