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L’enquête

Le pétrolier sanctuarise l’emploi ET LES AVANTAGES SOCIAUX DE SES FILIALES

L’enquête | publié le : 01.09.2015 | Laurent Poillot

Depuis 2013, le groupe a signé cinq accords consistant à imposer aux repreneurs de ses filiales de sécuriser l’emploi et de maintenir les garanties sociales au moins trois ans d’affilée. Aucun employeur n’a proposé mieux, selon les syndicats.

Chez Total, les cessions de filiale s’accompagnent depuis trois ans d’une négociation préalable sur la sécurisation des garanties sociales et de l’emploi que le groupe imposera à son repreneur durant trois années au minimum après le transfert des contrats. « Si la direction de la branche concernée ne la propose pas, une organisation syndicale se chargera de le lui demander », glisse un représentant syndical.

Depuis janvier 2013, cinq accords ont été signés(1). Pourtant, la direction de Total n’a pas répondu à nos demandes d’entretien. Selon les syndicats, les conditions de reprise sont d’autant moins remises en cause par les repreneurs que Total anticipe leurs modalités pour que le nouvel employeur garantisse le statu quo. Le coût est inclus dans la vente de la filiale. « L’accord que nous avons négocié est toujours intégré dans le contrat de cession », souligne François Pélégrina, le coordinateur CFDT du groupe.

Que prévoient les accords ? Que le repreneur s’interdit tout licenciement économique ou mobilité contrainte dans un délai d’au moins trois ans. Sur cette période, il garantit que la cession n’aura pas d’effet sur la convention collective, ni sur les accords collectifs en vigueur, de même que sur tous les usages, engagements unilatéraux et accords atypiques. On ne touche pas non plus à la rémunération : le repreneur peut appliquer son modèle, à condition qu’il assure aux salariés une rétribution au moins équivalente et que le système de prime et de part variable soit traité de la même manière.

Retours possibles

Dans les trois premiers mois de la cession, le repreneur a encore l’obligation d’ouvrir des négociations sur la participation et l’intéressement, la complémentaire santé, ainsi que sur les régimes de retraite et de prévoyance. Ils doivent être « a minima équivalents » aux précédents accords. Enfin, les salariés doivent avoir accès aux formations facilitant leur réorientation professionnelle. Ils ont aussi “une corde de rappel” dans le groupe : leur branche d’origine leur ouvre chaque année les postes de sa bourse d’emploi. Pour les ex-Totalgaz (500 salariés), ce sont au moins 20 postes par an durant trois ans qui ont été promis.

La CFDT revendique en grande partie ces mesures favorables discutées dès 2013, sitôt après avoir appris que Transport et Infrastructures Gaz France (TIGF) était à vendre : « C’est la première fois qu’on a pu anticiper la vente et agir sur l’éventuel repreneur », se félicite François Pélégrina. Il explique : « Voici près de vingt ans que la direction déclenche plans sociaux sur plans sociaux. En 2010, l’arrêt de la raffinerie des Flandres – près de 400 salariés –, près de Dunkerque, a provoqué un drame psychologique qui lui a servi de leçon. Elle a ensuite été plus ouverte à la discussion sur le maintien des emplois. » Pour la CGT aussi « c’était une première », mais pour d’autres raisons, qui ont alors motivé son refus de signer l’accord : « Total cédait une filiale rentable, proche de son cœur de métier, à un industriel qui avait à ses côtés des fonds souverains et des fonds de pension, explique Éric Fellini, le coordinateur CGT. L’accord de sécurisation avait été négocié en dehors de la procédure d’information-consultation, et la direction avait demandé aux salariés de renoncer à tout mouvement de protestation en contrepartie d’une prime de 2 000 euros. » Enveloppe correspondante : 1,5 million d’euros.

La CGT n’a pas non plus approuvé le projet Totalgaz : « Comme pour TIGF, on redoute un risque de restructuration », indique Éric Fellini. Dans les deux cas, il dit que « la négociation s’est faite au niveau des branches d’activité, sans contribution des organisations syndicales du groupe ».

Accompagnement social

Mais la CGT apporte parfois sa signature. Elle l’a fait pour Bostik et pour CCP Composites. « Les dossiers sont différents, objecte le syndicaliste. Le transfert des usines, qui ont leur fonctionnement propre, ne nous semblait pas menacer leur existence. » Quoi qu’il en soit, admet-il, « j’ai rarement vu des fusions où l’accompagnement social était aussi large ». Message transmis aux salariés des 903 filiales du groupe.

Le groupe Total a vendu Transport et Infrastructures Gaz France (TIGF) au consortium constitué d’EDF, de l’opérateur italien Snam et du fonds de l’État de Singapour GIC ; il a cédé Totalgaz à Antargaz (UGI), GPN (engrais azotés) à Borealis, Bostik à Arkema, et CCP Composites (résines composites) à Polynt.

Repères

Activité

Pétrole et gaz.

Effectif

92 855 salariés.

Chiffre d’affaires 2013

189,5 milliards d’euros.

Auteur

  • Laurent Poillot