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MOTIVER LES SENIORS, C’EST POSSIBLE !

Les clés | publié le : 25.08.2015 | Éric Delon

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MOTIVER LES SENIORS, C’EST POSSIBLE !

Crédit photo Éric Delon

GESTION D’ÉQUIPE. Même si les managers se défendent d’user de modes de management spécifiques pour leur population de seniors, certains d’entre eux mettent en œuvre diverses « approches ciblées » afin de maintenir leur motivation.

Vice-président en charge de la R & D de Mega International, éditeur de logiciels et société de conseils (340 salariés dans le monde), Philippe Bobo manage une équipe de 80 collaborateurs entre la France et le Maroc. « Je compte 20 % de seniors dans mon équipe, une proportion assez inhabituelle dans le monde des nouvelles technologies, où les opportunités sont nombreuses et où le turnover est particulièrement fréquent », précise-t-il. Selon ce manager chevronné, les années qui s’accumulent génèrent deux effets principaux sur ses collaborateurs seniors : « L’expérience acquise dans leur domaine de compétence les rend particulièrement efficaces. Ils possèdent une forte capacité à prioriser et à évaluer les risques, ce que peinent à réaliser mes profils juniors. En revanche, je constate une diminution de leur appétence pour la nouveauté qui se traduit, bien souvent, par un dédain des nouvelles techniques, qui, selon eux, « n’apportent rien et ne s’appliquent pas à eux ».

« Productivité en berne », « moindre adaptabilité », « obsolescence des compétences », « difficulté à se faire manager », « coûts croissants (salaires…) », « démotivation », les stéréotypes concernant la vie professionnelle des seniors ont la vie dure. De leur côté, expliquent les spécialistes, ces derniers éprouvent bien souvent un sentiment de fin de vie professionnelle en raison d’insatisfactions liées aux perceptions de politiques discriminatoires (taux d’accès à la formation en baisse par rapport aux autres “générations” de l’entreprise, moindre mobilité interne…). « Les seniors sont souvent frustrés, car ils ont l’impression de ne plus évoluer. Il est vrai que les entreprises ne leur proposent plus beaucoup de nouveaux projets. D’où un sentiment de routine qui s’installe », analyse Xavier Tedeschi, fondateur du cabinet Latitude RH.

MAINTENIR LE NIVEAU D’EXCELLENCE

Pour gérer sa population senior, Philippe Bobo s’est interdit de changer ses représentants de domaine d’exercice du simple fait de leur séniorité : « Faire un manager d’un bon technicien senior, c’est perdre la valeur de son expérience dans son expertise et lui imposer une situation pour laquelle il n’est pas forcément performant. » D’autre part, il continue à leur proposer des formations afin de maintenir leur niveau d’excellence. « C’est en restant au meilleur niveau qu’ils peuvent conserver leur statut de “sages” dont l’expérience est irremplaçable et profite aux juniors et à l’entreprise », plaide-t-il.

Même s’il se défend de mettre en place un management spécifique pour sa population senior (6 % des collaborateurs ont plus de 50 ans), Patrick Deyries, directeur du magasin Ikea d’Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais) leur confie des tâches de tutorat sur la base du volontariat. Concrètement, lorsque de nouveaux salariés intègrent le magasin (recrutement, intérim, stages…), les collaborateurs seniors sont chargés de leur transmettre, pendant deux à trois semaines, les us et coutumes (règles implicites et explicites) du magasin. « Cela facilite singulièrement l’intégration des nouveaux. Nos collègues seniors le vivent comme une récompense. Par rapport à leurs collègues trentenaires ou quadras, ils développent un plus fort sentiment d’appartenance vis-à-vis de l’entreprise. D’où leur enthousiasme pour ce mécanisme de transmission », explique Patrick Deyries. Par ailleurs, toutes les six semaines, dans le magasin, les managers rencontrent leurs collaborateurs pour un entretien formel, au cours duquel les différents sujets liés à leur activité sont abordés. « Pendant ces entretiens, nos managers sondent le degré de motivation et d’engagement de leurs collaborateurs. Cela contribue à fluidifier les relations, sachant qu’il n’est pas simple pour un jeune cadre de manager des populations plus âgées. »

Selon les spécialistes, il est difficile de mettre en place, au sein d’un service ou d’une direction, une politique “seniors” stricto sensu. D’une part pour éviter une certaine forme de stigmatisation. D’autre part parce que la population senior est, par nature, hétérogène : « Dans les entreprises, certains sont suractifs, motivés, toujours en quête d’apprentissage, n’aspirant pas du tout à une retraite prochaine, alors que des quadras peuvent être démotivés, amers par rapport à la politique RH de l’entreprise », analyse Corinne Aubert-Baudry, consultante à Demos (lire ci-contre).

CHALLENGES SUR MESURE

Directeur médical et éthique de Maisons de Famille, un groupe francilien qui gère une cinquantaine de résidences de retraite haut de gamme en France, en Espagne et en Italie, Éric Kariger s’efforce de proposer des challenges sur mesure à ses collaborateurs seniors. « Je repère parmi mes médecins coordinateurs ceux que je sens les plus aptes à s’investir dans la stratégie du groupe. Et je leur propose d’acquérir des diplômes en soin palliatif pour accroître leurs compétences et pour qu’ils se trouvent encore plus en phase avec le projet de l’entreprise et son développement. C’est du gagnant-gagnant ».

LES CONSEILS DU COACH

CORINNE AUBERT BAUDRY

Consultante chez Demos

– 1 –

Recueillir les souhaits des seniors

Il est important de connaître les motivations des seniors afin d’identifier la nature de leur possible (future) contribution. Cela passe par un entretien approfondi de leurs compétences, de leur expertise, de leur savoir-faire et de leur savoir-être. Il faut à tout prix leur faire prendre conscience qu’ils sont porteurs d’une expérience sur laquelle il est stratégique de capitaliser et de partager.

– 2 –

Apporter de la reconnaissance

Il faut toujours se situer dans le lien et dans la relation intuitu personae. Un senior va d’autant plus s’investir dans un nouveau challenge professionnel que vous lui aurez prouvé que vous croyez en lui en le formulant et en le formalisant de manière explicite auprès de lui.

– 3 –

Responsabiliser

La responsabilisation passe par des propositions concrètes d’apporter son regard sur des projets transverses, l’intégration de nouveaux collaborateurs, le transfert de savoir-faire. Bref, donner aux seniors un rôle particulier au sein de l’équipe, par exemple en tant que référent. Il peut être pertinent, par ailleurs, de les transférer dans une autre équipe, un autre département, ce qui témoignera de votre confiance en leurs capacités à “rebondir” ailleurs.

– 4 –

Rappeler les droits et les devoirs

Même si cela n’est pas toujours simple, il faut rappeler à son collaborateur senior qui manifesterait trop de démotivation, que s’il possède des droits, il a aussi des devoirs, et que l’on attend de lui la même contribution professionnelle que ses collègues. Sans en faire un motif de chantage, il faut lui rappeler que bon nombre de ses homologues sont en recherche d’emploi. Il faut définir avec lui un mode de fonctionnement et un contrat relationnel et lui rappeler qu’il a un rôle d’exemplarité (notamment vis-à-vis des plus jeunes) à jouer au sein de l’entité ou du service auquel il appartient.

Auteur

  • Éric Delon