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LE CDI INTÉRIMAIRE SUR LES RAILS

ZOOM | publié le : 14.07.2015 | Lydie Colders

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LE CDI INTÉRIMAIRE SUR LES RAILS

Crédit photo Lydie Colders

Un an après la mise en œuvre de l’accord de branche sur la sécurisation de l’emploi, les grandes enseignes du travail temporaire ont conclu environ 2 000 CDI dans leurs métiers les plus classiques. Mais des freins demeurent pour convaincre les intérimaires de s’engager à durée indéterminée.

Quel premier bilan tirer de l’accord de branche de l’intérim sur la sécurisation de l’emploi, et notamment de sa mesure phare, la création d’un CDI pour les intérimaires ? Un an après son entrée en application, le 6 mars 2014, le dispositif décolle enfin. Surtout dans les grands groupes (Adecco, Manpower, Randstad), qui ont soutenu la création du CDI intérimaire afin d’échapper à la hausse des cotisations sociales sur les contrats courts, actée dans l’ANI sur la sécurisation de l’emploi.

Fin mai 2015, à eux seuls, les trois poids lourds du secteur ont conclu 2 000 CDI avec leurs intérimaires : 900 chez Adecco, 600 chez Randstad et 500 chez Manpower. « Il a fallu du temps pour mobiliser notre réseau d’agences, nos clients et nos intérimaires. Mais, actuellement, on signe 100 CDI par mois », se félicite Jean-François Denoy, directeur général de Manpower. La société a embauché six salariés au siège pour gérer l’administration des CDI intérimaires en appui de ses 700 agences, où ils sont signés en fonction des besoins dans les bassins d’emploi.

À la fin de l’accord, en 2017, les trois leaders espèrent atteindre 12 000 intérimaires en CDI. Des prévisions toutefois inférieures aux objectifs de 20 000 CDI intérimaires fixés par la branche. « Le problème est que les PME de l’intérim ne se sentent pas concernées : elles estiment ne pas avoir les capacités à programmer des missions à long terme pour conclure des CDI intérimaires », pointe Michel Davril, président CFE-CGC du Syndicat national du travail temporaire (SNTT). Malgré cette réserve, la profession affiche son optimisme. Pour François Roux, délégué général de Prism’emploi, « le CDI pour les intérimaires a bel et bien trouvé son modèle économique ».

UNE MAIN-D’œUVRE FIDÉLISÉE

Pour déployer le dispositif, les agences ont sensibilisé leurs clients à l’intérêt de disposer d’une main-d’œuvre fidélisée. « Nous nous adressons aux entreprises intéressées par l’idée d’optimiser leur recours à l’intérim, dans l’objectif de limiter le turnover ou de disposer d’un vivier de compétences fidélisé dans des métiers en pénurie », explique Martin Vitkine, directeur national du CDI intérimaire à Adecco France. Dans cette stratégie adoptée également par Manpower, il n’est donc guère étonnant de retrouver parmi les 2 000 CDI les profils les plus courus dans l’intérim : opérateurs ou magasiniers à Adecco, agents de fabrication, préparateurs de commandes ; ouvriers du BTP à Manpower. Si sécurisation il y a, en revanche « l’accord ne crée pas d’emploi. Les embauches en CDI profitent en priorité aux intérimaires qui travaillent déjà beaucoup, explique Agnès Cros, présidente CFTC du SNTT. Ceci dit, le CDI leur apporte une stabilité pour obtenir un emprunt ou un logement. »

LIMITER LES RISQUES D’INTERMISSION

À Manpower, les 500 CDI concernent des intérimaires ayant en moyenne deux ans et demi d’ancienneté. À Randstad, les 600 CDI travaillaient déjà en moyenne huit mois sur douze au sein du réseau. Pour maîtriser les coûts, les entreprises de travail temporaire cherchent à limiter au maximum les périodes non travaillées, financées par le Fonds de sécurisation des parcours des intérimaires (FSPI) auquel elles cotisent(1). D’où la tendance à prioriser les intérimaires les plus opérationnels et non les plus précaires, comme le regrette la CGT. « Nous devons être capables de proposer des missions sur le long terme et de limiter les risques d’intermission. Le CDI s’adresse à des intérimaires motivés, déjà évalués en agence et testés auprès des clients », justifie François Béharel, président de Randstad France. Il estime néanmoins que le dispositif constitue une avancée sociale : « 82 % de nos CDI sont des ouvriers peu qualifiés. Dans le contexte actuel où la majorité des recrutements s’effectue en CDD, le CDI intérimaire représente une opportunité pour ces populations. »

Cibler les intérimaires les plus courtisés rencontre toutefois des limites : « Ce n’est pas facile de les recruter. La moitié de nos intérimaires approchés ont refusé de signer un CDI. Ils préfèrent conserver la liberté de choisir leurs missions et de gérer leur temps libre », constate François Béharel. Même bilan pour Adecco, qui enregistre un nombre massif de refus, motivés en partie par la perte des indemnités de fin de mission de 10 %. En outre, les conditions de l’accord de branche sont plutôt contraignantes : obligation d’accepter toute mission en lien avec l’emploi occupé (même moins rémunérée, dans la limite de 70 % du salaire de la précédente mission), et ce dans un rayon de 50 kilomètres du domicile. « Pour certains intérimaires, les inconnues de l’intermission sont un frein. Ne pas savoir dans quelle entreprise ils vont être délégués ni dans quels délais ne les incite pas à pencher pour le CDI », avoue Agnès Cros.

Quoi qu’il en soit, la profession souhaite aujourd’hui entrer dans une logique RH à plus long terme : « Nos agences doivent anticiper beaucoup plus en amont la prochaine mission. On s’y prend plusieurs semaines à l’avance pour un CDI contre quinze jours dans l’intérim classique », explique Nicolas Smeets, directeur support aux opérations chez Manpower. Reste que l’équilibre est fragile, puisque rien n’oblige les entreprises utilisatrices à s’engager sur des missions plus longues. Le suivi de leur parcours va également devenir un enjeu crucial. « Nous ne voulons pas de cassure dans les missions. Il va falloir accompagner de près nos intérimaires en CDI, prévoir de les former pour développer leurs compétences », avance Martin Vitkine. Adecco a instauré un suivi trimestriel en agence pour ses 900 intérimaires en CDI. Reste à voir, dans un secteur sensible à la conjoncture, si la profession réussit à pérenniser ses embauches dans la durée.

1) Les sociétés de la branche versent 10 % des salaires perçus par les intérimaires en CDI et une cotisation de 0,5 % de la masse salariale au FSPI créé par l’accord. Les 10 % servent à financer les périodes d’intermission, à hauteur du smic minimum selon la catégorie des intérimaires.

Auteur

  • Lydie Colders