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SIRH : LE CLOUD REDONNE DU POUVOIR aux DRH

L’enquête | publié le : 30.06.2015 | HÉLÈNE TRUFFAUT

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SIRH : LE CLOUD REDONNE DU POUVOIR aux DRH

Crédit photo HÉLÈNE TRUFFAUT

Le SaaS, l’un des pans du “nuage”, permet à la fonction RH de mieux maîtriser son budget tout en s’émancipant de la DSI. Avec des délais de déploiement raccourcis et des mises à jour régulières. Des avantages qui reposent sur une mutualisation des solutions, dont la nouvelle génération promet, via des données unifiées, une vision à 360° du déroulement de carrière des collaborateurs.

Du 6 au 10 juillet aura lieu la Cloud Week Paris, une semaine d’événements organisés par l’association EuroCloud France pour promouvoir le cloud computing (lire l’encadré ci-contre) et en expliquer les enjeux. Un raout destiné aux DSI ? Certes. Mais l’éditeur Oracle y animera aussi une conférence sur le thème : comment la transformation digitale positionne les RH en acteur stratégique de l’entreprise ?

Ce qui est sûr, c’est que la très poétique “informatique dans le nuage”, et plus précisément son volet SaaS, fait les yeux doux à la fonction ressources humaines… Qui se montre de plus en plus sensible à ses attraits. Une étude Markess(1) montre ainsi la progression de la notoriété du mode SaaS auprès des décideurs RH, un terme dont 58 % se déclarent « tout à fait familier » en 2014, alors qu’ils n’étaient que 22 % dans ce cas en 2011.

AUGMENTATION DE L’OFFRE

Emmené par Salesforce (gestion de la relation client), le SaaS a décollé il y a une quinzaine d’années. « Il a émergé dans les ressources humaines il y a cinq ou six ans et affiche aujourd’hui une croissance musclée de 25 % par an », affirme Pascal Nicaud, directeur associé de Solucom, cabinet de conseil en management et systèmes d’information.

Le modèle a d’abord ciblé les processus les plus récents liés à la gestion des talents, les éditeurs RH “historiques” occupant largement le terrain sur la paie, la gestion administrative et la gestion des temps. « Quasiment tous les acteurs qui commercialisaient leur offre en mode licence proposent maintenant aussi une commercialisation en mode SaaS ou ont opté pour ce modèle », observe Claire-Marie de Vulliod, analyste senior SIRH au CXP (cabinet d’études et de conseil). Même les grands éditeurs de progiciels de gestion intégrés (PGI) comme SAP et Oracle ont pris le virage à coup de rachat de “pure players” du cloud, dont SuccessFactors en 2011 pour le premier, et Taleo en 2012 pour le second.

De fait, les solutions SaaS couvrent désormais l’ensemble des processus RH, la paie étant toutefois exclue du périmètre fonctionnel des solutions intégrées. « Même si elles l’externalisent, les entreprises veulent garder la main sur la paie. Il y a les freins de la confidentialité des données et des spécificités locales dans un cadre international », explique Philippe Pauwels, directeur associé d’Althéa Groupe (conseil en RH et SIRH).

En 2014, la gestion des entretiens annuels, des objectifs et des performances arrivait en tête des processus RH gérés en mode SaaS, selon Markess (voir le graphique ci-après). Le cabinet d’études estimant que, d’ici à 2016, les projets SaaS « devraient surtout être tirés par la gestion des processus considérés comme stratégiques […] tels que ceux liés à la gestion des talents ».

Mais qu’est-ce qui attire les DRH dans le cloud ? Pour Pascal Nicaud, le “big is beautiful” incarné par les PGI a vécu : « Les clients en ont eu assez de se retrouver pieds et poings liés à un éditeur, avec des additions salées pour la licence, l’intégration et la maintenance de logiciels ayant réponse à tout – quand tout n’est pas forcément utile. »

BAISSE DES DÉPENSES D’INVESTISSEMENT

Comme l’explique Philippe Pauwels, « le SaaS est d’abord un modèle financier » : on paie un service sur tel ou tel périmètre fonctionnel, facturé selon différentes clés (nombre et type de dossiers gérés, durée de l’engagement, modèle de support, nombre de langues…). Chez Workday, par exemple, la souscription annuelle est fonction du nombre de salariés de l’entreprise. « Avec un coût fixe sur trois ans, une durée optimale pour une bonne visibilité », assure Thierry Mathoulin, directeur France de l’éditeur américain (925 clients dans le monde). L’intérêt est de faire baisser le Capex (dépenses d’investissement).

« L’offreur de service s’occupe de tout, poursuit Philippe Pauwels. C’est, par essence, du mode hébergé. Et la grande particularité du “vrai SaaS” par rapport aux logiciels on premises [installés sur les serveurs de l’entreprise, NDLR], c’est que, s’il est paramétrable, il ne permet pas de développement spécifique. Tous les clients partagent le même code, ce qui garantit sa qualité. » Une mutualisation qui fait baisser les coûts tout en leur faisant bénéficier, de manière régulière, de versions actualisées (incluses dans le prix), reposant sur les meilleures pratiques des uns et des autres. L’entreprise pouvant accepter, ou pas, les mises à jour. Un aspect qui a particulièrement séduit Saint-Gobain, maintenant équipé de la plate-forme CornerStone OnDemand pour la gestion de son processus de formation

Évidemment, se fondre dans ce cadre collectif peut nécessiter quelques ajustements de pratiques. Lesquelles ne vont pas toujours de soi, comme en témoigne la SNCF, qui a adopté Talentsoft (lire p. 23). La DRH devra donc s’interroger sur le fonctionnement de ses processus et, le cas échéant, réfléchir à la façon de les simplifier. En contrepartie, elle peut redevenir maîtresse de son budget. Et se libérer, dans une certaine mesure, de l’emprise de la DSI. Chez Alstom, la responsable SIRH a repris radicalement en main la solution d’e-talent jusqu’alors boudée par les utilisateurs (lire p. 22).

DÉVELOPPEMENT RAPIDE

Autres particularités du SaaS : sa rapidité de déploiement, avec la possibilité de tester facilement la solution en amont. L’implémentation est réalisée en quelques mois. Y compris à l’international, avec l’avantage de proposer aux différentes filiales un processus convergent qui leur permet de conserver un peu d’autonomie.

Accessibles à distance, modulables et dotées d’interfaces conviviales calquées sur les applications grand public (chez Workday, les salariés peuvent joindre leur profil LinkedIn à leurs données personnelles), les nouvelles générations de solutions permettent surtout de mettre à la disposition de tous les acteurs RH une vision à 360° du “parcours collaborateur” dans l’entreprise. Avec un « outillage simple des processus » qui, explique Gérard Duval, vice-président Europe en charge des opérations de l’éditeur Technomedia, « facilite une redistribution des rôles entre DRH, managers et collaborateurs ». Les premiers disposant, en central, de données fiables et consolidées sur tous les processus de gestion des talents.

UNE BASE DE DONNÉES GROUPE

« Les entreprises implantées à l’international ont un intérêt croissant à disposer d’une base de données groupe pour construire des tableaux de bord sur les effectifs et la masse salariale et servir de support aux autres processus RH comme la mobilité, l’organisation en mode projet, etc. », convient Philippe Pauwels. Johnson Controls peut en témoigner (lire p. 21).

De quoi doper le pilotage des RH, d’autant que, big data oblige, les éditeurs complètent leur offre par des outils analytiques de plus en plus poussés. « Les retours de nos clients sont très positifs, affirme Thierry Mathoulin. La solution Workday est considérée comme une vitrine de la DRH, qui devient, de fait, un acteur majeur de la transformation numérique de l’entreprise. Ce qui affermit sa position dans l’organisation sur un enjeu crucial aujourd’hui. » Un argument de vente massue…

H. T.

(1) “Solutions de gestion des RH et du capital humain en mode SaaS/Cloud, atouts et clés de succès, référentiel de pratique 2014-2016”. <www.markess.com>.

Les SIRH se (re)structurent

Aujourd’hui, les solutions SaaS attirent de plus en plus d’entreprises de taille intermédiaire (ETI), confirment les éditeurs. Et les TME et PME trouvent également sur le marché une offre cloud répondant à des besoins ciblés (lire l’encadré p. 22).

Dans les organisations “early adopters” du SaaS, l’heure est plutôt à la rationalisation du SIRH, certaines étant confrontées à un patchwork applicatif : « C’est notamment lié à la façon dont les offres se sont constituées dans le temps, considère Philippe Pauwels, directeur associé d’Althéa Groupe. À l’origine, elles ne couvraient pas tous les processus, comme le font aujourd’hui les grands acteurs du marché. Des DRH ont, par exemple, outillé le recrutement avec un outil dédié, tandis que leur service formation optait pour sa propre solution, etc. » Du coup, « certaines entreprises choisissent d’abandonner des applications pour globaliser leur GRH dans un seul outil ; d’autres mettent en place un “core RH”, point d’entrée unique pour tous les outils spécifiques qu’elles souhaitent conserver. Ce qui pose alors un problème de gestion des interfaces. Quoi qu’il en soit, après une phase d’équipement, on est maintenant dans une phase de synthèse ».

Le cloud : des ressources informatiques à la demande

Markess définit le cloud computing comme « l’accès à des ressources informatiques via le réseau et à la demande, qu’il s’agisse d’infrastructure (infrastructure as a service ou IaaS), de plates-formes applicatives ou d’environnements de développement (platform as a service ou PaaS) ou encore d’applications ou services applicatifs (software as a service ou SaaS) ».

Ces offres peuvent être proposées dans des clouds publics (service partagé et mutualisé entre de nombreux clients), privés (cloud dédié à un client) ou hybrides (combinaison des modèles public et privé).

L’AVIS D’UN DRH
ROLAND KARSENTY : DRH DES OPÉRATIONS EUROPE ET AFRIQUE, JOHNSON CONTROLS, DIVISION BUILDING EFFICIENCY

Nous sommes un groupe multi-industries* de 170 000 salariés dans 150 pays. La fonction RH y était très administrative, avec une organisation en silos et par pays, une qualité de service controversée et des coûts d’infrastructure croissants.

Nous avons donc engagé, en 2013, un chantier global de transformation RH pour accroître notre efficacité opérationnelle, disposer de centres d’expertise et devenir un véritable “business partner” pour l’entreprise. Nous avons aligné les processus et développé un modèle d’opération global sur le principe des centres de services partagés, avant de rechercher la meilleure plate-forme technologique pour supporter cette transformation. Nous voulions du “vrai SaaS”, et nous avons choisi Workday, qui nous permet de disposer d’une base de données RH mondiale, un “core RH” à partir duquel sont gérées, de manière intégrée, toutes les données et actions concernant les salariés. Par ailleurs, l’outil pouvait s’interfacer avec nos systèmes de paie et de gestion des temps et activités. Nous avons commencé le déploiement par les États-Unis, le Canada et le Mexique, soit 40 % à 45 % des effectifs. Sur les quatre derniers trimestres, le système a enregistré 1,3 million de transactions, sans rupture de service. Le déploiement se poursuit sur l’Europe et l’Asie.

Nous n’avons pas eu de surprise au niveau des coûts, mais le marché n’étant pas encore mature, les prix contractuels sont très variables. Il faut savoir les négocier. Par ailleurs, ces projets nécessitent un fort accompagnement du changement, car beaucoup de transactions sont en libre-service.

Ceci étant, nous disposons maintenant, en un clic, de tableaux de bord qui éclairent et accélère la prise de décision. Et je pense à 200 % qu’avec les solutions de type cloud, les DRH disposent d’un moyen très puissant pour penser “fonctionnel” sans s’embarrasser de la partie informatique et répondre avec agilité aux nouvelles problématiques des organisations – sur lesquelles ils se doivent d’être leaders : management plus collaboratif, digitalisation des modèles business, big data, etc. Une logique qui nécessite aussi d’être technophile !

* Optimisation énergétique des immeubles et dans l’industrie, fabrication de batteries et de produits pour l’habitacle des véhicules.

Les PME sur un petit nuage

Les grands groupes ne sont pas les seuls à “franchir le SaaS pour aller dans le nuage”. Lucca, éditeur de solutions de gestion des RH en SaaS, cible en priorité les entreprises de 50 à 500 salariés, et affichait en 2014 un taux de croissance de 25 %. Il faut dire que l’entreprise compte parmi ses clients nombre d’acteurs de la nouvelle économie déjà adeptes du cloud. Selon le Pdg Gilles Satgé, le passage à une offre à 100 % SaaS en 2009 a “boosté” la croissance de son activité : « Nous avons augmenté la qualité de service tout en réduisant considérablement le temps de déploiement de nos solutions. Quand on leur annonce qu’ils peuvent être implémentés en une semaine, nos prospects sont plutôt agréablement surpris. »

Pour le patron de Lucca, les entreprises du midmarket n’ont pas besoin de logiciels « usine à gaz » mais plutôt de « solutions simples pour des besoins précis ». « Les clients apprécient par-dessus tout de pouvoir bénéficier de technologies toujours à jour, dont le déploiement et la maintenance n’impliquent pas leur service informatique », souligne-t-il. Une logique toute différente de celle des SIRH. Chaque application de la suite en ligne peut ainsi être utilisée seule ou couplée aux autres modules. Autour de la plate-forme de gestion des congés Figgo, Lucca propose un logiciel de gestion des notes de frais, Cleemy, une solution de dématérialisation des fiches de paie, Pagga, et de gestion administrative des dossiers RH avec le module Poplee. Des solutions à tarif attractif : dans une entreprise de 100 personnes, Figgo est facturé 2 euros par utilisateur et par mois.

Auteur

  • HÉLÈNE TRUFFAUT