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LA SEMAINE

LA FORMATION N’EST PAS UNE PRIORITÉ STRATÉGIQUE

LA SEMAINE | publié le : 30.06.2015 | Laurent Gérard

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LA FORMATION N’EST PAS UNE PRIORITÉ STRATÉGIQUE

Crédit photo Laurent Gérard

Seuls un tiers des salariés formés jugent la formation très utile, et son administration reste la priorité n° 1 des DRH au détriment de son évaluation, constate le Baromètre Cegos de la formation professionnelle en Europe.

« Le constat est amer : stratégie et politique de formation peinent à prendre de la hauteur dans les entreprises », reconnaît José Montes, président du groupe Cegos qui, le 23 juin, a dévoilé les résultats de son baromètre annuel de la formation professionnelle en Europe. Pour cette édition 2015, 600 directeurs des ressources humaines et responsables de formation (RF) et 2 500 salariés ont été interrogés en avril et mai, dans cinq pays (France, Allemagne, Espagne, Grande-Bretagne et Italie) au sein d’entreprises du secteur privé. Ce panel a deux particularités : seuls des salariés bénéficiaires d’une action de formation ont été interrogés, et toutes les entreprises emploient plus de 50 salariés. Les non-formés et les TPE ne s’expriment donc pas dans ce sondage. L’absence de ces deux populations pas ou peu actives en termes de formation aurait pu dessiner un paysage plus radieux. C’est exactement le contraire : une succession de désillusions.

Une gestion à améliorer.

L’amélioration nécessaire de l’administration de la formation est pointée comme la priorité n° 1 des DRH et RF européens (45 %). Sur cette question, les Français sont dans la foulée à 40 %. Mathilde Bourdat, experte Cegos du management de la formation, reconnaît être très étonnée de cette réponse, alors que la thématique avait beaucoup chuté les années précédentes et que la fin d’une large part des logiques fiscales donne une liberté de financement et de gestion aux entreprises. « L’attention des DRH et RF se concentre sur le volet purement administratif de la formation : 27 % seulement des DRH et RF européens placent en première priorité le renforcement du lien entre la politique de formation et la stratégie de l’entreprise. Cela tombe même à 20 % pour les DRH et RF français, la valeur la plus basse observée dans l’étude », commente-t-elle.

Évaluation des acquis en baisse.

L’évaluation et la mesure du retour sur investissement de la formation sont citées en dernière position ! Et près du tiers des répondants disent même que « ce n’est pas une priorité ». Illustration : en 2011, 43 % des salariés étaient « systématiquement sollicités pour donner un avis sur leur degré de satisfaction », ce taux tombe à 39 % en 2015. Les baisses sont plus importantes encore pour « l’évaluation des acquis » et « la mise en application ». En comparaison européenne, la France est là encore en dernière position sur cette question de l’évaluation ! La fin du 0,9 %, le discours sur l’investissement en formation, entre autres, laissaient pourtant présager d’autres pratiques et d’autres espérances.

Les salariés se sentent clairement peu accompagnés par leur hiérarchie dans leurs formations, et le fossé entre eux et les DRH et RF se creuse sur ce point. Ainsi, seuls 22 % des salariés disent être « systématiquement » accompagnés par leurs managers avant la formation pour en préciser les objectifs, et 18 % seulement au retour pour décider d’un plan de mise en œuvre des connaissances acquises. Les écarts sont respectivement de 28 et 25 points avec les réponses positives des DRH et RF !

Ce manque d’accompagnement peut expliquer le fait que seuls 37 % des salariés français comme européens jugent « très utiles » les formations suivies.

Optimisme prudent et déception.

Comment, dans ces conditions, est perçue la réforme de la formation ? On observe comme une inversion des tendances : optimisme prudent chez les DRH, déception chez les salariés.

Pour les DRH, la réforme va développer la formation interne (48 %), la digitalisation de la formation (33 %) et réduire les dépenses (32 %). Très étonnamment, en France, une très grande majorité (9/10) des DRH et RF déclare avoir l’intention de compléter « systématiquement » (27 %) ou « dans certains cas » (60 %) le financement du compte personnel de formation pour les coûts qui ne seraient pas pris en charge par l’Opca. Et ce sont quasiment les mêmes pourcentages (23 % et 58 %) qui ont l’intention d’abonder les heures de compte personnel de formation (CPF).

Un important travail de pédagogie.

Problème : les salariés sont aujourd’hui bien moins convaincus que les DRH et RF des effets concrets du CPF. Seuls 23 % d’entre eux estiment que le CPF sera « très certainement » un levier de qualification dans l’entreprise, contre 42 % des DRH. Pire, une minorité de salariés (15 %) croit que le CPF sera relayé et soutenu par l’entreprise, contre 44 % des DRH et RF. « Comme l’an dernier, ce sont les moins diplômés qui se montrent les plus pessimistes sur les effets de la réforme sur leur qualification ou leur employabilité. La réforme ne semble donc toujours pas avoir trouvé ses publics prioritaires. L’ensemble des acteurs, et en premier lieu l’entreprise, doit encore faire un important un travail de pédagogie. D’ailleurs, la première source d’information des salariés sur le compte personnel de formation reste les médias (77 %), très loin devant l’entreprise elle-même ! », constate Éric Segonds, manager du pôle d’expertise formation chez Cegos.

Conséquences : de moins en moins de salariés français sont prêts à se former hors temps de travail : 51 % en 2015 contre 69 % en 2011. Et ils sont encore moins prêts à cofinancer la formation : 24 % en 2015 contre 45 % en 2011.

Le présentiel recule

Déjà observé lors des dernières éditions du baromètre, le lent recul (– 4 points) de la formation présentielle (en salle et en groupe avec un formateur ou sous forme d’accompagnement individuel) se confirme : 87 % des salariés formés en 2015 ont suivi cette modalité pédagogique contre 91 % en 2011. Parallèlement, les formations à distance, en ligne et virtuelle concernent 49 % des formés en 2015 contre 44 % en 2011.

« Tous les pays sont maintenant engagés dans une démarche de digitalisation de leur formation, analyse Éric Segonds, manager du pôle d’expertise formation chez Cegos. Mais les écarts entre pays sont significatifs, et la France demeure en retrait sur les modalités autres que le présentiel. » Ainsi, 65 % des salariés espagnols disent avoir bénéficié d’une formation à distance en ligne, contre 29 % seulement des Français. De même, 46 % des Anglais ont bénéficié d’un accompagnement individuel (tutorat, coaching), contre 26 % des Français, « mais ce dernier chiffre est toutefois en progression de 13 points comparativement à 2011 », précise Éric Segonds.

Auteur

  • Laurent Gérard