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Chronique

DU CÔTÉ DE LA RECHERCHE

Chronique | publié le : 30.06.2015 | DENIS MONNEUSE

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DU CÔTÉ DE LA RECHERCHE

Crédit photo DENIS MONNEUSE

L’habit fait le moine

Je me souviens du responsable RH d’un centre d’appels qui attachait une importance toute particulière à la tenue des téléopérateurs. Ceux-ci avaient beau n’avoir aucun contact visuel avec les clients qu’ils démarchaient, ils étaient appelés à se présenter au travail dans une tenue impeccable.

« Le sourire au téléphone, ça s’entend, déclarait ce responsable, mais je suis sûr que si l’on est rasé de près ou pas rasé depuis trois jours, cela s’entend aussi. »

Les téléopérateurs prenaient toutefois son exigence pour une lubie. Le fait de pouvoir travailler en jean, mal rasé et coiffé à sa guise faisait partie, selon eux, de leurs avantages acquis. Il s’agissait de compenser un travail lassant et guère épanouissant.

Un article, pompeusement intitulé “Les conséquences cognitives d’une tenue vestimentaire formelle”, écrit par chercheurs des universités de Columbia et de Californie (dont on doute qu’ils étaient en tenue débraillée au moment de la rédaction), vient cependant donner raison à notre RRH(1). Michael Slepian, Simon Ferber, Joshua Gold et Abraham Rutchick ont mené une série de cinq expérimentations pour mesurer l’impact de l’habillement sur le mode de pensée.

Concrètement, ils faisaient passer des tests à des étudiants dont certains étaient habillés “normalement” (c’est-à-dire en jean et en baskets) et dont les autres étaient habillés comme s’ils devaient passer un entretien d’embauche.

Il en ressort que le simple fait de porter des vêtements formels (comprenez : un costume pour monsieur et un tailleur pour madame) donne un sentiment de puissance. On se sent ainsi plus confiant, davantage capable d’affronter des tâches à forte responsabilité.

Le costume a aussi une incidence sur notre vision du monde : il pousse à voir les choses dans leur globalité, sur le long terme, selon une approche abstraite et théorique. En revanche, les petits détails, eux, sont moins pris en compte. C’est ainsi que les salariés costumés auraient tendance à plus penser à investir sur le long terme que la moyenne ou bien à mettre de l’argent de côté.

Une autre étude, plus ancienne, montre qu’il n’existe pas seulement un effet costume mais aussi un effet blouse : suivant que l’on se voit remettre une blouse identifiée à celle d’un médecin ou à celle d’un peintre en bâtiment, le comportement adopté est différent(2).

On regrettera au passage qu’aucune expérimentation n’ait été effectuée auprès de personnes nues : cela aurait pourtant certainement une incidence sur notre façon de penser et de travailler… ou bien de se laisser déconcentrer.

Conclusion : les DRH seraient inspirés de réfléchir davantage sur les tenues attendues ainsi que sur les uniformes imposés aux salariés : sont-ils bien adaptés aux exigences demandées ? Ne faudrait-il pas un dress code particulier pour chaque métier ? Voilà de quoi renouveler les thèmes du dialogue social ! D’ailleurs, les partenaires sociaux ne devraient-ils pas s’habiller de la même manière pour mieux s’entendre ? Le Medef et la CGT se comprendront sans doute mieux quand M. Gattaz troquera son costume contre la moustache de M. Martinez !

1) Michael L. Slepian, Simon N. Ferber, Joshua M. Gold et Abraham M. Rutchick, “The Cognitive Consequences of Formal Clothing”, Social Psychological and Personality Science, mars 2015.

2) Hajo Adam et Adam D. Galinsky, “Enclothed cognition”, Journal of Experimental Social Psychology, juillet 2012, vol. 48, n° 4.

Auteur

  • DENIS MONNEUSE