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LES DRH JUGENT LES RÉFORMES

L’enquête | publié le : 23.06.2015 |

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LES DRH JUGENT LES RÉFORMES

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Baromètres de l’efficacité des politiques publiques, les DRH plébiscitent les ruptures conventionnelles, mettent enfin en place le rapport de situation comparée hommes-femmes (RSC), prennent la mesure des risques psychosociaux (RPS) et valident les baisses de charges du pacte de responsabilité. A contrario, le contrat de génération, le compte pénibilité restent au point mort et la hausse du quota d’alternants est envoyée aux oubliettes.

ÉGALITE PROFESSIONNELLE : LE RSC EN VOIE DE GÉNÉRALISATION

La proportion d’entreprises disposant ou rédigeant un rapport de situation comparée (RSC) reste à peu près la même que l’année dernière (70 %). Elle progresse dans les entreprises de taille intermédiaire (500 à 1 000 salariés) mais reste stable dans les grandes entreprises, qui sont déjà matures sur le sujet. La systématisation des contrôles des accords ou des plans d’action, depuis 2013, ajoutée à la menace de sanctions financières, semblent donc avoir convaincu les entreprises de se mettre aussi en conformité sur le rapport de situation comparée, obligatoire dans celles employant plus de 300 salariés.

Les actions mises en place par les entreprises concernent d’abord l’équité salariale (53 %), loin devant l’équilibre des temps de vie, le recrutement et la mixité (40 % à chaque fois). La promotion de l’encadrement (28 %) et la lutte contre les stéréotypes viennent ensuite (22 %).

LA RUPTURE CONVENTIONNELLE S’IMPOSE

La “popularité” de la rupture conventionnelle ne se dément pas d’un baromètre Défis RH à l’autre. Malgré le durcissement des conditions de la rupture pour les salariés (hausse des prélèvements sur les indemnités de rupture et allongement de la durée de carence pour percevoir l’allocation-chômage) et pour les employeurs (durcissement des conditions de transaction), celle-ci reste utilisée par huit entreprises sur dix. Et cette modalité de séparation représente 19 % des départs en moyenne.

À en croire les DRH, l’entreprise n’est que rarement à l’origine de la rupture (13 %). Le salarié serait à l’initiative dans 34 % des cas et, dans un cas sur deux, les deux parties seraient d’accord pour rompre. Pour Jean-Paul Charlez, président de l’ANDRH et DGRH d’Etam : « La rupture conventionnelle correspond au 21e siècle, où le divorce pour faute a été remplacé par le consentement mutuel. »

RPS : LE SUJET EST SOUS CONTRÔLE

Au fil des baromètres Défis RH, il se confirme que les entreprises abordent majoritairement (47 %) les risques psychosociaux (RPS) sous l’angle de la prévention et de la qualité de vie au travail. Ceci les conduit le plus souvent (78 %) à privilégier les actions visant à éliminer ou à réduire les sources de stress : organisation du travail, télétravail, espaces de travail, accompagnement du changement… De préférence (58 %) aux actions de gestion du stress ou à celles de gestion de crise (54 %). « La plupart des entreprises s’occupent maintenant d’indicateurs et de prévention ; c’est un sujet sous contrôle », analyse Luc Vidal, directeur général adjoint d’Inergie-groupe Obea, en charge du pôle opinion.

EMPLOI DES SENIORS : DE PIRE EN PIRE

Les politiques publiques pour améliorer l’emploi des seniors n’y font rien : le nombre de demandeurs d’emploi âgés de plus de 50 ans a progressé de 8,7 % entre avril 2014 et avril 2015 (Dares, juin 2015). Notre enquête Défis RH 2015 apporte quelques explications : les entreprises sont de moins en moins nombreuses (18 % ; - 15 points par rapport à 2012) à recruter des seniors (+ 50 ans) de manière significative (+ de 5 % des recrutements) et, dans le même temps, elles sont de plus en plus nombreuses à s’en défaire (46 % ; + 22 points par rapport à 2012). Autrement dit, « les seniors restent une variable d’ajustement des effectifs dans un contexte de dégradation du marché du travail », constate Rodolphe Delacroix, directeur de la practice conduite du changement chez Towers Watson. La situation s’est même dégradée à partir de 2012, ce qui « invalide la logique des contrats de génération », mis en place à partir de 2013, explique l’auteur de Si senior ! Travailler plus longtemps en entreprise, c’est possible (éd. Lignes de repères, 2012). Notre sondage révèle que 48 % des entreprises continuent de recourir aux préretraites, malgré leur renchérissement : 19 % d’entre elles pratiquent des dispenses d’activité ou des congés de fin de carrières ; 18 % des retraites progressives dont le temps partiel est compensé, et 11 % utilisent des préretraites publiques (cessation anticipée d’activité, carrières longues). Elles sont moins nombreuses (41 %) à avoir mis en place un aménagement du temps de travail (horaires, télétravail, changement de poste). « Les entreprises préfèrent financer l’inactivité des seniors », explique Rodolphe Delacroix.

Pour ce dernier, ce sont toutes les politiques – publiques, de branche et d’entreprise – qu’il faut revoir. Il faudrait, à l’instar de ce que font les pays du Nord, sensibiliser très tôt les salariés et les employeurs, mettre l’accent sur la formation et adapter les politiques de rémunération, encore trop dépendantes de l’ancienneté.

PACTE DE RESPONSABILITÉ : LES BAISSES DE CHARGES SE FONT SENTIR

Un tiers des DRH interrogés dans notre baromètre déclarent que les baisses de charges et le crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE), intervenus en 2014 et 2015, se font sentir de manière significative. À noter que cette proportion est beaucoup plus importante dans le commerce et la distribution (64 %), sans doute parce que les salaires y sont davantage concentrés en dessous de 2,5 smic (plafond du CICE). Parmi les DRH qui déclarent ressentir les baisses de charges, une majorité (55 %) soutient que les économies ainsi réalisées iront à l’investissement, puis à la création d’emplois (27 %) et à une augmentation des marges (19 %) ; 22 % ne savent pas encore à quoi elles seront affectées. « C’est un signal positif pour le gouvernement, mais l’indicateur final est celui du chômage », estime Jean-Paul Charlez, président de l’ANDRH et DGRH d’Etam. Or, pour le moment, celui-ci ne cesse d’augmenter.

PÉNIBILITÉ : ATTENTE DE SIMPLIFICATION

Rien ne bouge. Comme lors de notre précédent baromètre, seules 23 % des entreprises se disaient opérationnelles, lorsqu’Inergie les a interrogées en avril 2015, pour ouvrir le compte personnel de pénibilité. Son entrée en vigueur officielle au 1er janvier 2015 n’a donc pas été ressentie comme une contrainte par les entreprises. Il n’y a pas besoin de chercher loin l’explication : au moment où nous les avons interrogés, 80 % des DRH étaient dans l’attente d’une simplification. Celle-ci est finalement intervenue fin mai : le gouvernement a promis de supprimer la fiche individuelle de prévention et à reporté de six mois l’entrée en vigueur des six derniers facteurs de pénibilité. « Tout le monde est d’accord avec l’idée qu’il faut aménager les fins de carrière, mais ce dispositif était vraiment trop compliqué », estime Jean-Paul Charlez, président de l’ANDRH et DGRH d’Etam.

La polémique sur le compte pénibilité ferait presque oublier que les entreprises de plus de 50 salariés ont aussi l’obligation de signer un accord ou un plan d’action sur le sujet. Or, parmi celles qui sont assujetties à cette obligation, il s’en trouve encore 38 % qui n’ont rien engagé. « C’est un point de vigilance », relève Luc Vidal directeur général adjoint d’Inergie-groupe Obea, en charge du pôle opinion.

L’ALTERNANCE : STABLE MALGRÉ LES INCITATIONS

Notre sondage Défis RH 2015 confirme les études nationales : l’apprentissage n’est pas en grande forme. Comme l’année dernière, les DRH déclarent compter 3,2 % d’apprentis en moyenne dans leurs effectifs. Dans le détail, 43 % des entreprises se situent au-dessus des 4 % (stable par rapport à 2014) et 31 % au-dessus des 5 % (le quota est passé de 4 % à 5 % en 2015). La proportion d’entreprises employant entre 1 % et 3 % d’apprentis reste également stable (35 %). De même que celle des entreprises qui n’emploient aucun apprenti (21 %). Le relèvement du quota d’apprentis en janvier 2015 et les changements de règles du crédit d’impôt, l’année précédente, n’ont donc pas produit d’effets dans un sens ou dans un autre. En revanche, les DRH envoient quelques signaux positifs pour les mois à venir, puisque 41 % (+ 7 points par rapport à 2014) comptent augmenter la part des alternants dans leurs effectifs au cours des mois à venir. C’est encore plus vrai (55 %) dans les entreprises employant déjà 1 % à 4 % d’alternants. Le taux de transformation des contrats d’alternance en embauche reste à 27 %, après une forte baisse les années précédentes.

TÉLÉTRAVAIL : DEUX JOURS LE PLUS SOUVENT

Pour la première fois cette année, notre baromètre Défis RH s’est intéressé au télétravail, encadré par une loi depuis 2012. Une proportion importante de DRH (17 %) déclare avoir signé un accord. Ce chiffre est sans doute tiré vers le haut par les réponses des grandes entreprises, dont « la moitié sont couvertes par un accord de télétravail », rappelle Yves Lasfargue, directeur de l’Observatoire des conditions de travail et de l’ergostressie (Obergo). Pour sa part, il a compté une centaine d’accords de télétravail sur toute la France.

Une très grande majorité d’entreprises (81 %) déclarent que leurs salariés télétravaillent un ou deux jours par semaine. Cela correspond aux préconisations de l’Obergo, dont la dernière enquête auprès de télétravailleurs (mai 2015) relève qu’au-delà de deux à trois jours de télétravail hebdomadaire, le salarié ressent des incidences négatives sur ses relations avec ses collègues, sur sa carrière et sa rémunération.

BUDGET FORMATION : LES DRH (TROP ?) OPTIMISTES

Malgré la réforme du financement de la formation de 2014, assez peu de DRH (30 %) déclarent avoir des difficultés à maintenir leur politique de formation. Pourtant, « l’obligation de financement est passée de 1,6 % à 1 %, sur lequel les entreprises sont pratiquement certaines de n’avoir aucun retour », explique Jean-Paul Charlez, président de l’ANDRH et DGRH d’Etam. Le versement des entreprises sera sans doute en effet absorbé par la formation des salariés prioritaires. L’hypothèse la plus probable pour expliquer cet optimisme des DRH est que les plans de formation 2015 ont encore été construits d’après l’ancienne logique financière. Il est possible également que des entreprises – en général les grandes – aient décidé de maintenir leur effort de formation au même niveau qu’auparavant.

LA LOI DE SÉCURISATION PEINE TOUJOURS À CONVAINCRE

Presqu’un quart des DRH – 6 points de plus que dans notre baromètre 2014 – déclarent que la loi de sécurisation de l’emploi (LSE), votée il y a deux ans, leur permet de maintenir des emplois malgré des difficultés conjoncturelles. Dans ce but, la LSE avait inventé les « accords de maintien dans l’emploi ». En échange d’une plus grande flexibilité, les entreprises s’imposent de ne pas réduire leurs effectifs pendant la durée de l’accord. Ces accords n’ont rencontré aucun succès et leur nombre se compte aujourd’hui sur les doigts des deux mains. Selon Jean-Paul Charlez, président de l’ANDRH et DGRH d’Etam, ce n’est donc pas de ce côté qu’il faut chercher l’explication de la relative bienveillance des DRH à l’égard de cette loi, mais plutôt du côté des accords de compétitivité. Ceux-ci n’existent pas dans la loi de sécurisation mais ils lui sont associés. Contrairement aux accords de maintien dans l’emploi, les entreprises ne se sont pas privées d’y recourir ces dernières années. Comme l’année dernière, 30 % des DRH déclarent que la loi de sécurisation de l’emploi a simplifié la mise en œuvre d’un PSE.