« Avec le barème de la loi Macron, on passe dans une logique de gestion de la rupture »
Globalement, les montants prévus pour les salariés des petites entreprises ou pour ceux ayant moins de deux ans d’ancienneté, sont très faibles, voire dérisoires. Beaucoup d’entre eux seront découragés de saisir les prud’hommes, sachant qu’ils ne pourront obtenir une indemnisation supérieure à trois ou quatre mois de salaire. Or, s’il n’y a plus de risque pour l’employeur à licencier sans cause réelle et sérieuse, on abolit le rôle protecteur du droit du travail. Je crains que cette réforme incite davantage les employeurs à licencier qu’à embaucher.
Aujourd’hui, lorsque l’on évalue le préjudice en cas de licenciement abusif, nous prenons en compte des critères qui sont laissés de côté par le barème inscrit dans la loi Macron. En particulier l’employabilité : on n’indemnise pas de la même manière un jeune diplômé recherché sur le marché du travail et un quinquagénaire sans qualifications. Le plancher de six mois qui existe dans le Code du travail aujourd’hui correspond d’ailleurs à la durée moyenne du chômage constatée au moment où la loi a été votée, en 1973. En fait, avec ce barème, on n’est plus dans la réparation du préjudice et la protection du salarié, on passe dans une logique de gestion de la rupture.
Pour compenser la faiblesse des montants du barème, on risque en effet de voir une inflation des demandes indemnitaires portant sur d’autres préjudices : préjudice moral, préjudice de carrière, perte de chance… De plus, les salariés et leurs avocats tenteront davantage de rattacher les licenciements au harcèlement moral ou à la discrimination, puisque, dans ces cas-là, le barème ne s’applique pas. Du coup, il sera plus difficile pour les conseillers prud’homaux de s’accorder, et les affaires seront plus souvent renvoyées devant le juge départiteur. Avec, en corollaire, un accroissement des délais, ce qui pénalisera encore les salariés.
* Arrivée en deuxième lecture à l’Assemblée nationale le 16 juin dernier, la loi a fait l’objet d’un recours à l’article 49-3 par le gouvernement.