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L’INTERVIEW : JEAN-LUC CERDIN PROFESSEUR À L’ESSEC BUSINESS SCHOOL*

L’enquête | L’INTERVIEW | publié le : 16.06.2015 | N. L.

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L’INTERVIEW : JEAN-LUC CERDIN PROFESSEUR À L’ESSEC BUSINESS SCHOOL*

Crédit photo N. L.

« Les politiques de mobilité internationale doivent être plus intégrées aux politiques de ressources humaines »

Comment les entreprises appréhendent-elles la gestion de carrière de leurs salariés en mobilité internationale ?

Les entreprises privilégient trop une approche technique autour de la rémunération et des avantages annexes, des aspects fiscaux et légaux de l’expatriation. Une tendance notamment liée à la technicité croissante des sujets et à la volonté de réduire les coûts, qui s’est accentuée ces dernières années. Bien sûr, ces aspects sont importants, mais ils ne doivent pas occulter la gestion des carrières, laquelle présente une forte dimension stratégique pour coller au mieux aux enjeux du business, fidéliser les collaborateurs, développer un vivier de talents, construire des parcours répondant aux besoins de l’entreprise. De ce point de vue, la situation ne s’est pas améliorée. Pour preuve, le département mobilité internationale est le plus souvent rattaché à la direction Compensations & Benefits et n’est pas assez connecté aux RH, dont le rôle reste secondaire dans la plupart des cas.

Comment passer d’une gestion technique de la mobilité internationale à une gestion plus stratégique ?

Ne pas se cantonner à une gestion technique suppose de pouvoir bien appréhender les profils des salariés et leurs attentes, en amont du départ, de suivre la performance des salariés durant leur expatriation, de les outiller pour leur permettre de bâtir la suite de leur carrière. Il s’agit d’une cogestion de carrière avec les individus, dans laquelle ces derniers sont mis en position de pouvoir se projeter. C’est tout sauf évident, car la gestion à distance est toujours compliquée. Les entreprises peuvent notamment mettre en place un système de mentoring, dans lequel la personne en mobilité garde un référent dans le pays d’origine avec des contacts réguliers, au moins une fois tous les trois ou six mois… Il est également important de faire revenir l’expatrié au moins une fois par an dans son entité d’origine pour lui permettre de se montrer, d’entretenir son réseau et de se tenir au courant des évolutions de l’organisation.

Enfin, il est essentiel de bien anticiper les retours, non seulement pour limiter les départs de l’entreprise, mais aussi pour utiliser à bon escient les compétences acquises par les salariés. Bref, les politiques de mobilité internationale doivent être plus intégrées aux politiques de ressources humaines et doivent faire l’objet d’efforts d’harmonisation, dans une logique de lisibilité et d’équité.

La diversification des profils et des statuts complexifie-t-elle la gestion de carrière ? Requiert-elle des politiques spécifiques ?

Non, car ce qui compte avant tout, c’est de bien percevoir les attentes des salariés en mobilité internationale, quels que soient leur statut, leur profil ou la durée de leur séjour (expatriation, détachement, junior, expérimenté, commuter, etc.). Or ces attentes sont très diverses, même au sein d’une population “classique” d’expatriés, et ne se limitent pas à la rémunération, au statut, aux promotions. Les salariés recherchent aussi un travail qui ait du sens, qui réponde à leurs aspirations. Des aspirations que l’entreprise doit identifier si elle veut conserver les salariés et pourvoir efficacement les postes nécessaires à son développement. Faut-il pour autant développer des politiques de gestion de carrière spécifiques ? Certes, la mobilité internationale présente des particularités techniques à prendre en compte, mais les missions à l’étranger doivent être considérées comme des épisodes d’un parcours global, ce qui implique de poursuivre une gestion de carrière classique, comme pour les autres salariés, avec des rendez-vous réguliers… sans considérer les expatriés comme une population à part. Il faut éviter une mise entre parenthèses de l’accompagnement le temps de l’expatriation et un sursaut juste avant le retour.

* Auteur de La Cogestion des carrières, Éditions EMS, 2015.

Auteur

  • N. L.