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RÉMUNÉRATION GLOBALE : L’ACTIONNARIAT SALARIÉ : un dispositif HAUTEMENT FÉDÉRATEUR

L’enquête | publié le : 26.05.2015 | HÉLÈNE TRUFFAUT

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RÉMUNÉRATION GLOBALE : L’ACTIONNARIAT SALARIÉ : un dispositif HAUTEMENT FÉDÉRATEUR

Crédit photo HÉLÈNE TRUFFAUT

En dépit d’une augmentation de la pression sociale et fiscale, la France demeure le premier foyer de l’actionnariat salarié européen. Pour les entreprises qui les pratiquent, les plans collectifs sont l’occasion de parler stratégie en embarquant toutes leurs troupes dans l’aventure.

En mars dernier, la Fédération européenne de l’actionnariat salarié (FEAS) tirait la sonnette d’alarme, 2014 ayant marqué la 3e année consécutive de baisse du nombre d’actionnaires salariés en Europe (lire Entreprise & Carrières n° 1231). Une population rabotée, depuis 2011, d’un demi-million de personnes (– 8 %) en Europe continentale. Alors que, dans le même temps, la Grande Bretagne qui mène depuis 2012 une politique très incitative en la matière, gagnait 200 000 salariés actionnaires supplémentaires (+ 8 %).

Pour Marc Mathieu, secrétaire général de la FEAS, cette situation globalement préoccupante découle précisément d’une série de « choix politiques négatifs » pris juste après la crise « pour des raisons strictement budgétaires ». En France, on fustige la création, puis les hausses successives du forfait social, qui ont plombé l’abondement des entreprises dans les plans d’actionnariat collectif, ainsi que le durcissement du régime fiscal et social des attributions gratuites d’actions (AGA). À quoi s’est ajoutée l’ordonnance du 20 août dernier, qui supprime l’obligation faite à l’État de réserver 10 % des titres aux salariés des entreprises publiques en cas de cession de capital.

Le projet de loi Macron promet au moins de redonner des couleurs aux AGA. Ce dont se réjouit Philippe Bernheim, secrétaire général de la Fédération française des associations d’actionnaires salariés et anciens salariés (FAS), pourtant loin de se satisfaire des dispositions du texte relatives à l’actionnariat salarié (lire p. 26).

L’EXEMPLE FRANÇAIS

Pour l’heure, même si l’Hexagone suit la tendance européenne, avec un taux de démocratisation(1) en baisse passé de 50 % en 2011 à 44,4 % l’année dernière, il demeure – et de loin – le pays le plus avancé sur le plan de l’actionnariat salarié collectif (proposé à l’ensemble de l’effectif, au moins sur le territoire). Selon la dernière étude(2) sur le sujet dans les entreprises cotées réalisée par la société de conseil et de gestion spécialisée Eres et publiée le 12 mai, la France regroupe, en 2014, 40 % (3,3 millions) des salariés actionnaires européens, qui se partagent 30 % – soit 82,7 milliards d’euros (contre 67,4 milliards d’euros en 2013) – du total de la capitalisation détenue.

Selon la même étude, la part du capital aux mains des salariés (hors dirigeants) est de 3,9 %, alors qu’il n’est que de 1,5 % au Royaume-Uni et de 1 % en Allemagne. Et 80 % des entreprises françaises continuent de proposer un plan collectif. Preuve de l’intérêt qu’elles portent à un dispositif qu’elles ont, pour certaines, pleinement intégré à leur politique de rémunération globale. C’est le cas à Vinci, dans le cadre de son PEE. Les salariés sont, avec 10 % du capital, collectivement devenus le premier actionnaire du groupe, qui s’est engagé à faire bénéficier tous ses collaborateurs d’un « dispositif de partage de [sa] réussite économique » (lire p. 22).

ABONDEMENT ÉLEVÉ POUR LES PREMIERS EUROS

Capgemini a une approche sensiblement différente, visant davantage « l’association » et « la rétention », explique François Chevrier, secrétaire général adjoint de la société de services informatiques (lire p. 24). L’inconvénient, selon la CFDT (premier syndicat de l’entreprise), qui milite surtout pour une amélioration de la politique salariale et des outils d’épargne salariale, est que « les salariés modestes ont du mal à souscrire » aux plans d’actionnariat. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle « l’abondement, qui est le carburant de ces opérations, est généralement assez élevé pour les premiers euros versés », observe Olivier de Fontenay, associé fondateur d’Eres.

À défaut de plans « démocratiques », d’autres entreprises choisissent, plus simplement, de développer leur actionnariat salarié au fil de l’eau, au travers de leur plan d’épargne entreprise (PEE). À l’instar de Stef, groupe de transport et de logistique du froid, qui mise sur un abondement substantiel des sommes placées sur le FCPE en actions Stef (lire p. 25).

Pour les entreprises qui les pratiquent, les opérations collectives d’actionnariat salarié sont, quoi qu’il en soit, un outil fédérateur qui permet de développer le sentiment d’appartenance en embarquant un maximum de collaborateurs au-delà des frontières (une question de plus en plus prégnante pour les entreprises qui tirent leur croissance de l’étranger). L’occasion « de tenir un discours commun sur la stratégie », souligne Rodolphe Delacroix, directeur de l’activité rewards, talent et communication de Towers Watson.

SIGNE D’ADHÉSION DES SALARIÉS

PSA Peugeot Citroën vient de se plier à l’exercice dans le cadre de sa première augmentation de capital réservée aux salariés, visant à associer ces derniers au redressement de l’entreprise (lire p. 23). Le projet a séduit 15 % de l’effectif visé, au moment où l’action était pourtant au plus bas. Une marque de confiance des collaborateurs, estime le constructeur. « Un fort taux de souscription est un signe de l’adhésion interne, ce qui a aussi un impact sur l’image externe de l’entreprise, la confiance des marchés étant plus conjoncturelle, soutient d’ailleurs Vincent Cornet, à la tête de l’activité conseil en rémunération globale d’Aon Hewitt. Et l’on voit, au travers des enquêtes internes, une corrélation très nette entre le taux de souscription et l’engagement des salariés », assure-t-il.

Mais « les plans d’actionnariat salarié sont des dispositifs compliqués à mettre en oeuvre, souligne Olivier de Fontenay. Les proposer de manière régulière permet aux entreprises de développer une expertise sur le sujet et de tempérer, auprès des salariés, la volatilité des marchés. »

Dans ce type d’opération, le volet communication est évidemment essentiel. Et très contraint par l’Autorité des marchés financiers (AMF) sur tous les aspects réglementaires. Ce qui, selon Laurène de Calbiac, consultante en communication sociale chez Aon Hewitt, donne d’ailleurs un avantage aux plans d’AGA : « Elles permettent de parler des enjeux de l’entreprise sans avoir à expliquer toute la mécanique d’un plan de souscription. En outre, elles mobilisent les salariés autour d’objectifs communs dès lors qu’elles sont soumises à des conditions de performance, et peuvent véritablement intégrer tous les salariés », ajoute-t-elle.

De fait, les plans de souscription collectifs requièrent énormément de pédagogie. « Au-delà des caractéristiques de l’offre, le top management doit faire comprendre qu’il est important d’associer les salariés à la performance de l’entreprise, détaille Rodolphe Delacroix. L’opération doit aussi s’appuyer sur des relais locaux, lesquels sont généralement issus de la fonction RH. Car même si la communication corporate est bonne, le message doit être adapté en fonction de la fiscalité, mais aussi de la sensibilité culturelle des pays concernés. Il est d’ailleurs intéressant de constater que, finalement, le succès d’un plan d’actionnariat salarié se construit davantage sur les hommes que sur les mécanismes financiers. »

H. T.

1) Pourcentage de salariés actionnaires par rapport au nombre total de salariés.

2) Source FEAS-Eres, étude menée sur 250 sociétés françaises cotées.

27 OPÉRATIONS DANS LE SBF 120 EN 2014

En 2014, le taux moyen de détention du capital par les salariés (hors dirigeants) des entreprises du SBF 120 est resté stable par rapport à 2013, indique la dernière étude d’Eres*. Il est de 3,9 % dans le CAC 40 (en hausse de 0,8 point depuis 2006) et de 1,8 % dans le Next 80 (le même niveau qu’il y a huit ans). Une différence qu’il est difficile d’expliquer, si ce n’est par le fait que les opérations démocratiques d’actionnariat salarié « sont lourdes, surtout lorsqu’il faut les décliner à l’étranger, et nécessitent une culture, des équipes et des compétences plus présentes au sein des entreprises du CAC 40 », estime Olivier de Fontenay, associé fondateur d’Eres. Dans le CAC 40, le taux de démocratisation est de 52 %; dans le Next 80, de 45 %.

18 % des entreprises du Next 80 ont réalisé au moins une augmentation de capital réservée à leurs salariés (+ 5 points par rapport à 2013). Les acteurs du CAC 40 se sont montrés plus réservés, la démarche n’ayant concerné qu’un quart d’entre eux, contre un tiers en 2013. Au total, 24 entreprises du SBF 120 ont mené 27 opérations, ouvertes, en moyenne, à 88 % des salariés. Le fait de couvrir le plus de collaborateurs possible étant une spécificité française, soutient Eres. Mais le taux de couverture a eu peu d’impact sur le taux de souscription.

Selon les informations disponibles, 41 % des opérations se sont appuyées sur des FCPE classiques, 47 % sur des FCPE classiques et à effet de levier (offrant une protection aux salariés, comme chez Capgemini, lire p. 24). 12 % ont uniquement eu recours à des formules à effet de levier (davantage utilisées dans le Next 80). Neuf entreprises sur dix (93 %) ont proposé un abondement, sous forme d’actions gratuites dans la majorité des cas (55 % des entreprises concernées, contre 33 % en 2013) : « Clairement un effet du forfait social », commente Eres. Le taux de décote moyen est de 17 %.

Dans 60 % des entreprises, la souscription s’est effectuée via un FCPE seulement, les autres ayant proposé à la fois un FCPE et des souscriptions en direct (auxquelles recourent davantage les sociétés du CAC 40, plus présentes à l’international). Selon Jérôme Dedeyan, associé fondateur d’Eres, le FCPE – qui intègre les formules à effet de levier, récupère le dividende pour tous les salariés… – pourrait être « un vecteur du développement de l’actionnariat salarié en Europe ». Il milite, du reste, pour son adoption dans tous les pays de l’Union.

Le montant moyen des augmentations de capital a atteint 94,5 millions d’euros, au-delà de la moyenne des trois dernières années (83,9 millions d’euros). Une évolution que la société de conseil estime liée au marché boursier. Le taux de souscription moyen des salariés, sans doute surévalué car l’information n’est pas toujours disponible prévient Eres, est de 40 %. Le taux de souscription d’actions est, lui, de 65 %. Le montant moyen par salarié souscripteur ? 5 200 euros.

À fin mai 2015, 13 entreprises ont lancé une opération. Elles étaient 16 à la même époque l’année dernière, mais, pour Eres, « la très forte volatilité des marchés » n’aide pas à la manœuvre, et « si les entreprises privilégient les opérations à effet de levier, celles-ci sont plus lourdes à monter et prennent donc plus de temps ».

* Étude basée sur des données publiques et portant exclusivement sur les opérations d’actionnariat salarié collectives (proposées à l’ensemble des salariés, au moins en France) dans les entreprises du SBF 120.

Auteur

  • HÉLÈNE TRUFFAUT