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Sur le terrain

ÉTATS-UNIS : AETNA RÉVOLUTIONNE LES MINIMA SALARIAUX

Sur le terrain | International | publié le : 19.05.2015 | Caroline Talbot

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ÉTATS-UNIS : AETNA RÉVOLUTIONNE LES MINIMA SALARIAUX

Crédit photo Caroline Talbot

Le patron d’Aetna, l’un des géants de l’assurance santé aux États-Unis, fait passer le salaire minimum à 16 dollars de l’heure. Il va plus loin que beaucoup d’autres entreprises et cite l’économiste Thomas Piketty pour justifier son choix.

Aux États-Unis, parler des bienfaits de la sécurité sociale française équivaut à un suicide social. L’impétrant est derechef classé socialiste ou communiste… bref paria. Alors, lire Thomas Piketty est un acte quasi révolutionnaire. Pourtant, le Pdg du grand groupe d’assurance santé Aetna, Mark Bertolini, l’a fait. Et, pire encore, il incite ses cadres supérieurs à feuilleter Le Capital au XXIe siècle, l’un des derniers ouvrages de l’économiste français. Objectif : leur faire comprendre l’intérêt d’une forte hausse du minimum horaire dans le groupe.

Force de travail

Mark Bertolini, 58 ans, est persuadé que le secteur privé doit être force d’innovations. « Nous gérons souvent bien le capital, déclare-t-il. Mais pour moi, la valeur rare est une force de travail douée et active. » Aetna (58 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2014 ; 2,04 milliards de bénéfices) investit donc dans « la santé et la sécurité financière de ses salariés ».

À la fin du mois d’avril, les collaborateurs les moins bien payés du groupe verront le minimum horaire passer de 12 à 16 dollars (près de 15 euros). La mesure touche 5 700 personnes sur un total de 50 000 salariés. Ce sont des comptables, des gestionnaires de remboursement, des employés du service clients. Un certain nombre d’entre eux n’étant pas au plus bas, la hausse moyenne horaire est donc de + 11 %, avec une pointe à + 33 % pour ceux qui figuraient tout en bas de l’échelle des rémunérations. Dans la foulée, la direction d’Aetna s’est engagée à prendre en charge une part plus importante des coûts de la santé pour 7 000 personnes en 2016. Ce qui pourrait entraîner 4 000 dollars d’économies par an dans les foyers contraints aux plus fortes dépenses.

Pour Mark Bertolini, la générosité de l’initiative se justifie totalement d’un point de vue économique : « Quand on regarde la taille de notre entreprise, le coût des mesures annoncées n’est pas important. » La hausse des minima reviendra à 14 millions de dollars en 2015 ; 25,5 millions de dollars en 2016. Sans eux, table le pdg, le turnover serait plus prononcé, les employés peu motivés feraient baisser la productivité et il faudrait financer des dépenses de recrutement pour remplacer les partants, un coût estimé à 120 millions de dollars par an. « Je crois, assure le Pdg, que les entreprises peuvent prospérer en faisant le bien. Avec ces investissements, nous participons à la reprise de l’économie et nous emmenons tout le monde avec nous au lieu de quelques-uns. »

Contrat social

Le patron s’en prend aux inégalités de plus en plus criantes. Et il remet sur le devant de la scène l’entreprise citoyenne, garante d’un contrat social pour ses salariés. Mark Bertolini ose taper fort, dans un pays où les augmentations du minimum horaire, qui se sont multipliées depuis la reprise de la croissance, par exemple à Walmart, Target ou Starbucks, se cantonnent plutôt aux alentours de 9 à 10 dollars de l’heure.

Le patron d’Aetna n’a pas toujours affiché un style de management aussi inhabituel. Il est devenu un dirigeant atypique après avoir traversé une épreuve personnelle. Il a été victime d’une chute de ski dans le Vermont, en 2004, qui l’a projeté au fond d’un ravin. Cinq vertèbres cervicales étaient fracturées et certains nerfs de son bras gauche s’étaient détachés de la moelle épinière… Un mois après l’accident, le patron était de retour dans l’entreprise mais il souffrait terriblement. Il a longtemps pris des antidouleurs, en vain. Au bout d’un an, il s’est mis au yoga et à la méditation.

Ce fut une révélation. Mark Bertolini maîtrise beaucoup mieux ses maux et il a eu envie de partager son expérience avec ses salariés. Différents programmes ont été mis en place. Et 13 000 volontaires les ont suivis. L’un des cours de yoga les plus récents, à Hartford, au siège d’Aetna, a été rempli en 4 heures. Une étude réalisée en 2014 auprès des adeptes de la méditation montre des résultats impressionnants. Le stress est en baisse de 28 %, les troubles du sommeil diminuent de 20 % et les douleurs se réduisent de 19 %. Et la productivité suit.

La méditation se révèle si efficace pour les troupes d’Aetna que l’assureur la conseille à ses entreprises clientes. Et 20 d’entre elles l’ont adoptée. Qu’en sera-t-il de la dernière campagne du Pdg, en faveur de la hausse du salaire minimum ?

DANS LES MÉDIAS

WALL STREET JOURNAL. L’ingénieur, roi du pétrole

Le Center on Education and the Workforce de l’université Georgetown vient de publier ses dernières statistiques sur les revenus moyens des diplômés du supérieur. Mieux vaut être ingénieur du pétrole qu’instituteur dans l’école primaire. L’ingénieur gagne en moyenne pendant toute sa carrière 4,8 millions de dollars, soit 136 000 $ par an. L’instituteur touche trois fois moins : 1,4 million de dollars, soit 39 000 $ par an. Mais le diplômé d’université a de toute façon plus de chances de faire carrière qu’un lycéen. L’écart moyen entre les deux sur toute une vie est de 1 million de dollars. 7 mai 2015, Wall Street Journal, quotidien économique

Auteur

  • Caroline Talbot