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Les clés

L’e-mail, ET COMMENT S’EN SERVIR

Les clés | publié le : 12.05.2015 | Marie-Madeleine Sève

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L’e-mail, ET COMMENT S’EN SERVIR

Crédit photo Marie-Madeleine Sève

Communication managériale. Savoir utiliser l’e-mail avec discernement est un impératif pour le manager, car le message peut susciter malentendus et agacements. En outre, il peut dépersonnaliser les relations avec l’équipe. Mais l’outil reste efficace pour transmettre des informations objectives, courtes, ciblées et les archiver. Conseils.

À chaque fois qu’Élisabeth Rochefort aborde le sujet de l’e-messagerie dans ses stages de gestion du temps chez CSP Formation, 30 % des participants racon– tent une anecdote cinglante sur leur hiérarchie qui en abuse. « Certes, les managers redoutent d’être intrusifs en allant voir leurs collaborateurs, observe la formatrice*. Toutefois, il y a un juste milieu entre déranger les gens en permanence et communiquer exclusivement par e-mails au point de dire à peine bonjour à l’équipe. » Le procédé en arrive alors à tuer l’implication, à frustrer et à dégrader le climat au bureau. L’idée est de parvenir à bien doser la relation physique – en face à face, en réunion ou au téléphone – et l’échange dématérialisé, qui a ses vertus.

La question essentielle à se poser avant de saisir la souris est la suivante : mon message serait-il mieux entendu si je me levais de ma chaise? Les raisons en faveur du « oui » sont nombreuses. « Je fais attention à me déplacer quand je m’adresse à un agent débutant ou émotif, explique Catherine Lago, responsable du service social d’un département francilien, car ma prose risque d’être mal comprise, mal interprétée ou de blesser. » C’est en effet le piège de ce courrier asynchrone. Le destinataire lit des phrases auxquelles il va prêter une intention ou donner un sens singulier selon la situation, son état d’esprit, ou ses préjugés. Idem pour le manager qui, devant son écran, ne peut ni voir, ni écouter la réaction du n-1. « Or les mots ne comptent que pour 7 % dans la compréhension d’un message, explique Valérie Moissonnier, coach et fondatrice de l’Institut du selfcoaching, tandis que la voix pèse pour 38 % et la gestuelle pour 55 %. C’est cette communication non verbale qui place émetteur et récepteur sur la même longueur d’ondes. » À distance et à l’aveugle, difficile donc de “sentir” l’autre et de s’ajuster.

Du coup, tout acte managérial fort doit absolument s’effectuer hors e-mails. « Dès que l’information nécessite une explication ou touche à la motivation du collaborateur, il faut privilégier la rencontre ou le téléphone », alerte Élisabeth Rochefort. L’entretien d’évaluation, où s’échangent des opinions et un ressenti, est à proscrire par courriel, comme le recadrage ou les critiques. Ce qu’a appris au fil de l’eau Éric Delafontenelle, DG adjoint de la SSII Umanis (1 800 salariés): « Manager novice, j’avais tendance à faire des remontrances par e-mail sur la qualité du travail, le respect des délais. Ce qui était improductif, puisque je n’aidais pas le collaborateur à grandir, à changer. Depuis, quand j’ai un reproche à faire, j’écris le texte et je le mets dans la boîte des brouillons pour le relire plus tard. Dans 80 % des cas, je le supprime et je passe un coup de fil. » L’annonce à fort enjeu par voie électronique est aussi une erreur, telle l’arrêt d’un projet ou la révision des objectifs à la hausse. « Elle alimentera les rumeurs, car nul ne peut alors poser de questions et exprimer des craintes », souligne la coach Valérie Moissonnier. Le chef doit accepter la confrontation, même désagréable. Le passage de consignes complexes se déroulera, là aussi, en présence de l’interlocuteur, sinon il y aura des loupés.

En revanche, les e-mails de félicitations et de remerciements sont de bon aloi, en mettant en copie l’équipe, voire le n + 2. Ce qui laissera des traces positives. « Le manager veillera à rester équitable en valorisant chacun à tour de rôle », ajoute Élisabeth Rochefort. Il creusera ensuite les raisons du satisfecit en tête à tête.

Un outil d’information efficace

Pour tout ce qui est factuel, limité, facile, précis, qui incite à l’action concrète (collective ou individuelle), qui sollicite un “oui” ou un “non”, qui est de l’ordre du mémo, l’e-mail est un excellent outil. En plus, d’un clic, tout le monde est informé en même temps et au même niveau sur quoi, qui, quand, comment, combien.

« Pour moi, le côté humain est prioritaire, mais la messagerie est utile pour confirmer des propos, explique Lionel Azancot, directeur de la formation professionnelle aux Ateliers Optentiel (organisme de formation). Je mets ainsi noir sur blanc les engagements pris, les décisions actées, la répartition des tâches, les dates de rendez-vous, etc. Ce qui montre que j’ai médité le sujet, puisque j’ai pris la peine de le rédiger ». Demander un service à un subordonné est également possible, à condition que ce soit simple, et d’y mettre les formes. Ce qui n’autorise pas, pour autant, le manager à faire des entorses aux interdictions d’envoi d’e-mails d’entreprise à ses troupes, le soir ou le week-end.

* Auteure des Cinq Clés des écrits professionnels efficaces (Dunod, 2014).

LES CONSEILS DU COACH

JEAN-MICHEL ROLLAND

Consultant en e-management, enseignant et directeur de la formation à l’Isen de Toulon(1)

– 1 –

Stopper le ping-pong des messages

Plus vous enverrez d’e-mails, plus vous en recevrez. Or tous les e-mails n’exigent pas de réponse. À vous d’arrêter la spirale infernale des renvois. Je préconise de ne plus réagir après deux allers-retours. Dès lors, soit vous téléphonez à la personne, soit vous allez lui parler à son bureau, soit la personne se manifestera d’elle-même en poussant votre porte ou en vous appelant. Vous éviterez ainsi de vous crisper sur votre clavier et de rentrer dans une surenchère qui peut tourner au vinaigre.

– 2 –

Toujours répondre à un e-mail de demande

Laisser des messages en jachère peut être considéré par le collaborateur comme un manque de soutien et de respect. Gare à vous si l’e-mail remonte au n + 2 avec la mention “mon manager ne m’a jamais répondu”. Au cas où vous auriez oublié un tel message dans la boîte de réception, rattrapez-vous en appelant le salarié et en lui proposant un choix d’horaires ou de dates pour un (rapide) entretien.

– 3 –

S’accorder avec l’équipe sur des codes de communication écrite

Bref et elliptique, accompagné de smileys graphiques ou imagés, l’e-mail ressemble à du morse pour les plus anciens. Pourquoi ne pas réaliser en réunion une charte lexicale qui limite l’usage des signes émotionnels et en donne une traduction commune ? À retenir, le “clin d’œil” qui appuie une directive capitale, le “sourire” qui est un bonjour à celui qu’on n’a pas encore vu, le “téléphone”, pour inciter à répondre par oral, ou la « tristesse » pour dire dommage. Songez, à l’inverse, à bannir la couleur rouge dans le texte (initial ou corrigé) pour gommer le côté scolaire. Et rappelez que la courtoisie n’est pas une option.

(1) École d’ingénieurs en informatique et en électronique (sept campus en France et au Maroc). Jean-Michel Rolland est l’auteur du livre Manager les e-comportements, Eyrolles, 2013.

Auteur

  • Marie-Madeleine Sève