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Les clés

GÉRER LA génération Y

Les clés | publié le : 28.04.2015 | Éric Delon

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GÉRER LA génération Y

Crédit photo Éric Delon

Relations interpersonnelles. La révolution digitale et les réseaux sociaux modifient sensiblement le rapport des jeunes générations à l’univers professionnel, tant au niveau de la relation à la hiérarchie qu’en matière d’engagement et de motivation. Ce qui impose parfois au management de s’adapter.

« Mes équipes ont instauré un pot qu’ils ont baptisé “after works”. À leur âge, cela ne me serait jamais venu à l’idée. Je me dis que cette convivialité est favorable à l’entreprise. » Directeur du pôle e-business au sein du groupe Comexposium (organisation de salons), Jérôme Letu-Montois, 48 ans, se réjouit des initiatives prises par ses jeunes collaborateurs, qui semblent témoigner d’une plus grande porosité entre les sphères professionnelles et privées, caractéristiques de la génération Y née, approximativement, entre le début des années 1980 et le milieu des années 1990. Biberonnée aux nouvelles technologies digitales et aux réseaux sociaux, cette génération que certains (jalousie ?) jugent plus interconnectée que collective, paraît moins crédule que ses devancières vis-à-vis des valeurs et de la culture d’entreprise, et semble se poser plus de questions quant à sa place au sein des organisations.

« Pour schématiser, les “Yers” veulent trouver du sens dans ce qu’ils accomplissent au jour le jour, alors que les générations précédentes se contentaient d’exécuter des ordres sans remettre en cause le système », analyse Corinne Aubert Baudry, consultante chez Demos. De manière paradoxale, si les membres de la génération Y, décrochent rarement leur premier CDI avant 30 ans, ils ne cherchent que rarement à intégrer une entreprise dans laquelle ils resteront toute leur vie. « Malgré la persistance de la crise économique ainsi que les sombres perspectives quant à leur future retraite, ils ne semblent guère inquiets pour leur avenir », constate Jérôme Letu-Montois. « Même s’ils n’ont pas renoncé à “faire carrière”, ils n’hésitent pas à quitter une entreprise si les challenges qui leur sont proposés ne sont pas à la hauteur », renchérit Corinne Aubert Baudry, qui pointe une volonté délibérée chez ces jeunes collaborateurs de « tout vouloir tout de suite ».

Pdg du cabinet de conseil en management Kea & Partners (150 collaborateurs), Arnaud Gangloff confirme qu’à peine débarqués dans son entreprise, ses jeunes collaborateurs, futurs consultants, s’enquièrent des dates ou périodes précises de leur accession aux postes de manager, de senior manager, voire d’associés. « Je m’efforce de répondre à leurs attentes, qui correspondent à autant de motivation à s’investir dans le job, tout en sachant calmer leurs ardeurs lorsque c’est nécessaire. L’équilibre n’est pas toujours simple à trouver », décrypte-t-il.

Selon les experts, l’arrivée des réseaux sociaux (privés ou professionnels) dans l’entreprise aurait permis un accroissement de l’échange d’informations entre collaborateurs tout en décloisonnant les différents services de l’organisation. « Je m’efforce de cultiver cet aspect “tribu” en multipliant les occasions de se rencontrer afin d’encourager la sociabilisation de chacun, témoigne Arnaud Gangloff. Chaque année, par exemple, nous organisons une grande fête pour célébrer l’anniversaire de l’entreprise. »

Hyperconnexion bénéfique

À rebours de certaines entreprises qui réglementent, voire interdisent l’accès aux réseaux sociaux, Jérôme Letu-Montois estime, à l’inverse, que ces derniers représentent un outil de travail : « Je leur fais confiance. Ils considèrent que cette hyperconnexion est bénéfique pour l’entreprise. Ils cherchent de l’information plus rapidement, animent leur réseau et, sans doute, pour certains, cultivent leur popularité. » Pour les spécialistes du sujet, l’arrivée de la génération Y a incontestablement aboli les frontières entre vie privée et vie professionnelle : « S’ils doivent régler une affaire personnelle urgente, en pleine après-midi, je ne vais pas m’y opposer bêtement. Ils considèrent qu’ils sont en mesure d’organiser leur vie professionnelle de manière autonome », souligne Arnaud Gangloff. Contrairement aux générations précédentes, la génération Y ne transige pas sur le respect de la vie personnelle. « À 18 h 30, ils sont partis de l’entreprise. Par ailleurs, ils prennent tous leur RTT ainsi que, côté garçons, leurs congés parentaux », note Jérôme Letu-Montois.

Rétive au fonctionnement hiérarchique traditionnel, plus sensible à la justice qu’aux règles, la génération Y ne semble pas pour autant plus démotivée que les autres générations, ni moins fidèles à l’entreprise. « Ils entendent juger leur hiérarchie sur ses actes et non sur ses discours. S’inscrivant davantage dans une logique de benchmark professionnel, réseaux sociaux obligent, ils peuvent facilement décrypter une pratique managériale, analyse Corinne Aubert Baudry. Pour les séduire, il est impératif de répondre à leur besoin de reconnaissance et de tenir un langage de vérité auquel ils sont sensibles. »

LES CONSEILS DU COACH

CLAUDE BODEAU

Associé RH, Cabinet Kurt Salmon

– 1 –

Multiplier les challenges

Même si la crise n’a pas épargné les jeunes diplômés et les jeunes professionnels, en termes de risque de chômage, il est impératif de multiplier les challenges (et les responsabilités afférentes) pour les motiver et les retenir dans l’entreprise. Sans abdiquer le contrôle, il faut leur faire confiance. Même s’il est nécessaire de ménager les différentes générations, il ne faut pas hésiter à confier un sujet difficile à un jeune expert de 25 ans si c’est lui qui le maîtrise le mieux dans l’entreprise. Les membres de la génération Y ne détestent rien tant que rester longtemps sur une même mission.

– 2 –

Rendre plus souple l’organisation du travail

Pour la plupart des “Yers”, le télétravail est un acquis. Ils revendiquent de pouvoir « travailler n’importe où, à n’importe quel moment ». Lorsqu’ils accomplissent une tâche personnelle en pleine journée (administrative, familiale), ils n’ont pas l’impression de nuire à leur entreprise mais d’organiser leur vie, en toute sérénité. Habitués à jouer en réseau à toute heure du jour et de la nuit, ils revendiquent de travailler la nuit s’ils le souhaitent. Autrement dit, soyez flexible sur les horaires et privilégiez le résultat.

– 3 –

Éviter l’attitude de surplomb

Leur habitude des réseaux sociaux et leur usage optimal des nouvelles technologies leur confèrent une rapidité impressionnante dans la collecte d’informations. Il est donc illusoire de vouloir leur « en imposer intellectuellement ». Par ailleurs, en formation, ils ne goûtent pas beaucoup le présentiel. Ils préfèrent aller piocher dans les tutoriels sur Internet.

Auteur

  • Éric Delon