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L’INTERVIEW : JEAN-PAUL CADET CHARGÉ D’ÉTUDES AU CÉREQ

L’enquête | L’INTERVIEW | publié le : 28.04.2015 | É. S.

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L’INTERVIEW : JEAN-PAUL CADET CHARGÉ D’ÉTUDES AU CÉREQ

Crédit photo É. S.

« Devenir cadre, cela doit se mériter aux yeux de la hiérarchie »

Vous avez étudié la promotion au statut cadre des professions intermédiaires : techniciens, agents de maîtrise, commerciaux… Que recouvre ce phénomène ?

Si l’on compare les données recueillies entre les années 1990 et 2000, on constate que, malgré l’accroissement continu de jeunes diplômés de niveau master sur le marché du travail, la voie promotionnelle s’est maintenue. En 2009, selon l’Apec, 44 % des cadres l’étaient devenus par promotion interne. Cependant, il existe de fortes disparités : ces parcours sont plus fréquents dans les PME et dans certains secteurs, comme la banque. En outre, la promotion peut prendre plusieurs formes : la plupart du temps, il s’agit d’une mobilité ascensionnelle impliquant un changement de poste ou de métier. Mais elle peut aussi relever d’un processus de confirmation, après une période probatoire à un niveau intermédiaire, ou encore d’une forme de reconnaissance de l’expérience ou de l’expertise du salarié, voire d’une requalification, mais sans transformation de l’activité.

Enfin, on constate sur le long terme que les carrières promotionnelles longues – ouvrier, puis maîtrise, puis cadre – se réduisent, contrairement aux carrières promotionnelles courtes – passage d’un seul niveau de qualification. Autrement dit, l’ascenseur social existe toujours, mais l’immeuble à gravir est moins haut.

Tous les salariés de professions intermédiaires sont-ils égaux devant la promotion ?

Les cadres par promotion sont de plus en plus diplômés, mais cela traduit davantage une élévation globale du niveau de formation de la population active qu’une sélectivité plus forte. Le diplôme compte – y compris sur le déroulement de carrière postérieur, qui est souvent moins favorable pour les cadres issus de la promotion –, mais il n’est pas prioritaire. Car pour progresser, il faut avant tout se détacher du lot. On attend des cadres qu’ils soient mobiles, on l’attend moins des autres catégories, qui doivent donc adopter un comportement résolument volontariste. L’ancienneté, la formation, les savoir-faire ne suffisent pas : devenir cadre, cela doit se mériter, en particulier aux yeux de la hiérarchie directe, qui joue un rôle clé dans ce système fondé sur la cooptation. Les critères de sélection s’avèrent ainsi très subjectifs : dévouement à l’entreprise, comportement social révélant un potentiel au management… Ce qui peut d’ailleurs poser problème en matière d’équité et de transparence, voire concourir à un phénomène de reproduction sociale des cadres.

Les outils de sélection et d’accompagnement mis en place par les RH peuvent-ils donner plus d’objectivité ?

Les outils se diffusent, c’est vrai. La généralisation des entretiens d’évaluation, la mise en place de l’entretien professionnel prévu par la réforme de la formation contribuent à ouvrir les espaces de dialogue et participent d’une plus grande objectivité. Dans les grandes entreprises, les comités de carrière opèrent collectivement la sélection. Mais il s’agit encore bien souvent d’un vernis d’objectivité, car la place des critères subjectifs utilisés par le management de proximité reste centrale.

Qu’est-ce qui pousse les entreprises à choisir la promotion interne plutôt que les recrutements externes ?

La promotion interne réduit les risques : sur tel poste, l’entreprise nomme quelqu’un qu’elle connaît, qui a démontré sa motivation et son implication, et qui la connaît. Et c’est un facteur important de motivation, à la fois pour les promus et pour les autres, qui peuvent avoir l’espoir de l’être plus tard. Mais il faut que l’entreprise soit dans une trajectoire d’évolution continue. Dans le contexte de ruptures technologiques ou organisationnelles, elles préféreront au contraire recruter à l’extérieur.

Auteur

  • É. S.