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MERYEM LE SAGET CONSEIL EN ENTREPRISE

La chronique | publié le : 14.04.2015 |

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MERYEM LE SAGET CONSEIL EN ENTREPRISE

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Davantage de collaboratif ? Oui, mais…

Le chemin vers une maîtrise sereine des méthodes collaboratives est pavé d’apprentissages. Pour commencer, on observe souvent des tensions chez ceux qui ont le pouvoir. Ils se sentent un peu désorientés. Quelle est donc cette approche qui semble banaliser leur rôle ou même avancer que les managers ne sont plus nécessaires ? Avouez qu’il y a de quoi se poser des questions. Entre « je résiste » ou « je laisse faire et je me désengage », les tensions sont visibles dans les comportements.

Les tiraillements se poursuivent sur les évaluations annuelles. Les collaborateurs très impliqués se disent, au bout d’un moment, « j’en fais plus, je donne de moi-même, alors que d’autres ne s’impliquent pas beaucoup ». De son côté, le manager, sans réelle visibilité sur les dynamiques collectives, continue d’évaluer avec les outils d’hier. Donc, ce « supplément d’engagement » n’est pas vraiment pris en compte. Après un certain temps, les personnes en ont assez d’être les « bonnes poires » et ne voient plus d’évidence entre leur contribution et leur évaluation (ou leur rémunération !). Pour peu que, dans l’équipe, des malins essaient de se placer en faisant sournoisement leur marketing personnel, les tensions internes sont à leur comble.

Le collaboratif crée également des jalousies de statut. Car, par principe, cette dynamique collective inclut davantage. Mais elle le fait sans respecter les règles du jeu précises qu’instaurait la hiérarchie : on invite tel groupe de contributeurs à la convention des cadres, on inclut dans une réunion collaborative des personnes d’un autre service, on vient consulter des collaborateurs de terrain sans forcément interviewer leur manager, etc. L’ordre se définissait par qui avait quels droits et qui appartenait à quel groupe. Les frontières s’estompant, la porte est ouverte à la comparaison et aux jalousies. « C’est vrai ça, pourquoi lui et pas moi ? »

Mais, quand on vit à l’heure du collaboratif, l’apprentissage le plus urgent est la maturité relationnelle. Quand la personne pense d’abord à soi, se met en avant, ne sait pas écouter l’autre, veut avoir raison… nous sommes encore au stade de l’adolescence relationnelle. C’est l’ego qui pilote. Si cette étape n’est pas dépassée, on peut se faire du souci.

Comment évaluer la maturité des personnes ? En écoutant les conversations. Édith Luc*, fine observatrice du leadership partagé, distingue cinq niveaux de dialogue ; premier niveau : la docilité, je m’adapte à ce que dit mon interlocuteur ; deuxième degré : la domination, je veux avoir raison ; troisième niveau : je séduis, je réunis ainsi momentanément les différences. Jusque-là, mon ego domine, je suis au service de mes idées.

Le vrai travail collaboratif commence après, quand on se centre sur le projet. Au niveau quatre, je raisonne « tâches à accomplir », je cherche des solutions. Enfin, au niveau cinq, le projet est au centre de mes préoccupations : je garde une vision systémique tout en allant dans le détail, je raisonne en tenant compte des conséquences de chaque action sur autrui et sur le résultat, je suis intégrateur. De toute évidence, le collaboratif réussit mieux avec des personnes qui ont travaillé sur elles-mêmes pour atteindre cette maturité de la personnalité et des émotions.

*La Pratique du leadership partagé, par Édith Luc et Meryem Le Saget, PUM 2013.