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Les clés

Les cent premiers jours D’UN MANAGER

Les clés | publié le : 03.03.2015 | Sabine Germain

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Les cent premiers jours D’UN MANAGER

Crédit photo Sabine Germain

PRISE DE POSTE. Prendre un nouveau poste est toujours risqué : les cent premiers jours permettent à un manager de poser les bases de sa méthode et de son projet.Rater cette entrée en matière, c’est courir le risque de compromettre la suite.

Au terme de ses cent premiers jours à l’Élysée, en septembre 2012, François Hollande s’est engagé à inverser la courbe du chômage d’ici à la fin de l’année 2013. S’il avait écouté les meilleurs coachs, il n’aurait peut-être pas commis une telle erreur : il se serait appuyé sur quelques petites victoires symboliques avant d’annoncer son grand dessein.

Pour un manager comme pour le président de la République, les cent jours suivant une prise de poste sont stratégiques : il a trois petits mois pour se fondre dans la culture maison tout en impulsant une nouvelle dynamique, amener son équipe à se projeter dans l’avenir sans faire table rase du passé, engager rapidement des actions symboliques tout en prenant le temps d’analyser les enjeux… L’exercice est d’autant plus délicat qu’un manager ne bénéficie pas de l’état de grâce induit par l’euphorie d’une victoire électorale. Au contraire, sa légitimité peut être mise en doute, amenant ses collègues et collaborateurs à traquer le moindre signe de faiblesse. « Si le manager ne réussit pas sa prise de fonction, il y a un véritable risque de rejet de la greffe », commente Isabelle André, coach en charge de la “practice RH” au sein du cabinet Oasys Consultants, qui trouve toutefois la période des cent jours un peu courte : « Mieux vaut caler son calendrier sur ses six premiers mois d’exercice. »

établir une cartographie des attributions

Qu’elle dure trois ou six mois, cette entrée en matière est d’autant plus décisive que, comme toute période d’essai, elle peut déboucher sur une rupture de contrat. Pour mettre toutes les chances de son côté, Isabelle André conseille, dans un premier temps, d’établir « une cartographie des attributions, des missions et de la zone de pouvoir des autres managers ». En portant, évidemment, une attention toute particulière à son n + 1.

Parallèlement, le nouveau manager doit identifier les codes culturels de l’entreprise : « Il y a des équipes conviviales, où l’on passe beaucoup de temps à se parler, détaille Isabelle André ; des équipes où l’on cultive l’humilité ; des équipes, au contraire, où l’on valorise les stars. » Mieux vaut éviter d’être trop décalé… ce qui n’exclut pas d’imprimer sa marque. Notamment dans la prise en main de son équipe. Convaincue qu’une « intégration réussie repose davantage sur le relationnel que sur la performance », la consultante suggère d’envoyer un premier signe d’ouverture et de dialogue en allant à la rencontre de chacun de ses collaborateurs : « Expliquez-leur concrètement ce que vous attendez d’eux », conseille-t-elle.

C’est précisément ce qu’a fait Julie Habri le jour où elle a pris la direction de l’Ifap, une PME parisienne de formation aux métiers des services à la personne : « J’ai pu me rendre compte que les neuf salariés étaient en manque de reconnaissance », explique la jeune manageuse de 33 ans. Notamment l’une d’entre elles, chargée de mission devenue adjointe de la précédente directrice de façon très informelle. « Je lui ai proposé de définir plus clairement ses fonctions et ses missions en effectuant un diagnostic de talent. C’est un outil formidable qui lui a permis de prendre conscience de tout ce qu’elle faisait… mais aussi de ce qu’elle avait tendance à survoler faute de formation. Cet exercice a été un terreau fertile pour redéfinir le champ de ses missions. J’ai ainsi eu l’impression d’avoir la bonne personne au bon endroit… mais j’ai surtout gagné sa confiance. »

Cette phase de diagnostic ne doit toutefois pas durer trop longtemps : « Il faut passer très vite à l’action », conseille Frédéric Marquette, directeur associé d’EIM et auteur de l’ouvrage Cent jours pour réussir*. Y compris en prenant des décisions symboliques. C’est ainsi que Julie Habri a décidé de se séparer d’une collaboratrice « certes adorable, mais qui avait commis une faute grave. La décision a été difficile, mais j’ai senti qu’il fallait trancher pour rester crédible ».

les « remontées du terrain »

Bonne option, commente Frédéric Marquette : « Un bon manager doit avoir le courage d’agir. » Même s’il n’a pas encore une vision exhaustive de la situation : « La tentation est toujours grande de commander un audit complet de la situation. Mais à quoi bon perdre son temps alors que les collaborateurs de terrain savent très bien ce qui ne fonctionne pas ! » Mieux vaut donc s’appuyer sur les « remontées du terrain » et engager un ou plusieurs chantiers pour mettre les équipes en mouvement.

Pour Julie Habri, ce premier chantier a été le déménagement de l’entreprise : « Il est tombé à point nommé en me donnant l’occasion d’apporter ma touche personnelle dans l’organisation. Mais il m’a surtout permis de donner la preuve concrète de ma capacité à gérer un projet. »

* Cent jours pour réussir, paroles de dirigeants, A Contre-courant, août 2014, 202 pages, 20 euros.

LES CONSEILS DU COACH

FRÉDÉRIC MARQUETTE

Directeur associé d’EIM (Excellence in Management).

– 1 –

Choisir son équipe

Il n’est pas indispensable de tout changer de fond en comble. Mais si vous devez écarter une personne, mieux vaut le faire rapidement. De même, les collaborateurs sur lesquels vous souhaitez vous appuyer doivent le savoir très vite. Faire traîner ce type de décision finit par laisser planer une peur diffuse. Lors de son discours devant la Convention, en 1794, Robespierre a annoncé que des têtes allaient tomber. Résultat : tout le monde a pris peur… mais c’est lui qui a été guillotiné.

– 2 –

Donner le signal du changement

Prendre assez rapidement des premières mesures, même symboliques, pour donner le signal du changement que l’on veut impulser : si vous considérez que la priorité doit être donnée aux économies par exemple, plafonnez les notes de frais des dirigeants ou réduisez drastiquement le recours aux consultants. Salariés, actionnaires, banquiers, clients ou fournisseurs sauront capter le message.

– 3 –

Commencer par de petites décisions

Avoir confiance en soi, inspirer confiance aux autres : c’est la base même du leadership. Ne vous précipitez pas pour annoncer un grand projet ou présenter votre vision de long terme. Commencez par paver votre chemin de petites décisions : elles seront autant de petites victoires que vous pourrez médiatiser et sur lesquelles vous pourrez vous appuyer pour avancer.

Auteur

  • Sabine Germain