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DANS LE BÂTIMENT, la prévention des risques RAPPORTE GROS

Zoom | publié le : 06.01.2015 | Rozenn Le Saint

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DANS LE BÂTIMENT, la prévention des risques RAPPORTE GROS

Crédit photo Rozenn Le Saint

L’OPPBTP vient de consolider l’étude sur la dimension économique de la prévention (Dimeco), qui révèle que, pour un euro investi dans la prévention, le gain est multiplié par plus de deux. Des économies engendrées qui constituent un argument de poids pour les employeurs.

L’OPPBTP* s’est penché sur le calcul du retour sur investissement de la prévention, de manière à parler le même langage de terrain que les employeurs… Et le secteur bénéficie du recul nécessaire pour l’étudier, puisque les actions de prévention de masse commencent à dater. En décembre, l’OPPBTP a donc enrichi les résultats de l’étude Dimeco (Dimension économique de la prévention), publiée en 2013 et basée à l’époque sur 101 cas d’actions de prévention, en l’agrémentant cette fois de 80 nouvelles actions. « Afin de consolider nos résultats en répartissant sur toute la France les entreprises, nous avons formé 20 conseillers pour auditer de nouvelles entreprises », indique Joël Poix, responsable de la mission Dimeco. Les enseignements principaux sont les mêmes : pour un euro investi dans la prévention, les gains économiques sont évalués à 2,20 euros.

Le baromètre annuel d’Alma Consulting a également évalué le coût de l’absentéisme à 8,8 milliards d’euros en 2013. Et, selon l’Agence européenne pour la santé et la sécurité au travail, un euro investi en particulier dans la prévention des risques psychosociaux conduirait à plus de 13 euros de bénéfice net. Alors que la prévention est généralement perçue comme un coût net pour l’entreprise – d’autant plus en période économique difficile –, ces études montrent que sensibiliser et agir pour anticiper les risques professionnels coûterait moins cher aux employeurs que de les ignorer. Le bâtiment l’a bien compris.

« Les entreprises du BTP ont mis en place de multiples activités de prévention depuis plus d’une dizaine d’années », confirme Anne-Laure Tessier, responsable marketing spécialisée dans les risques professionnels à Alma Consulting. Ce type de cabinets d’audit et de réductions des coûts centrent leurs actions sur les contentieux liés aux accidents du travail et aux maladies professionnelles en espérant réduire le montant de la facture reversé par les grandes entreprises (de plus de 150 salariés) à la branche des risques professionnels de l’Assurance maladie. Car leurs cotisations sont indexées sur le nombre d’AT-MP dans leur entreprise et, selon leur gravité, sur le principe du “pollueur payeur”.

« Les grandes entreprises comme Vinci ou Bouygues savent pertinemment que la réduction des AT-MP est efficace économiquement, puisque cela réduit leurs cotisations. La majorité des entreprises du secteur emploient moins de 20 salariés et elles cotisent sur la base d’un taux fixe, mutualisé. Le nombre d’AT-MP ne change rien pour elles à ce niveau-là. Nous voulons montrer qu’en revanche, l’investissement peut se traduire directement sur leur compte d’exploitation », assure Joël Poix, de l’OPPBTP.

À l’origine de l’initiative Dimeco, un constat : « La prévention souffrait d’une image négative d’un point de vue économique. Les employeurs avaient l’impression que cela représentait un coût net et que le retour sur investissement n’était pas mesurable », témoigne Joël Poix. « Cette étude permet de montrer à l’encadrement que, si tout investissement en termes de prévention a un coût, il a aussi des retombées économiques. Les chiffres de l’étude étayent notre argumentation et prouvent le bien-fondé de nouveaux investissements pour mieux prévenir les risques en tenant compte de l’évolution technique », estime Sébastien Ronot, préventeur chez Gagneraud, qui espère ainsi réduire les risques de chutes de hauteur, d’ensevelissement, ou encore les risques routiers liés à la pause d’enrobé. « Les conseillers qui analysent les retombées des actions de prévention tiennent compte de l’environnement de l’entreprise et de sa réalité. Résultat : les chefs d’entreprise sont d’autant plus à l’écoute. Ils souhaitent savoir combien rapporte ce qu’ils ont investi dans la prévention », appuie Joël Poix.

Évitement des coûts

L’étude a été confiée au cabinet Avyso, spécialisé dans l’analyse économique et environnementale, qui prend en compte les coûts évités sur les accidents potentiels et ceux réduits, sur l’absentéisme, par exemple. Pour les plus grandes entreprises, cela influe sur la baisse des cotisations AT-MP et, pour l’ensemble des sociétés, sur le nombre de salariés du BTP en arrêt de travail, estimé en moyenne à plus de 35 000 par jour. Mais cette approche d’évitement du coût ne suffit pas à engager les entreprises les plus réticentes à la prévention. Alors, l’OPPBTP a également étudié les facteurs économiques directement positifs en établissant un bilan action par action sur la base d’une analyse avant-après de tous les postes pour lesquels une action de prévention a été mise en place. Par ailleurs, un bilan prévention met en évidence les résultats obtenus en matière de réduction ou d’élimination du risque. Les mesures qui pourraient altérer l’aptitude physique ainsi que celles qui engendreraient une maladie professionnelle ou de la pénibilité sont analysées. L’étude vérifie aussi si l’outil de prévention contribue au développement personnel des employés.

L’enquête montre que « les entreprises vertueuses en termes de prévention sont davantage rentables et solides », indique le préventeur de l’OPPBTP. Les résultats consolidés de 2014, davantage nourris par les PME et TPE, montrent même que les plus petites structures sont celles qui ont les rendements les meilleurs : elles enregistrent un retour sur investissement très rapide, à un an et demi en moyenne pour un investissement autour de 5 000 euros. « Cela n’a pas de conséquences pour leur trésorerie », constate Joël Poix. L’étude Dimeco révèle que 90 % des actions de sensibilisation améliorent la performance de l’entreprise, par exemple en diminuant l’absentéisme. Et, dans 80 % des cas, ces actions de prévention se traduisent par une amélioration de la pro ductivité.

Chèque santé

« Ces études ont favorisé la prise de conscience qu’il existe un réel retour sur investissement à mettre des moyens dans le capital humain », assure Vincent Daffourd, président fondateur de Chèque santé. Depuis le 1er janvier 2015, ces titres prépayés permettent de financer des frais médicaux jusque-là non pris en charge. Les employeurs incitent leurs salariés à aller se faire soigner chez un ostéopathe ou un kiné si leur complémentaire santé ne rembourse pas la totalité. Chèque Santé compte d’ores et déjà une centaine d’entreprises clientes – des grands groupes pour la moitié – et plus de 350 000 salariés bénéficiaires. Selon Vincent Daffourd, « le BTP fait partie des secteurs les plus à l’écoute ».

* Organisme professionnel de prévention du BTP.

Auteur

  • Rozenn Le Saint