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L’interview : Matthieu Hély Sociologue, Maître de Conférences à Paris Ouest Nanterre-La Défense

L’enquête | L’INTERVIEW | publié le : 06.01.2015 | É. S.

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L’interview : Matthieu Hély Sociologue, Maître de Conférences à Paris Ouest Nanterre-La Défense

Crédit photo É. S.

« La fonction d’employeur met les associations mal à l’aise »

L’emploi associatif est-il plus précaire qu’ailleurs ?

L’emploi atypique est en effet plus important dans le secteur associatif, mais ce constat n’a de sens que si l’on regarde branche par branche. Dans beaucoup d’entre elles – le sport, les loisirs –, les emplois sont par nature dérogatoires. Dans l’aide à domicile, il n’y a sans doute pas beaucoup de différences avec le secteur marchand. Néanmoins, toutes choses égales par ailleurs, les salaires sont inférieurs de 15 % à 20 % dans les associations. De même, 30 % des salariés ne relèvent d’aucune convention collective, contre 8 % dans le secteur marchand. Il n’y a pas de conventions collectives, par exemple, dans l’humanitaire ou dans le commerce équitable. Et quand elle existe, elle n’est pas toujours appliquée. Il faut dire que, bien souvent, les associations ne se pensent pas comme appartenant au monde du travail. La fonction d’employeur les met mal à l’aise, car elle fait exister un lien de subordination dans des structures qui relèvent avant tout du monde de l’engagement. Toutefois, les choses évoluent : dans l’économie sociale et solidaire, le dialogue social est en train de se structurer, des accords collectifs sont signés. C’est un mouvement qui va dans le bon sens.

Comment l’emploi salarié se développe-t-il à côté de statuts comme celui des volontaires ou des bénévoles ?

Les frontières entre ces statuts sont de plus en plus floues. Le service civique est, à ce titre, symptomatique : pour être recrutés, les volontaires répondent à des annonces d’emploi, passent des entretiens d’embauche. Leur statut ne correspond pas à l’usage qui en est fait et qui relève bel et bien d’un emploi. D’ailleurs, la petite baisse des emplois associatifs enregistrée en 2011, après trente ans de croissance, coïncide avec le lancement du service civique ; 13 000 contrats en service civique ont été signés cette année-là, tandis que 10 000 emplois ont été détruits. Ce n’est pas mécanique, mais il y a sans aucun doute un effet. Quant au bénévolat, il change de nature et devient de plus en plus une manière d’acquérir du capital humain et de l’employabilité. On recrute les bénévoles, on les forme, on reconnaît leurs compétences dans le cadre de diplômes, par exemple. Dès lors, au-delà du fait que les affaires de requalification en contrat de travail vont sans doute se multiplier, il y a un risque, si l’on n’y prend garde, de favoriser le travail gratuit en substituant des bénévoles ou des volontaires aux salariés. La généralisation des appels d’offres peut également tirer vers le bas la qualité des emplois.

De quelle façon ?

De plus en plus, le financement des associations passe par la réponse à des appels d’offres lancés par les pouvoirs publics. Elles deviennent ainsi des opérateurs privés de mise en œuvre de la politique publique. Mais ce mouvement de fond incite à proposer des prestations à moindre coût afin d’être sélectionné, et donc à optimiser au maximum la masse salariale. C’est un critère qui figurait, par exemple, noir sur blanc dans un cahier des charges du conseil général de l’Isère.

Si c’est ce schéma qui s’impose, en bout de chaîne, la variable d’ajustement de la mise en œuvre des politiques publiques deviendra le salarié de l’association. Ou bien on assistera à un phénomène de concentrations des structures. Elles chercheront à être plus compétitives en faisant des économies d’échelle sur les fonctions supports et en diversifiant leurs prestations.

Auteur

  • É. S.