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L’enquête

L’EMPLOI ASSOCIATIF  : EN QUÊTE d’attractivité

L’enquête | publié le : 06.01.2015 | ÉLODIE SARFATI

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L’EMPLOI ASSOCIATIF  : EN QUÊTE d’attractivité

Crédit photo ÉLODIE SARFATI

Les associations occupent près de 2 millions de salariés, mais leurs emplois n’ont pas toujours bonne presse, notamment auprès des jeunes. alors que 600 000 départs à la retraite vont intervenir dans l’économie sociale et solidaire durant les prochaines années, les acteurs commencent à se mobiliser pour travailler sur la qualité des emplois et, donc, sur l’attractivité du secteur.

Utiles socialement, porteuses de sens, mais offrant moins de perspectives et moins de stabilité qu’ailleurs. C’est ainsi que les associations sont perçues par les jeunes de 18 à 24 ans, selon une étude TNS Sofres publiée fin novembre pour le Mouvement associatif. Conséquence : à la question « où souhaiteriez-vous travailler dans les prochaines années ? », moins d’un sur dix répond « dans une association ». « Les jeunes méconnaissent la diversité des métiers que l’on peut exercer dans des associations, et s’en tiennent en général à l’humanitaire ou au “care”, analyse Marie Lamy, conseillère technique du Mouvement associatif. Ils pensent que les emplois associatifs sont des emplois d’insertion alors qu’au contraire, les postes sont globalement plus qualifiés que dans les autres secteurs, et que l’accès à la formation continue y est plus élevé. » Pour « battre en brèche les idées reçues », le Mouvement associatif vient de lancer un « prix pour l’emploi de qualité » destiné à valoriser les bonnes pratiques en matière de gestion des parcours, de participation des salariés et de consolidation des emplois.

600 000 DÉPARTS À LA RETRAITE

Pour les associations, l’attractivité n’est pas une question mineure : dans l’économie sociale et solidaire, composée essentiellement de structures associatives, 600 000 départs à la retraite devraient intervenir d’ici à 2020. Et la part des moins de 30 ans y est deux fois moins élevée que dans le reste du secteur privé. C’est notamment ce qui a motivé la signature par les partenaires sociaux de l’ESS d’un accord sur l’emploi des jeunes en février 2014. Il vise à mieux promouvoir les métiers et incite les différentes branches à décliner des actions d’insertion (POE, alternance…) ou encore de GPEC. En Pays de la Loire, un vaste plan d’actions est mené depuis 2013 pour développer l’emploi et les compétences dans les associations d’aide à domicile : « Sur le territoire, les besoins vont s’accroître dans les prochaines années ; les associations ont besoin de recruter des personnes motivées, constate Michèle Janvier, déléguée interrégionale d’Uni-formation, qui pilote la démarche avec la branche, la région, l’Aract et le cabinet Catalys Conseil.

L’un des objectifs de la démarche est de montrer que ce sont de véritables emplois, qui peuvent aussi intéresser les jeunes, et pas des jobs d’appoint. » La mise en place d’une POE collective pour 14 groupes de 12 personnes a par exemple permis de « faire connaître les métiers aux demandeurs d’emploi, à Pôle emploi, aux missions locales ».

Néanmoins, le déficit d’image n’explique pas tout. Fin novembre, un rapport de l’Assemblée nationale consacré aux difficultés du monde associatif a pointé les « désavantages comparatifs » des emplois du secteur. Au premier rang desquels « la précarisation croissante du salariat associatif ». La part des CDI est passée de 53 % en 2005 à 47 % en 2011. « On comptait fin 2012 1,8 million d’emplois dans le secteur associatif, mais seulement 1,5 million en ETP du fait des temps partiels, ajoute Lionel Prouteau, économiste et maître de conférences émérite à l’université de Nantes. S’y ajoute ce que j’appellerais l’emploi en miettes : des vacations de quelques heures, que l’on va trouver dans le spectacle vivant ou dans les activités sportives ou de loisirs ». Dans les branches du sport ou de l’animation, 70 % des contrats sont à temps partiel.

FUITE DES CERVEAUX

Moins exposés à la précarité, les jeunes diplômés ne sont pas forcément plus faciles à fidéliser. Exemple dans les associations agissant dans le champ de l’environnement, qui recrutent de plus en plus de chargés de mission : « Souvent, ils démarrent leur carrière dans les associations où ils sont formés, puis, rapidement, partent dans les collectivités territoriales, voire dans les entreprises, résume Nicolas Richard, secrétaire général de l’Union nationale des centres permanents d’initiatives pour l’environnement (UNCPIE). Nous sommes confrontés à une fuite des cerveaux. » En cause ? Des salaires inférieurs, mais aussi, dans un contexte de diminution des subventions, « des craintes sur la sécurité de l’emploi et la difficulté à proposer à ces salariés diplômés des perspectives d’évolution au sein des structures », avance Brigitte Giraud, la directrice de l’UNCPIE. Certes, ce tableau général demande à être nuancé – dans la branche sanitaire et sociale à but non lucratif, les CDI dépassent les 80 %. Il n’en reste pas moins que, dans certains secteurs, ces contraintes pèsent sur la qualité des emplois offerts et sur la capacité des associations employeuses – aux marges de manœuvre financière souvent réduites – à intégrer durablement leurs salariés. D’où certaines initiatives, lancées par des réseaux ou des collectifs, afin de tenter d’y remédier. Ainsi, le Fonds de coopération de la jeunesse et de l’éducation populaire (Fonjep) a initié un programme de lutte contre le temps partiel subi (lire page 24). La Ligue francilienne de football a soutenu la création de plus de 200 emplois d’avenir en CDI dans les petits clubs (lire page 23).

PROFESSIONNALISER LE MANAGEMENT

De son côté, le Centre de ressources DLA* Environnement (CRDLA-E) déploie depuis 2012 une démarche de GPEC et diffuse auprès des associations des supports de GRH (fiches de poste, référentiels de compétences, grilles d’entretiens annuels…). Comme pour la branche de l’aide à domicile en Pays de la Loire, ces accompagnements permettent, au-delà du seul outillage technique, de « professionnaliser le management. C’est un levier majeur pour faire prendre conscience des enjeux liés à la qualité des emplois, insiste François Paulou, consultant et dirigeant du cabinet Catalys Conseil. En faisant monter en compétences les responsables et les managers de proximité, on les incite à travailler sur la formation et les conditions de travail, à structurer les plannings et les fonctions, à développer le tutorat, à redonner de la lisibilité sur l’organisation… À partir de là, on peut mettre en œuvre des actions en faveur par exemple de la diversification des missions ou de la polyvalence des salariés. Ce qui contribue à stabiliser les contrats et à augmenter les heures de travail ».

La sensibilisation des dirigeants bénévoles à leur activité d’employeur fait aussi partie des chantiers initiés par la branche de l’animation, indique Franck Seguin, délégué général du Conseil national des employeurs d’avenir (animation, sport, tourisme social et familial). Dans le même ordre d’idées, le CRDLA-E a mis en chantier l’élaboration d’une charte employeur. Et s’apprête, en 2015, à passer à une phase de “GPEC dynamique”. « Nous souhaitons, à terme, favoriser les mobilités au sein ou entre les réseaux qui fédèrent les associations environnementales, et ainsi proposer aux salariés de véritables parcours », précise la directrice de l’UNCPIE.

Une autre voie de progrès souvent évoquée est celle de la mutualisation des emplois. Des groupements d’employeurs associatifs se créent dans plusieurs secteurs (lire ci-dessous). « On trouve des compétences communes entre les métiers de branches différentes : la garde d’enfants et l’animation, ou les postes de la petite enfance dans les crèches, complète Michèle Janvier. Les branches commencent à réfléchir à la façon dont elles pourraient construire des emplois à temps partagé. » Les accords dérogatoires sur le temps partiel dans les branches de l’animation et du sport comportent un engagement à amplifier les démarches de mutualisation des emplois. Des chantiers nécessaires, pour Franck Seguin, et pas seulement pour réduire le turnover : « Les associations ont ceci en plus que leurs activités et leurs projets sont porteurs de sens. Nos salariés doivent pouvoir retrouver cette finalité dans leur environnement de travail et dans la GRH qui leur est appliquée. »

* Le DLA, dispositif local d’accompagnement, permet aux associations de bénéficier d’un appui extérieur pour se développer et/ou consolider leur économie.

Auteur

  • ÉLODIE SARFATI