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Vie au travail : Quand l’impolitesse devient une incompétence

Les clés | publié le : 18.11.2014 | Frédéric Brillet

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Vie au travail : Quand l’impolitesse devient une incompétence

Crédit photo Frédéric Brillet

De plus en plus répandu, le manque de savoir-vivre d’un collaborateur peut dégrader le climat social et nuire à la performance de l’équipe si le manager ne prend pas les mesures adéquates.

Un technicien des télécoms reconverti dans le commercial en agence, qui rudoie les clients qui négligent de dire bonjour en entrant ; deux collègues en bisbille qui lèvent les yeux au ciel chaque fois que l’autre prend la parole en public ; des salariés qui parlent trop fort au téléphone, coupent la parole d’autrui ou tutoient abusivement ; négligent de nettoyer ou de ranger les espaces partagés. Autant de situations constatées par Marie-Anne Dufeu, qui organise pour le prestataire de formation Demos des séminaires destinés à remédier au manque de savoir-vivre dans les entreprises.

Même si aucune d’entre elles n’acceptera de laisser entendre que ses salariés peuvent manquer de politesse, les observations de la formatrice sont corroborées par plusieurs enquêtes. Une étude de 2014 du cabinet Éléas, spécialisé dans la lutte contre les risques psychosociaux, montre que près de 50 % des salariés estiment que leurs collègues manquent de politesse au travail. Or la politesse est perçue comme une forme de respect qui contribue au bien-être au travail : selon une enquête menée en 2011 par le cabinet Regus, 68 % des salariés considèrent le respect que leur marquent leurs collègues ou managers comme un « élément clé » de la relation de travail. Et 39 % estiment par exemple que saluer les collègues en début ou en fin de journée contribue à instaurer une bonne culture d’entreprise et un climat serein. Comment expliquer ce recul du savoir-vivre au travail ? Auparavant, les salariés déployaient naturellement dans leur vie professionnelle une politesse qu’ils avaient acquise dans leur vie personnelle. « Aujourd’hui, les parents mettent l’accent sur la réussite scolaire mais font l’impasse sur le reste, et l’individualisme prime : on ne sait plus se mettre à la place de l’autre », analyse la consultante Sophie de la Bigne, fondatrice de L’Art et la manière. Avec la mondialisation et la confrontation de cultures différentes ainsi que la montée de la diversité, les salariés tendent en outre à perdre leurs repères, à interpréter différemment les codes en fonction de leurs origines, âge ou sexe. Résultat, les occasions ou les risques de commettre des impairs se multiplient.

La nouvelle configuration des espaces de travail y contribue également. La généralisation des “open spaces” rend moins supportables les écarts de conduite des collègues trop bruyants ou désordonnés. Enfin, « les restructurations, l’intensification du travail consécutif à la crise accroissent le stress et les manifestations d’agressivité », remarque le consultant Yves Maire du Poset, coauteur de Toutes les clés du savoir-vivre en entreprise (Leduc.s éditions).

Les entreprises auraient tort de négliger de traiter ces situations. Le respect des règles élémentaires de politesse contribue en effet à la cohésion des équipes, à instaurer un climat serein de travail et donc, in fine, à la performance. Sans compter qu’un salarié qui dérape en interne sera plus enclin à manquer de contrôle quand il se trouvera face à un client.

Formation dédiée

Dans un premier temps, il reviendra donc au manager d’y remédier en amenant le collaborateur à s’inscrire à un séminaire adapté. Dans l’idéal, le sujet sera abordé lors de l’entretien annuel d’évaluation, qui constitue une bonne occasion de faire le point sur ses besoins en formation. « Sachant qu’il est délicat de proposer des leçons de savoir-vivre à un collaborateur qui en manque, il est préférable que l’ensemble de l’équipe y soit convié et de présenter le séminaire comme un moyen d’améliorer son aisance relationnelle en toutes circonstances. C’est ainsi que l’on ménage les susceptibilités », insiste Sophie de la Bigne. Dans un second temps, si les personnes concernées ne progressent pas, leur manager devra les faire évoluer vers des postes où ils ont moins d’occasions de contacts avec leurs collègues ou la clientèle.

L’impolitesse peut-elle être une faute caractérisée ? « Tout dépend du secteur de l’entreprise et de la fonction, répond Jacques Brunel, avocat en droit du travail. On sera plus exigeant si le salarié est au contact de la clientèle et/ou s’il travaille dans le secteur du luxe. Dans certains commerces très huppés, le fait de laisser traîner une canette de soda sur le comptoir ou de prendre une communication téléphonique face à un client peut constituer une faute professionnelle pouvant donner lieu à avertissement. De même pour les altercations ou éclats de voix entre collègues. »

Le contrat de travail peut aussi prévoir des obligations du type : « la présentation et le comportement du salarié doivent être en accord avec la clientèle », ce qui inclut la politesse. Des clients mystère permettent aussi d’établir des preuves contre les salariés qui manquent à leurs obligations. « Après une série d’avertissements, l’impolitesse ou le manque de manières envers les collègues ou les clients peuvent devenir une cause réelle et sérieuse de licenciement », avertit Me Brunel.

LES CONSEILS DU COACH

MARIE-ANNE DUFEU

Formatrice à Demos

– 1 –

Expliquez-vous en privé avec le collaborateur

Prenez votre collaborateur en entretien privé, éventuellement en dehors de l’entreprise (« J’aimerais qu’on prenne un moment ensemble en fin de journée. Je vous propose de me retrouver à la brasserie du coin »). Parlez-lui avec respect, sans jugement, car chacun d’entre nous a son histoire. Vous ne connaissez pas la sienne. Lui faire un reproche en public devant ses collègues ou un client sur son manque de savoir-vivre est à proscrire. Comment pointer les mauvaises manières d’un collaborateur et l’amener à s’amender si le manager manque lui-même de tact ?

– 2 –

Appliquez la technique du « pieux mensonge »

Pour aborder ce sujet sensible, vous devez faire preuve d’habileté, sous peine de froisser, voire de braquer votre collaborateur. Pour vous faciliter la tâche, vous pouvez appliquer la tactique du pieux mensonge. En clair, vous compatissez à son problème en expliquant que vous vous permettez d’en parler car vous avez vous-même dû combler cette lacune qui aurait pu nuire à votre carrière. Dans la foulée, vous pouvez recommander une formation qui aidera le salarié à gagner en aisance dans ses relations avec autrui.

– 3 –

Appuyez-vous sur des faits

Faites simple, parlez sans détour au collaborateur concerné en faisant référence à deux ou trois faits précis que vous pouvez évoquer avec certitude. Tâchez d’avoir deux faits supplémentaires en réserve au cas où il conteste le bien-fondé de votre critique. Expliquez-lui combien son attitude est un frein pour lui-même tout en empêchant son entourage de travailler dans la sérénité.

Auteur

  • Frédéric Brillet