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L’interview : Gilles Briens, Avocat associé au cabinet Fromont Briens

L’enquête | L’INTERVIEW | publié le : 11.11.2014 | V. L.

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L’interview : Gilles Briens, Avocat associé au cabinet Fromont Briens

Crédit photo V. L.

« Un acte de politique RH s’est transformé en contrainte »

Quel est le sort des clauses de désignation en cours ? Les entreprises peuvent-elles résilier leur contrat dès lors qu’il arrive à échéance ?

Le 13 juin 2013, le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnelles les clauses de désignation, tout en considérant que sa décision ne pouvait pas s’appliquer dans l’immédiat aux “contrats en cours”, car des millions d’assurés ne pouvaient être privés de garanties du jour au lendemain. Mais les partisans des clauses de désignation ont interprété la notion de “contrat en cours” comme visant l’acte fondateur du régime conventionnel de branche, généralement d’une durée quinquennale. Leur position semble suivie par la Cour d’appel de Paris (arrêt du 16/10/2014, RG no 12/17007). Le débat n’est pas clos. Certaines entreprises estiment qu’elles sont libres de résilier les contrats les liant à un organisme assureur à condition de respecter les délais de prévenance.

Par ailleurs, certaines clauses de désignation sont arrivées à échéance, sans que le nouveau cadre juridique des systèmes de branche – recommandations – soit publié. On se retrouve dans une situation où des salariés qui relevaient d’un régime de branche sont assurés “de fait”. En effet, pour qu’un nouveau contrat, issu d’une recommandation, soit valide, il faudrait que le décret sur la nouvelle procédure d’appel d’offres soit sorti et mis en œuvre. Ce n’est toujours pas le cas.

Nous sommes en pleine “pagaille juridique” : l’ancien système a volé en éclats et n’est remplacé par rien, près d’un an et demi après la décision du Conseil constitutionnel. Pour cette raison, face à un vide juridique, certaines branches ont préféré faire le choix d’une “labellisation” de certains organismes – souscription d’un contrat groupe ouvert par une organisation patronale – pour ne pas laisser leurs adhérents dans l’embarras.

L’employeur doit-il financer 50 % de la totalité de la couverture santé ou seulement 50 % des garanties du panier de soins ?

Certains représentants de la Sécurité sociale ont pris position oralement, lors de débats publics, pour soutenir que cette obligation de financement concerne l’ensemble des régimes et pas seulement le panier de soins minimal légal. Ce n’est pas notre position : si l’employeur finance au moins 50 % du panier de soins minimal défini par décret, le régime est licite. Raisonner autrement serait contraire aux objectifs de l’ANI et entraverait la négociation de régimes plus favorables au niveau des entreprises. Il ne faut pas remettre en cause des systèmes plus favorables que la loi.

Prenons l’exemple d’une entreprise qui proposerait, depuis plusieurs années, une couverture plus favorable que le panier de soins minimum, d’un coût de 60 euros, qu’elle financerait à hauteur de 40 %, soit 24 euros. Les garanties sont supérieures à celles du panier de soins minimal – pour les besoins de l’exemple estimé à 30 euros – ce qui imposerait 15 euros de participation patronale “plancher”. Si on retient l’obligation d’une participation à hauteur de la moitié de la couverture et non plus du panier de soins minimal, l’employeur devrait financer 30 euros, donc dépenser 6 euros de plus, du seul fait qu’il a mis en place un meilleur régime. L’employeur pourrait être tenté de remettre en cause son engagement et imposer une couverture inférieure d’une valeur de 48 euros, pour que sa participation soit toujours de 24 euros.

Il ne faut pas pénaliser les employeurs socialement performants.

Quels effets aura, selon vous, le nouvel environnement des contrats collectifs en complémentaire santé sur les politiques menées par les DRH ?

Les DRH déplorent que les régimes “frais médicaux” soient désormais totalement encadrés et qu’ils ne présentent presque plus d’intérêt en termes d’optimisation des rémunérations : le panier de soins minimal, les contraintes du contrat responsable, le forfait social, la fiscalisation de la contribution patronale, notamment, font que ce qui était un « plus » en termes de ressources humaines est devenu la gestion d’une nouvelle contrainte.

On peut craindre que ce constat tire les régimes “vers le bas”, à l’encontre des objectifs recherchés par les négociateurs de l’ANI, et que la protection sociale complémentaire ainsi instrumentalisée soit désormais le déversoir des déficits de la Sécurité sociale.

Auteur

  • V. L.