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L’enquête

FORMATION : Une collecte solide POUR DES OPCA FRAGILES

L’enquête | publié le : 04.11.2014 | LAURENT GÉRARD

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FORMATION : Une collecte solide POUR DES OPCA FRAGILES

Crédit photo LAURENT GÉRARD

La collecte 2014 des organismes paritaires collecteurs agréés et des fonds d’assurance formation (hors Fongecif) sur les masses salariales 2013 est encore en augmentation, de presque 2 %. Mais la réforme en cours prévoyant la réduction des moyens à l’avenir, les Opca vont-ils devoir vendre des services aux entreprises ? Le débat est ouvert.

Vendront-ils des services ou pas ? Sous quelle forme ? Contre quelle rétribution ? Le débat sur la vente par les Opca de services (gestion RH, GPEC, diagnostics en tous genres, conseils…) aux entreprises est tendu. Plusieurs collecteurs envisagent cette option car, dès 2016, leur collecte va mécaniquement baisser du fait de la réforme en cours, qui fait passer l’obligation légale de formation de 1,6 % à 1 % de la masse salariale pour les entreprises de plus de 10 salariés. Prévoyant qu’ils n’auront plus les moyens de proposer « gratuitement » ce qu’ils offrent aujourd’hui à leurs entreprises adhérentes, certains Opca envisagent de le leur « vendre », comme l’expliquait le nouveau directeur d’Opcalia dans nos pages il y a quelques semaines (voir Entreprise & Carrières n° 1207, p. 9). Mais ce sujet fait débat : tous les Opca ne sont pas sur la même longueur d’ondes ; le décret n° 2014-1240 du 24 octobre (lire p. 13) sur les collecteurs ne tranche pas la question et « le marché » observe cette possibilité avec attention, estimant qu’il est hors de question que les Opca prennent sa place. Tensions et préparation de saisie juridique sont dans l’air. Les trois directeurs de collecteur qui s’expriment dans ce dossier marchent d’ailleurs sur des œufs. Beaucoup d’autres n’ont pas souhaité répondre à nos questions.

En attendant des clarifications juridiques, qu’en est-il de la collecte 2014 sur les masses salariales 2013 ? Selon nos calculs, cette collecte hors Fongecif est de 5,99 milliards d’euros contre 5,88 l’année précédente, soit une hausse de 1,76 %. Ce chiffre de 5,99 est cependant minoré par l’absence de réponse de la métallurgie à notre questionnaire. Les comptes n’étant pas encore définitifs et validés par les partenaires sociaux de la branche, les chiffres de l’année passée ont été repris ici. Quelques dizaines de millions d’euros manquent peut-être, mais les ordres de grandeur sont là.

UN CHIFFRE EN CROISSANCE

Constat : le chiffre de la collecte est encore en croissance, soit que la masse salariale globale augmente, soit que les entreprises choisissent par confort et par intérêt de verser davantage de fonds « plan » aux Opca. C’est ainsi que les sociétés de 10 salariés ou plus leur confient une part croissante de leur contribution au plan de formation, notamment pour externaliser la gestion des conventions avec les organismes de formation. Ces fonds, qui transitent par les collecteurs, représentent depuis plusieurs années la moitié de l’ensemble de l’effort financier déclaré par les entreprises en matière de formation continue, et permettent d’en mutualiser une partie pour financer des politiques de formation de branche ou d’entreprise.

UN BILAN DE LA MUTUALISATION

La fameuse mutualisation, justement ! Une note de la Dares (ministère du Travail) de janvier 2014 (n° 007) la décrit de manière explicite : « Les entreprises de moins de 20 salariés reçoivent chaque année de la part des Opca de l’ordre de 500 millions d’euros de plus que ce qu’elles ont versé, en provenance des entreprises de taille supérieure, affirme le ministère. Ceci représente un abondement de 80 % pour celles de moins de 10 salariés et de 40 % pour celles de 10 à 19 salariés. En corollaire, cet abondement entraîne une perte de 10 % à 25 % pour les entreprises de 20 salariés et plus. Ainsi, en 2011, les entreprises de 2 000 salariés et plus ont versé 268 millions d’euros – soit 0,2 % de leur masse salariale – de plus que ce qu’elles ont perçu. »

Cette redistribution des grandes entreprises vers les petites s’opère à travers la professionnalisation (contrat, période), le DIF et le CIF. Pour celles de moins de 20 salariés, ces subventions représentent deux à trois fois la somme qu’elles versent aux Opca au titre de la professionnalisation, et plus de cinq fois pour le CIF.

Sur le plan de formation, c’est plus subtil : la redistribution interclasse (des grandes vers les petites) est faible (2,7 %), mais la redistribution intraclasse (entre entreprises de même famille de taille) n’est pas négligeable (15 %), et elle est « certainement un peu sous-évaluée, car ne tenant pas compte des versements au-delà du seuil et non utilisés », note la Dares. Qui ajoute : « De plus, les petites entreprises sont moins nombreuses en proportion à être subventionnées par les Opca. Mais, lorsqu’elles le sont, le niveau relatif des aides est bien plus important. »

Au final, dans cette mutualisation intraclasse, 40 % des entreprises de plus de 10 salariés sont perdantes, 31 % consomment ce qu’elles versent et 29 % sont gagnantes. Ce dernier taux croît avec la taille de l’entreprise (24 % des 10-19, 40 % des 50-199, 45 % des 200-499), puis s’écroule à 3 % pour celles de 500 à 1 999. Ce qui confirme que la mutualisation sur le plan profite aux entreprises de 50 à 500 salariés : celles qui sont justement les grandes perdantes de la réforme actuelle.

Autre résultat fort intéressant : cette note de la Dares démontre que les entreprises qui ne dépensent que l’obligation légale ne représentent que 30 % de l’emploi salarié, ce qui signifie que les 70 % restants sont employés dans des entreprises dépassant leur obligation et potentiellement intéressées par la mutualisation !

Ces constats désavouent les “instituts” qui affirment que la mutualisation est une vue de l’esprit, et jettent un trouble sur les analyses parlementaires qui ont débouché sur plusieurs réformes. Mais les partenaires sociaux auteurs de la réforme en cours ne l’ont pas entendu et ont mis fin pour une bonne part à l’obligation légale sur le plan. Laissant les entreprises seules face à leur capacité de financement de l’effort de formation. Beaucoup craignent son effondrement en 2016.

Auteur

  • LAURENT GÉRARD