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Enquête

UN DIFFICILE COMPROMIS SUR LES JOURS DE RTT

Enquête | publié le : 02.09.2014 | N. L.

Depuis cet été, chaque salarié d’ExxonMobil France a 3 jours de RTT en moins et 5 jours de RTT choisis par les managers, en contrepartie d’une petite prime salariale. Un accord majoritaire a été signé, non sans mal.

Pour accroître sa compétitivité et mieux faire face à la concurrence, en provenance notamment du Moyen-Orient, de Chine et d’Inde, la direction des sociétés du groupe ExxonMobil en France entame en février 2014 une révision de l’organisation du temps de travail avec ses interlocuteurs syndicaux.

D’emblée, alors que les salariés disposent de 10 à 16 jours de RTT, la direction propose une réduction de 3 JRTT et une préfixation de 5 JRTT par les managers, en y ajoutant une prime mensuelle égale à 1,5 % du salaire de base. « Nous ne voulions pas d’un accord de maintien dans l’emploi, souligne le DRH, Bastien Durrleman, car la crise est profonde, pas ponctuelle. Nous souhaitions des efforts plus nets, plus durables, sans contrepartie en matière d’emploi. Des efforts réalistes compte tenu des conditions sociales avantageuses inscrites dans la convention collective du pétrole et de très nombreux accords d’entreprise. »

Après quatre réunions de négociation, l’accord est mis à signature début avril et paraphé par la seule CFE-CGC, ce qui ne permet pas sa validation. Dans plusieurs communications au personnel, la direction prévient que faute d’une deuxième signature, elle « n’aura pas d’autre choix que de dénoncer les accords en place », ce qui « entraînerait de facto la remise à plat de nombreux éléments » « qui dépassent largement le seul cadre des JRTT ». Une pression regrettable sur les syndicats, déplorent plusieurs d’entre eux.

« Ils ont pu avoir ce sentiment, mais ce n’était pas le but, explique le DRH. Nous voulions mettre les salariés au courant des impacts réels en cas d’absence d’accord. » Prête à faire des efforts, la CFDT souhaitait laisser le choix aux salariés entre une baisse des JRTT avec prime salariale et le maintien des JRTT sans prime. Peine perdue. Embarrassée, elle finit toutefois par signer en mai, moyennant quelques amendements.

Force ouvrière, hostile à l’accord comme la CGT, considère que la négociation a été viciée. « Après la première mise à signature, début avril, il y a eu des discussions bilatérales, officieuses, et des évolutions du texte, sans nouvelle réunion de négociation, argumente Reynald Prévost, coordinateur syndical FO. Nous allons demander prochainement l’annulation de l’accord pour manque de loyauté devant le tribunal de Nanterre. Nous sommes prêts à des efforts, par le biais d’une modération salariale, mais pas en augmentant le temps de travail et la pénibilité. » La direction, elle, considère « avoir mené la négociation en toute transparence, sans effet de surprise ».

En attendant, l’accord s’applique depuis début juillet, avec effet rétroactif au 1er janvier. Les salariés qui avaient entre 10 et 16 JRTT en perdent 3 et les managers peuvent positionner 5 JRTT sur les plannings. Sur le site de Gravenchon (76), qui emploie 2 000 salariés, le gain de productivité annuel est estimé à 30 salariés en ETP, selon Bastien Durrleman. « Cet accord est un bon compromis, qui permet d’appréhender l’avenir avec moins d’inquiétude, assure Patrick Dubus, coordinateur syndical CFE-CGC. Nos adhérents et sympathisants, que nous avions sondés, s’étaient dits prêts à consentir ces efforts. »

Préfixation de cinq jours de RTT

« Les nouvelles modalités handicapent beaucoup les personnels en 3 x 8, soit environ 30 % des salariés, déplore au contraire le représentant FO. Ils vont désormais avoir 5 JRTT imposés le jeudi, seul jour en rythme de journée, alors qu’avant, ils pouvaient poser leurs JRTT plutôt le week-end ou les nuits. Cela augmentera la pénibilité pour ces salariés postés. » Pour le DRH, « cette préfixation des JRTT a été clairement évoquée dans les négociations. Elle permet de gagner en productivité, car la charge de travail était faible certains jeudis. » L’accord court jusqu’à fin 2018, période à laquelle les partenaires sociaux se réuniront pour décider de son éventuelle reconduction… sauf rebondissement judiciaire d’ici là.

EXXONMOBIL FRANCE

• Activité : production et vente de produits pétroliers et pétrochimiques.

• Effectif : 3 500 salariés.

• Chiffre d’affaires en 2013 : près de 20 milliards d’euros.

Auteur

  • N. L.