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Enquête

« Développer l’emploi partagé passe par la levée d’un obstacle fiscal »

Enquête | publié le : 26.08.2014 | VIOLETTE QUEUNIET

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« Développer l’emploi partagé passe par la levée d’un obstacle fiscal »

Crédit photo VIOLETTE QUEUNIET

E & C : Constatez-vous une professionnalisation des directeurs de groupements d’employeurs ?

P. F. : Oui, le niveau de compétences a indéniablement augmenté. Je le constate au travers des interventions que je mène dans les groupements d’employeurs depuis 1999 et dans l’évolution des problématiques. Il y a dix ou quinze ans, deux questions revenaient le plus souvent : celle de la responsabilité solidaire – le fait que les entreprises adhérentes sont responsables des dettes sociales et salariales du groupement – et celle du risque concurrentiel que peut faire courir un salarié qui travaille dans deux ou trois entreprises.

Aujourd’hui, ce genre de questions a totalement disparu, du moins chez les directeurs qui ont une certaine ancienneté et maîtrisent maintenant très bien tous les éléments d’un groupement. J’ajoute que la professionnalisation concerne aussi les conseils d’administration.

La majorité des membres connaissent bien le dispositif. Quand, en plus, le directeur financier d’une grande entreprise siège au bureau, le niveau de discussion change fortement.

E & C : Quels sont aujourd’hui leurs sujets de préoccupation ?

P. F. : La capacité des entreprises à maintenir leur engagement dans la durée. Dans un contexte économique difficile, les entreprises adhérentes ont plus de difficultés à s’engager sur des CDI. Aujourd’hui, le CDI est donc plus difficile à atteindre, même si cela reste l’objectif des groupements d’employeurs. C’est d’ailleurs plus attractif financièrement: lorsque le coefficient de facturation reste le même pour un CDD ou un CDI, il est plus rentable de recourir au CDI, puisqu’il n’y a pas de prime de précarité à verser.

E & C : Les groupements d’employeurs proposent, avec le temps partagé, une réponse à la précarisation des emplois. Pourquoi ce modèle ne s’est-il pas davantage généralisé ?

P. F. : Cela paraît, au premier abord, être LA solution. Mais elle est très compliquée à mettre en œuvre. Un groupement d’employeurs ne crée pas d’emplois: il mutualise différentes demandes de ses adhérents.

Il faut arriver à trouver deux ou trois entreprises avec des saisonnalités différentes sur un même bassin d’emploi pour proposer un poste à un salarié, qui va s’adapter à ces deux ou trois entreprises et le transformer en CDI. Cela représente une telle conjonction de difficultés que je suis toujours étonné quand un CDI est créé ! C’est pour cette raison que les groupements d’employeurs n’arriveront jamais aux mêmes chiffres que l’intérim: ils n’ont pas les mêmes objectifs et ne sont d’ailleurs pas concurrents.

Autre caractéristique : le groupement d’employeurs est un dispositif de bassin d’emploi. Son aire géographique est limitée et se situe surtout en zone rurale. Il n’y a pas de GE dans les grandes villes. Une entreprise adhère à un groupement lorsqu’elle est dans un secteur en tension, quand elle ne trouve pas la main-d’œuvre facilement. C’est pourquoi les GE les plus importants se trouvent souvent dans des bassins où, sans un groupement, aucun emploi n’aurait été créé.

E & C : Quelles seraient les pistes de développement des groupements d’employeurs ?

P. F. : La possibilité de constituer des groupements mixtes – avec des adhérents soumis à la TVA et d’autres non soumis à la TVA – serait un véritable gage de développement. C’est impossible aujourd’hui pour des raisons fiscales, ce qui conduit à avoir sur un même bassin d’emploi deux groupements, un pour chaque type d’adhérents. Or, dans les territoires où sont implantés les GE, on voit bien qu’il y a une demande de mutualisation des emplois entre le secteur associatif et le secteur marchand. Seul un groupement mixte pourrait jouer pleinement son rôle en matière d’aménagement du temps de travail. Un salarié pourrait faire par exemple 10 heures à la mairie, 15 heures dans une association et le complément dans une TPE locale.

Les groupements se battent aujourd’hui pour lever cet obstacle fiscal.

Plus généralement, c’est sur les petites structures que se situe l’axe de développement des groupements, pas sur les grandes entreprises, qui n’en ont qu’un besoin ponctuel.

L’autre axe de développement est l’élaboration d’une convention collective. L’avenir des groupements passe par là, parce qu’un secteur n’est véritablement reconnu que lorsqu’il a une convention collective. Mais, pour ce faire, il faut qu’il y ait un syndicat de groupements d’employeurs représentatif, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

* Coauteur des Groupements d’employeurs, éd. Liaisons, 2008.

Auteur

  • VIOLETTE QUEUNIET