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LE RENDEZ-VOUS DE LA FORMATION

Le chantier de l’efficacité

LE RENDEZ-VOUS DE LA FORMATION | Enjeu | publié le : 10.06.2014 | LAURENT GÉRARD

L’effort global des entreprises françaises en matière de formation professionnelle va diminuer du fait de la disparition de l’obligation légale de financement, DGEFP et Medef en conviennent (lire Entreprise & Carrières n° 1195). Mais qu’en sera-t-il de celui des grandes entreprises, voire très grandes, de plus de 2 000 salariés ? Leur effort formation est aujourd’hui, en moyenne, de 3,78 % de la masse salariale et, pour elles, le 1,6 % n’a guère d’impact.

Deux études parues la semaine dernière donnent à cette question des réponses concordantes. Ainsi, selon celle réalisée en mai par les cabinets conseil Karistem et Paradoxes auprès de 22 entreprises du CAC 40, 50 % de ces dernières pensent maintenir leur niveau de financement malgré la suppression de l’obligation fiscale de financement du plan de formation. Mais 37 % avouent ne pas savoir ce qui se passera et 13 % prévoient d’ores et déjà une diminution de l’effort.

Mêmes tendances exprimées par les résultats de l’étude du cabinet conseil Caraxo, menée en avril auprès de 130 entreprises réunissant 1 million de salariés; 64 % de ces entreprises prévoient un maintien de l’effort, 22 % annoncent d’ores et déjà une baisse et 14 % restent dans l’incertitude. « La raison de cette diminution ?, s’interroge Philippe Bernier, dirigeant de Caraxo. Peut-être une vision de la formation comme un centre de coûts et non de profits, ou la nécessité de réapprendre à communiquer sur les effets de la formation, non pas au travers de son coût, mais de son efficacité. »

Efficacité, c’est bien le mot. Et, sur ce sujet, les autres constats de l’étude Caraxo (comme ceux de l’étude Karistem-Paradoxes, lire p. 9), laissent songeur.

Premièrement : seule la moitié (53 %) des grandes entreprises (on laisse imaginer la réponse des TPE et PME…) se dit « en mesure de déterminer le nombre de salariés n’ayant pas bénéficié de formation depuis six ans » ; 30 % reconnaissent n’avoir « aucune possibilité de déterminer les non-formés » et 17 % « ne savent pas actuellement si cette analyse est réalisable dans leur entreprise ».

Ce qui fait dire à Philippe Bernier : « Même si l’obligation porte sur une mesure dans six ans – la loi ne pouvant être rétroactive –, c’est dès maintenant qu’il faut suivre ces indicateurs pour faire le bilan formation vis-à-vis des représentants du personnel, et pour se laisser le temps de réajuster l’écart d’accès à la formation. »

Deuxièmement: seuls les deux tiers (66 %) des grandes entreprises interrogées effectuent un entretien professionnel au moins tous les deux ans pour 100 % de leurs salariés. « Il reste donc un peu moins de deux ans pour les généraliser, puisque le compte à rebours a démarré le 7 mars 2014, conclut Philippe Bernier. Dès lors, tous les entretiens devront, pour la première vague, être réalisés au plus tard pour le 6 mars 2016, sous peine de défaut de garantie d’accès à la formation et donc de sanctions, notamment pécuniaires ! »

Constats préoccupants

Ces constats sur les capacités d’identification des salariés à problèmes par les entreprises sont préoccupants, et s’ajoutent à deux autres avis peu engageants de leur part. Ainsi, seul un quart des entreprises (24 %) croient que « le CPF répond à une attente des salariés pour favoriser leur évolution professionnelle » (40 % de non et 36 % d’indécis), et seul un tiers d’entre elles (35 %) voient « la réforme actuelle comme un moyen de développer la formation en entreprise » (39 % de non et 26 % d’indécis).

Ces réponses peu optimistes interrogent fortement la capacité des entreprises à aider les salariés à se construire une stratégie pédagogique, à gérer leur CPF et à se diriger dans la réforme. En ce sens, le conseil en évolution professionnelle, mis en lien avec le bilan de compétences rénové (aujourd’hui moins de 1 % de la population active l’utilise, soit entre 60 000 et 70 000 bénéficiaires par an), s’annonce comme une pierre angulaire du dispositif (lire ci-contre l’interview de Serge Rochet). Sera-t-il à la hauteur ?

Auteur

  • LAURENT GÉRARD