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Enquête

LA PLUPART DES RÉGIMES DEVRONT ÊTRE RENÉGOCIÉS

Enquête | publié le : 10.06.2014 | V. L.

Au-delà de la généralisation de la complémentaire santé, un autre dossier préoccupe les entreprises : la mise en conformité avec les contrats responsables “nouvelle formule” pour le 1er janvier 2015. Un chantier qui s’annonce très lourd, selon la plupart des experts.

La loi de financement de la sécurité sociale pour 2014 avait annoncé la réforme des conditions du contrat responsable : mise en place de plafonds de remboursement et limitation de la prise en charge des dépassements d’honoraires. L’objectif étant d’améliorer le niveau de couverture minimale, tout en mettant fin à la solvabilisation par les complémentaires de pratiques tarifaires excessives.

Le projet de décret précise le panier minimal des garanties et les plafonds applicables à certains postes de soins que doivent respecter les contrats complémentaires en santé pour bénéficier des aides fiscales et sociales attachées à ce dispositif.

La dernière version du décret retenait une prise en charge des dépassements tarifaires dans la limite de 100 % du tarif opposable pour les soins délivrés par les médecins n’ayant pas adhéré au contrat d’accès aux soins.

S’agissant de l’optique, le texte prévoit plusieurs niveaux de prise en charge, sur deux ans, sauf pour les enfants et en cas d’évolution de la vue nécessitant un changement plus précoce. Pour les verres simples, la prise en charge se situe au minimum à 50 euros et au maximum à 450 euros. Pour les verres complexes, la fourchette est comprise entre 200 et 700 euros, et de 125 euros à 575 euros pour les équipements associant un verre simple et un verre complexe. Le remboursement des lentilles et de la monture est limité à 100 euros.

La prise en charge des dépassements d’honoraires s’effectue dans une limite de 125 % du tarif opposable pour les soins délivrés en 2015 et 2016.

Si le contenu du contrat responsable satisfait la CFDT, ce n’est pas le cas de FO. « Il est sidérant de voir les pouvoirs publics dégager en touche en basculant la régulation de l’offre vers l’assurance complémentaire », conteste Philippe Pihet*, secrétaire confédéral FO. Et, le 16 mai, Jean-Claude Mailly, dans un courrier adressé au Premier ministre, émettait ses réserves : « Cet encadrement va, sinon bloquer, à tout le moins restreindre les marges de manœuvre, y compris dans les entreprises, particulièrement en matière de négociations salariales. En effet, il arrive fréquemment que la négociation bloque sur le salaire direct et que la couverture complémentaire soit une porte de sortie pour la négociation. »

Un dispositif critiqué aussi par le Centre technique des institutions de prévoyance (Ctip) dans un communiqué en mars : « Le principe même de l’instauration d’un plafond n’est pas sans risque. Trop haut, il permet un effet d’aubaine pour certains professionnels de santé. Trop bas, il risque de reporter l’effort sur l’assuré. »

Des délais trop courts

De leur côté, les employeurs, les courtiers et les assureurs sont inquiets du timing de déploiement prévu. « Il serait raisonnable de repousser le calendrier d’un an, plaide Yves Trupin*, conseiller en protection sociale au cabinet Actense. Comment imaginer que les entreprises seront prêtes ? Des dizaines de milliers de contrats et de régimes doivent être adaptés. » L’employeur devra informer et consulter le comité d’entreprise et, selon la rédaction initiale de l’acte de droit du travail formalisant le régime (accord collectif, référendum ou décision unilatérale), envisager la rédaction d’un avenant, explique aussi Pascale Baron, avocate au cabinet Rigaud associés.

Groupama Gan a calculé que, dans son portefeuille, trois contrats santé sur quatre comportent des garanties ne respectant pas les limites que devrait instituer le nouveau dispositif. « Entre 90 % et 95 % des contrats du marché ne sont pas conformes aux futures exigences », affirme également Pierre-Alain Boscher d’Optimind Winter. Et chez Harmonie mutuelle, c’est 99 % du portefeuille qui est à remettre à plat.

Les entreprises qui ne mettraient pas leur contrat en conformité ne pourront pas bénéficier de l’exonération de charges sociales sur les contributions employeurs. « La taxe spéciale sur les contrats d’assurance (TSCA) applicable au régime serait également majorée de 7 % à 14 % », rappelle Pierre-Alain Boscher.

Autre problème, « la surcomplémentaire ou le régime optionnel deviendrait non responsable, avec un risque de requalification possible de l’ensemble du contrat », poursuit Pierre-Alain Boscher. D’après lui, deux hypothèses quant à l’impact d’une option facultative non responsable sur le dispositif santé obligatoire s’opposent pour le moment.

La première remet en cause l’ensemble du dispositif (base + options). Dans ce cas, les contributions employeurs pour la base ne bénéficient plus des exonérations de charges sociales, et la taxation passe de 7 % à 1 4%. La seconde hypothèse ne remet pas en cause le caractère responsable de la base. L’option serait néanmoins taxée à hauteur de 14 %.

« En attendant une position claire de la part de la Direction de la sécurité sociale, conseille Pierre-Alain Boscher, il serait prudent de ne pas inclure à ce stade d’option facultative et de laisser la charge aux assureurs de proposer des complémentaires santé individuelles. »

Malgré les contraintes, un point positif peut-être… « Comme il faudra repasser au marbre les tableaux de garanties, proposer des arbitrages en matière de cotisations, cela peut être une opportunité de redéfinir le type de solidarité souhaité, d’adapter les engagements des réseaux de santé et de responsabiliser les partenaires sociaux dans la construction des couvertures », avance Olivier Huet, directeur grands comptes d’Harmonie mutuelle.

* Propos tenus lors d’une conférence organisée par Mutex, avec l’ANDRH et le Cedap (Centre d’études des directeurs d’associations professionnelles), le 13 mai 2014.

Auteur

  • V. L.