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Un an après, les accords de maintien de l’emploi ont raté leur cible

Actualités | publié le : 10.06.2014 | HUBERT HEULOT

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Un an après, les accords de maintien de l’emploi ont raté leur cible

Crédit photo HUBERT HEULOT

Il y a un an, la loi de sécurisation de l’emploi permettait aux entreprises en difficultés économiques de négocier baisses de salaires et allongement du temps de travail en échange de garanties sur l’emploi. Mais elles n’ont pas utilisé cette possibilité, finalement trop incertaine.

« Vous voulez mon sentiment ? Il n’y avait pas besoin d’une loi pour cela. » L’aveu est de Dominique Gillier, secrétaire national CFDT de la métallurgie. Pourtant, ce 11 janvier 2013, la CFDT est la principale organisation, avec la CFTC et la CFE-CGC, à consacrer, dans l’accord national interprofessionnel qu’elles viennent de signer, les accords de maintien de l’emploi – échange temporaire de baisse des salaires et d’allongement du temps de travail contre préservation des emplois. Ce compromis inédit, vertement critiqué par la CGT et FO, était dans le même temps salué par d’autres observateurs, qui y voyaient le premier pas vers un nouveau modèle de relations sociales dans l’entreprise. Mais, un an après sa transposition dans la loi de sécurisation de l’emploi, votée le 14 juin suivant, cette disposition phare est restée quasiment sans effet.

Une petite poignée d’entreprises seulement l’ont utilisée. Mahle Behr ou Walor font figure d’originales. « Les accords de maintien de l’emploi ont été imaginés pour faire face à des difficultés conjoncturelles. Aujourd’hui, on en est loin. Les entreprises, pour beaucoup d’entre elles, sont aussi, voire surtout, en pleine adaptation structurelle », avance Stéphane Béal, avocat associé du cabinet Fidal, directeur du département droit social. Signés pour deux ans, ces accords de maintien de l’emploi ne répondent donc pas à ce besoin.

Les mesures qu’ils mettent en œuvre ont pu aussi manquer leur cible. Les baisses de salaires dégagent d’autant plus de marges qu’ils sont élevés au départ. « Mais, dans l’industrie – le secteur qui a le plus besoin de se restructurer –, ils sont déjà bas, poursuit l’avocat. Comme la loi prévoit qu’ils ne puissent pas descendre en dessous de 1,2 fois le smic, les entreprises ne tireraient pas tant d’économies que cela d’un accord. Dès lors, pourquoi se lancer dans de longues négociations si l’objectif économique paraît d’emblée maigrichon? »

Manque de pertinence

L’allongement de la durée du travail perd aussi de sa pertinence dans des entreprises déjà bien organisées. Par exemple, la suppression de jours de RTT, si elle fait dans certains cas s’approcher du maximum annuel de 1 607 heures, oblige l’entreprise à rémunérer, au-delà, des heures supplémentaires.

Dominique Gillier constate lui aussi une certaine inadéquation des accords de maintien de l’emploi: « À l’époque, l’actualité accordait la priorité au fait de dégager de la compétitivité pour les entreprises. Mais celles qui s’y sont attelées l’ont fait en dehors du nouveau cadre légal. » C’est le cas de Renault, PSA ou STX à Saint-Nazaire. Principale raison, selon le syndicaliste: « Si elles mènent des négociations sincères et loyales », elles disposent déjà de tous les moyens légaux pour obtenir des efforts de leurs salariés en matière de rémunérations ou de temps de travail. « Des quantités de possibilités de dérogations existent. » Pourquoi s’imposeraient-elles les contreparties prévues par la nouvelle loi ? D’autant que, dans les groupes, selon Stéphane Béal, l’engagement prévu sur l’emploi est « psychologiquement difficile à faire accepter à un actionnaire étranger ».

L’accord de maintien de l’emploi souffre aussi de certaines incertitudes juridiques. En particulier le fait que l’entreprise doive affronter des difficultés économiques « graves » pour pouvoir mettre en œuvre un accord de maintien de l’emploi. L’adjectif ne figurait pas jusqu’ici dans les conditions du licenciement économique. Plus rebutant pour l’entreprise, l’accord modifiant des éléments essentiels des contrats de travail. Il doit être accepté par chaque salarié, sinon son refus donne lieu à un licenciement économique individuel. C’est la porte ouverte au départ de tous les salariés qui le choisissent, y compris les détenteurs des compétences clés, sans que l’entreprise puisse maîtriser le nombre ou le profil des partants, comme dans un plan de sauvegarde de l’emploi. L’accord de maintien de l’emploi lui fait ainsi courir le risque de perdre de sa substance. « Elle paie deux fois si elle doit recruter par la suite pour compenser les départs », renchérit Stéphane Béal. Mahle Behr a vu ainsi partir 15 % de ses effectifs.

En dépit de ces carences, les accords de maintien de l’emploi restent « à sauver, estime-t-il, pour l’esprit de dialogue qui les a inspirés et parce qu’ils peuvent correspondre à certaines entreprises ». Pour Dominique Gillier, ils constituent une référence de méthode pour le dialogue en entreprise à partir d’un diagnostic partagé. Il y voit aussi un outil important dans les petites entreprises, « quand les difficultés économiques poussent parfois les directions à imposer n’importe quoi aux salariés ». Une façon, pour l’un et pour l’autre, de promettre un avenir meilleur à une disposition légale jusqu’ici inopérante.

Auteur

  • HUBERT HEULOT