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Bilan décevant malgré de gros enjeux

Actualités | publié le : 27.05.2014 | NICOLAS LAGRANGE

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Bilan décevant malgré de gros enjeux

Crédit photo NICOLAS LAGRANGE

Les entreprises du CAC 40 délivrent de plus en plus d’information en matière de RSE, mais pèchent sur la qualité des données, font l’impasse sur certains thèrmes et en discutent peu avec leurs IRP. C’est la conclusion du 10e rapport annuel du groupe Alpha, publié le 21 mai, alors que s’est ouverte la saison des AG d’actionnaires.

La majorité des entreprises examinées « se conforment à la lettre de la loi sans en respecter l’esprit » : d’emblée, le 10e rapport annuel du Centre Études & Prospective du groupe Alpha auprès des entreprises du CAC 40 donne le ton*.

Les groupes étudiés fournissent en moyenne 90 % des informations requises par la réglementation, indique le rapport, mais la qualité, elle, ne dépasse pas 60 %, alors que la loi est applicable depuis l’exercice 2002. Avec des situations très disparates selon les entreprises, puisque Danone, Veolia et Technip sont très bien notés, tandis que d’autres comme Capgemini affichent de faibles performances (voir le graphique ci-dessous). « Attention, il ne s’agit pas d’un jugement sur la qualité de la politique sociale des groupes, mais d’une appréciation sur leur reporting mondial, précise Natacha Seguin, auteur du rapport et chargée de mission au Centre Études & Prospective. Les responsables RSE dans les entreprises sont souvent très impliqués dans leur mission, encore faut-il que les dirigeants le soient aussi et qu’ils portent le sujet. »

L’externalisation peu évaluée

Si la qualité de l’information fournie sur le périmètre monde est plutôt bonne en matière de formation et d’employabilité, de santé et de sécurité ou d’organisation du travail, elle est faible sur des « sujets pourtant jugés primordiaux par les représentants du personnel et syndicaux », relève le rapport, qui pointe « une information sur l’externalisation de l’emploi toujours aussi médiocre ». Moins de la moitié des entreprises quantifient le recours au travail intérimaire, à l’instar de Michelin, qui ne fournit aucun chiffre, et moins d’une entreprise sur cinq quantifie le recours à la sous-traitance… des données pourtant obligatoires.

« En dépit des discours et des engagements sur les achats responsables, l’évaluation managériale valorise souvent la propension à acheter au meilleur prix, bien plus que la capacité à identifier les impacts potentiels en termes de RSE. » Si Technip, Lafarge et Air Liquide fournissent des informations satisfaisantes sur les sous-traitants et fournisseurs, ce n’est pas le cas de Total, de Renault, du Crédit agricole ni celui de Safran et encore moins de Pernod Ricard ou Legrand.

Autre sujet délaissé dans les informations relatives à la RSE : les restructurations. Un thème sur lequel les deux tiers des entreprises, comme Air Liquide, EDF ou Schneider Electric, ne livrent pas d’informations chiffrées, voire pas d’informations du tout (nombre de salariés concernés, mesures d’accompagnement, etc.), contrairement à Lafarge et Publicis. Enfin, les informations sur la représentation du personnel dans les différents pays sont considérées comme très insuffisantes et hétérogènes. « Le sujet est complexe à l’échelle d’un groupe, mais les indicateurs sont laissés à la discrétion des entreprises, ce qui rend impossibles l’évaluation et les comparaisons. Et il n’y a pas de sanction envers les entreprises qui ne fournissent pas les données. Par ailleurs, les IRP sont le plus souvent consultées sur les données RSE quand tout est finalisé. »

Et l’auteure de préconiser la possibilité pour les représentants du personnel et les organisations de la société civile d’insérer leur avis sur le reporting RSE dans le rapport de gestion remis aux actionnaires…nbsp; Lafarge le fait déjà dans son rapport de développement durable. « Ce qui implique que les IRP soient plus volontaristes, ajoute Natacha Seguin, se saisissent des rapports RSE, qui sont des mines d’informations et parviennent à diffuser les enjeux à tous les niveaux de l’entreprise. »

« La RSE ne doit pas être une procédure administrative ni un acte de management, estime Patrick Pierron, secrétaire national de la CFDT. C’est un élément de pilotage stratégique pour le groupe, elle doit participer au décloisonnement et être débattue. Elle doit faire l’objet de négociations sur les indicateurs les plus pertinents et les thèmes prioritaires, en lien avec la nouvelle base de données unique, qui vise à renforcer la transparence et les discussions sur l’avenir des groupes. »

« La RSE, pour nous, c’est “Redonner du Sens Ensemble”, abonde Jean-Frédéric Dreyfus, administrateur salarié du SNB-CFE-CGC de Crédit Agricole CIB. Il faut davantage associer les IRP à cette problématique transverse en créant une commission développement durable obligatoire dans les CE des entreprises de plus de 300 salariés et en augmentant le nombre d’administrateurs salariés dans les conseils d’administration. » Le syndicaliste regrette aussi que l’étude d’Alpha n’intègre pas les dimensions environnementales et de gouvernance.

Approche chronophage

« Le débat sur les enjeux prioritaires au sein de chaque entreprise doit précéder la mise en place d’un système de reporting, analyse François Fatoux, délégué général de l’Orse (Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises). Mais il nécessite de cibler certains thèmes et d’en écarter d’autres or l’étude insiste sur la nécessité de renseigner tous les sujets. C’est une approche chronophage et contre-productive, où le reporting devient une finalité en soi, d’autant que de nombreux indicateurs ne sont pas pertinents dans certains pays. »

Pour être efficace, « le reporting RSE doit surtout servir à identifier les risques, en assurer le suivi, les prévenir et, éventuellement, réparer leurs impacts plutôt que de rechercher une conformité à la législation, estime Natacha Seguin. Or il y a une déconnexion réelle entre les risques perçus, en matière de réputation par exemple avec le développement des réseaux sociaux, et la qualité de l’information fournie sur ces risques. » La directive européenne sur la publication d’informations extra-financières, adoptée par le Parlement européen le 15 avril, insiste sur l’obligation de rendre des comptes sur le devoir de vigilance des groupes dans les grands domaines de la RSE.

* Dossier en téléchargement sur : <www.groupe-alpha.com/fr/etudes-prospective>

Auteur

  • NICOLAS LAGRANGE