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Base de données unique : les entreprises font leurs premiers pas

Pratiques | publié le : 13.05.2014 | NICOLAS LAGRANGE

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Base de données unique : les entreprises font leurs premiers pas

Crédit photo NICOLAS LAGRANGE

Quelques rares employeurs ont négocié la mise en œuvre de leur base de données économiques et sociales unique. La plupart attendent de pouvoir choisir le meilleur support pour un coût limité, sur fond de concurrence exacerbée entre éditeurs de solutions RH.

À un mois de l’échéance, très peu d’entreprises sont prêtes. Le 14 juin, toutes celles qui emploient 300 salariés et plus doivent avoir mis en place une base de données économiques et sociales unique (BDESU), clé de voûte de la nouvelle information-consultation sur les orientations stratégiques à trois ans. Les moins de 300 salariés, elles, ont un an de plus pour appliquer la loi.

« Dans une enquête effectuée en février auprès de 25 clients, nous avons constaté que la moitié ne connaissait pas cette obligation, relève Viviane Chaine-Ribeiro, présidente de Talentia Software. 20 % étaient au courant, mais n’avaient pas entrepris de démarche et 30 % commençaient à y réfléchir. »

Il faut dire que le décret sur la BDESU n’est sorti qu’en décembre 2013 et la circulaire, en mars dernier. « Même si le sujet suscite un intérêt grandissant, l’attentisme des DRH est avéré, assure Paul-Henri Antonmattéi, avocat associé au cabinet Barthélémy. Beaucoup se laissent du temps pour choisir le meilleur outil, mais la loi ne se résume pas à des questions techniques ! La mise en place de la BDESU est un acte majeur en vue d’un nouveau dialogue social. On fait entrer les comités d’entreprise dans le cockpit de l’avion, cela suppose des discussions nourries en amont avec les IRP. »

C’est l’approche adoptée par PSA, dès octobre 2013, dans son accord de nouveau contrat social. Le constructeur automobile s’engage à informer son comité paritaire stratégique international sur le plan produits, les orientations industrielles ou encore les avant-projets à horizon de cinq à dix ans. En outre, les 60 entités du groupe doivent partager leur plan moyen terme à trois ans avec leurs IRP respectives. Autant d’éléments qui commencent à être intégrés dans la nouvelle BDESU, créée par la DSI et opérationnelle depuis quelques jours. « Nous voulions remettre en place un vrai dialogue social et recréer la confiance, souligne Franck Mulard, directeur des relations sociales et du travail. Nous allons au-delà de nos obligations, puisque notre base comprend aussi les PV de réunions, les rapports publics comme le rapport RSE, les rapports des experts mandatés par les instances ou encore les présentations diverses des dirigeants. »

« La nouvelle configuration est très satisfaisante, commente Jacques Mazzolini, DSC suppléant CFE-CGC. Nous avons toutes les informations en un seul endroit avec un historique, ce qui supprime le fastidieux travail de recherche et d’archivage, avec, de surcroît, un accès à des informations stratégiques nouvelles. » PSA est en avance, puisqu’après avoir délivré aux IRP une première information détaillée sur les orientations stratégiques dès novembre 2013, le groupe prévoit de consulter le CCE, le 22 mai. En matière de confidentialité, outre un système de traçabilité des connexions, l’impression de certains documents fait apparaître un bandeau avec la date et le nom de la personne connectée.

Conforter le dialogue social

Autre précurseur, Natixis, avec un chapitre sur les orientations stratégiques et la BDESU dans l’accord sur l’emploi de septembre 2013, signé par 3 syndicats sur 5. « Pour conforter le dialogue social et favoriser les passerelles entre filiales, nous nous engageons à donner aux IRP une visibilité régulière sur les orientations stratégiques et l’évolution de l’emploi et des métiers, précise Andy Thiolas, responsable des relations sociales. Nous sommes en train d’adapter notre outil Sharepoint en interne pour regrouper et mettre en perspective l’ensemble de nos données. » Une arborescence thématique renvoie directement aux rapports dans lesquels les informations figurent, avec un message aux utilisateurs pour toute nouvelle intégration dans la base et une datation systématique des documents. Les IRP de chaque entité ont accès à leurs données respectives, mais les représentants de Natixis Intégrée (Natixis SA et 30 filiales françaises) peuvent visualiser 100 % des informations. « Cette centralisation des données est vraiment appréciable, estime Laurent Jacquel, représentant SNB CFE-CGC. Mais dans cette première version, la direction ne prévoit pour l’instant qu’une reprise des documents existants au format PDF, ce qui ne permet pas d’exploiter les données facilement. Nous espérons que le système va évoluer. »

Quel type d’informations communiquer, sur quel support, à qui et à quelle fréquence ? Le groupe Aldes (ventilation et confort thermique) s’est également posé toutes ces questions : « Finalement, nous avons décidé de tout transmettre, à toutes les IRP, avec un accès permanent via Sharepoint, principalement sous format Excel, explique le DRH, José Félix. Le tri des informations, selon leur nature et le type de représentants, aurait été très chronophage. Et la plupart des informations étaient déjà délivrées tous les mois au CE. » En matière de sécurité, un avenant au contrat de travail de chaque élu ou représentant syndical va être établi avec une clause de confidentialité.

Créer une solution dédiée

« Les IRP souhaitent un outil évolutif et des données actualisées très régulièrement, constate Régis Granarolo, président du Munci (association d’informaticiens) et membre du Specis-Unsa (SSII et bureaux d’études). Nous avons été mandatés par de nombreux élus de CE pour guider leur réflexion : beaucoup aimeraient disposer d’informations supplémentaires et de fonctionnalités avancées, afin que la base de données apporte une réelle valeur ajoutée. » Exemple chez Atos, où les contours de la BDESU sont en cours de négociation. « Nous demandons une base qui comprendrait notamment le registre du personnel et les rémunérations anonymisées, pour effectuer nos propres extractions, calculer des médianes, des moyennes ou des déciles, explique Frédéric Peyron, coordinateur syndical Unsa du groupe. Cela faciliterait aussi la NAO, où nous passons plusieurs réunions à réclamer des informations. » Direction et syndicats sont en tout cas d’accord pour utiliser Sharepoint à titre très temporaire, avant de mettre en œuvre les ressources internes pour créer une solution dédiée.

La plupart des entreprises ne seront pas dans les clous le 14 juin. Dans un premier temps, beaucoup pourraient privilégier le format papier pour la BDESU, en attendant d’y voir plus clair dans les offres logicielles du marché, avec un impératif récurrent : ne pas y consacrer un gros budget.

L’ESSENTIEL

1 Les entreprises de 300 salariés et plus doivent avoir mis en place, au 14 juin 2014, une base de données économiques et sociales unique avec des informations stratégiques à trois ans.

2 Les négociations sur le sujet mettent en lumière les priorités des partenaires sociaux. Les projets des entreprises pionnières devraient permettre d’y voir plus clair.

3 Le marché des solutions informatiques surfe sur cette nouvelle obligation. Les éditeurs proposent des fonctionnalités très variables.

Les éditeurs de solutions RH en effervescence

Il y a d’abord les offres d’interopérabilité des spécialistes du talent management. Talentsoft va proposer gratuitement à ses clients une interface permettant de traiter les données de tous les fichiers Excel (informations carrières, paie, financières). « La base de données doit être une deuxième étape de la GPEC, avec un focus sur les aspects prévisionnels », assure le cofondateur, Alexandre Pachulski. De son côté, Talentia Software a mis au point deux outils décisionnels – RH et finance, interopérables à terme –, avec des indicateurs préformatés.

Plusieurs éditeurs proposent des solutions orientées gestion électronique de documents (GED), comme Ardans, associé à brL Avocats, ou encore Alcuin, en partenariat avec Vaughan Avocats. Il s’agit d’une mise à disposition de documents, avec archivage, moteur de recherche et commentaires possibles, en mode SaaS ou intranet.

Les groupes de conseil aux entreprises ou aux IRP se mettent aussi sur les rangs. Altedia va présenter un outil de reporting associé à une GED, développé par Modis, filiale comme elle d’Adecco. Alixio, Secafi et Ricol Lasteyrie ont, pour leur part, noué un partenariat avec HR Path (lire Entreprise & Carrières n° 1188). « Notre solution applicative va bien au-delà du stockage. Elle génère automatiquement des graphiques et des indicateurs de performance afin de constituer une aide à la décision », expose un des associés de HR Path, Marc Garrido.

SSCI Kalliste parie, de son côté, sur le prix, la modularité et la sécurité (cryptage des données) : « Notre solution de base coûte environ 3 000 euros. Elle est paramétrable, génère graphiques et statistiques et permet des échanges avec les IRP, plaide son dirigeant, Régis Pietri. Nous déconseillons le mode SaaS, standardisé et moins sécurisé. Nous intégrerons bientôt de nouveaux développements, comme l’analyse prédictive, la génération automatique de rapports et une GED plus performante. »

Auteur

  • NICOLAS LAGRANGE