Le travail d’un psychologue peut parfois entrer en résonance avec l’histoire inti- me qui est la sienne. Or, quand il s’agit d’une psychosomaticienne, spécialiste de la souffrance au travail comme Marie Pezé, à l’origine des consultations de “souffrance et travail”, le rapport entre sa situation de clinicienne et celle des patients qui ont eu recours à ses soins est particulièrement étroit et instructif.

Isolée dans un environnement hostile, alors que sa charge de travail ne cessait d’augmenter, du fait à la fois du succès de sa consultation et de l’augmentation des pathologies de surcharge liées à la détérioration des conditions de travail des salariés, l’auteure, atteinte d’une affection neurologique qui l’empêchait de porter quoi que ce soit, fut pourtant obligée, pour assumer son poste à l’hôpital de Nanterre, de déplacer quotidiennement ses dossiers du bureau où ils étaient stockés à celui où elle recevait ses patients, quand il aurait été si facile de lui attribuer un lieu avec les rangements adéquats pour exercer son activité.

Licenciée de son poste pour ne pas avoir réussi l’impossible, elle n’a pas retrouvé de place dans la fonction hospitalière. Elle continue d’enseigner au Cnam, où elle a créé, avec Christophe Dejours, le CES de psychopathologie du travail. Témoigner de ce long calvaire, entre la nécessité de tenir coûte que coûte et la détérioration de sa santé, a été l’occasion d’aborder une fois de plus la logique destructrice des modes de manage- ment par la concurrence et le stress. Un sujet qui avait fait le succès de ses précédents ouvrages.

Je suis debout bien que blessée

Marie Pezé, éditions Josette Lyon, 170 pages, 16 euros.